Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimé devait répondre à une allégation de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’intimé a été accusé d’avoir touché une autre membre, à des fins sexuelles et sans son consentement, pendant une marche vers la résidence de la membre, puis dans sa résidence.
Le Comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée et a imposé : une sanction pécuniaire de 40 jours à déduire de la solde de l’intimé; l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de 2 ans; le travail sous surveillance étroite pendant 1 an.
L’autorité disciplinaire a interjeté appel de la décision du Comité de déontologie de ne pas congédier l’intimé. En appel, l’appelant a soutenu que le Comité de déontologie s’est fondé sur des renseignements non exacts sur le plan factuel; n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve; a fait des conclusions erronées concernant le témoignage de la gendarme T.N.; a fait une erreur de droit en ne concluant pas que l’intimé a commis une agression sexuelle; a fait une erreur en imposant des mesures disciplinaires fondées sur l’opinion subjective du Comité de déontologie; a fait une erreur en n’envisageant pas le congédiement comme la mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances.
L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC aux fins d’examen. Le CEE a conclu que le Comité de déontologie a commis une erreur en omettant de conclure que l’intimé a commis une agression sexuelle, rendant ainsi sa décision manifestement déraisonnable. Par conséquent, le CEE a recommandé que l’on ordonne à l’intimé de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours ou d’être autrement congédié.
L’arbitre a conclu que le Comité de déontologie a établi que l’intimé avait commis une agression sexuelle. Néanmoins, l’arbitre a quand même déterminé que l’intimé devrait être renvoyé de la Gendarmerie parce que le Comité de déontologie a commis des erreurs à l’égard des facteurs atténuants et aggravants qui ont rendu la décision sur les mesures disciplinaires nettement déraisonnables.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier no 2019335737 (C-106)

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire

d’un appel formé contre une décision rendue par un comité de déontologie en vertu du

paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LCR 1985, ch. R-10

Entre :

Rob Hill, sous-commissaire

Numéro SIGRH : 000045819

(Appelant)

et

Kelly Brown, gendarme

Numéro SIGRH : 000145517

(intimé)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE


 

ARBITRE : John Lawrence

DATE : 12 September 2024


Table des matières

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

CONTEXTE FACTUEL 6

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES 9

Conclusions à l’égard de l’allégation 9

Étape des mesures disciplinaires 15

Décision relative aux mesures disciplinaires 17

APPEL 17

Questions préliminaires 18

Considérations relatives à l’appel 18

Équité procédurale 19

Erreur de droit 21

Premier et deuxième éléments du critère Ewanchuk 23

Troisième élément du critère Ewanchuk 24

Manifestement déraisonnable 25

A) Le comité de déontologie s’est-il appuyé sur des renseignements factuels inexacts? 26

b) Le Comité de déontologie a-t-il omis de tenir compte des éléments de preuve pertinents? 28

c) Le comité de déontologie a-t-il conclu correctement en ce qui concerne le témoignage de la gend. T.N.? 30

Conclusion 33

Mesures disciplinaires 33

Facteurs aggravants 40

Facteurs atténuants 43

Mesure disciplinaire appropriée 44

DÉCISION 45

 

SOMMAIRE

L’intimé devait répondre à une allégation de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’intimé a été accusé d’avoir touché une autre membre, à des fins sexuelles et sans son consentement, pendant une marche vers la résidence de la membre, puis dans sa résidence.

Le Comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée et a imposé : une sanction pécuniaire de 40 jours à déduire de la solde de l’intimé; l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de 2 ans; le travail sous surveillance étroite pendant 1 an.

L’autorité disciplinaire a interjeté appel de la décision du Comité de déontologie de ne pas congédier l’intimé. En appel, l’appelant a soutenu que le Comité de déontologie s’est fondé sur des renseignements non exacts sur le plan factuel; n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve; a fait des conclusions erronées concernant le témoignage de la gendarme T.N.; a fait une erreur de droit en ne concluant pas que l’intimé a commis une agression sexuelle; a fait une erreur en imposant des mesures disciplinaires fondées sur l’opinion subjective du Comité de déontologie; a fait une erreur en n’envisageant pas le congédiement comme la mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC aux fins d’examen. Le CEE a conclu que le Comité de déontologie a commis une erreur en omettant de conclure que l’intimé a commis une agression sexuelle, rendant ainsi sa décision manifestement déraisonnable. Par conséquent, le CEE a recommandé que l’on ordonne à l’intimé de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours ou d’être autrement congédié.

L’arbitre a conclu que le Comité de déontologie a établi que l’intimé avait commis une agression sexuelle. Néanmoins, l’arbitre a quand même déterminé que l’intimé devrait être renvoyé de la Gendarmerie parce que le Comité de déontologie a commis des erreurs à l’égard des facteurs atténuants et aggravants qui ont rendu la décision sur les mesures disciplinaires nettement déraisonnables.

INTRODUCTION

[1] Le sous-commissaire Rob Hill (l’appelant) interjette appel des mesures disciplinaires imposées par un comité de déontologie de la GRC. Dans sa décision, le Comité de déontologie a conclu qu’une allégation contre le gendarme (gend.) Kelly Brown (l’intimé) était fondée. L’allégation est celle d’une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, une annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[2] Le Comité de déontologie a imposé une sanction pécuniaire de 40 jours, à déduire de la solde de l’intimé; a rendu l’intimé inadmissible à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de réintégration de l’intimé; a obligé l’intimé à travailler sous étroite surveillance pendant une période d’un an, à compter de sa date de réintégration.

[3] L’appelant conteste les conclusions du Comité de déontologie à l’égard de l’allégation et des mesures disciplinaires imposées. L’appelant soutient que la décision contrevient aux principes d’équité procédurale, qu’elle est fondée sur une erreur de droit pour défaut de conclure que l’intimé a commis une agression sexuelle et qu’elle est manifestement déraisonnable parce que le Comité de déontologie a rendu des conclusions erronées et non étayées, n’a pas tenu compte de tous les éléments de preuve, et a fait une conclusion subjective sur les mesures disciplinaires appropriées.

[4] L’appelant demande à ce que l’on ordonne à l’intimé de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours ou d’être autrement congédié.

[5] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], l’Appel a été renvoyé devant le CEE de la GRC aux fins d’examen. Dans un rapport publié le 29 mai 2024 (CEE C-2020-008 [C-106]) (le Rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’Appel soit accueilli et que l’on ordonne à l’intimé de démissionner dans les 14 jours ou d’être autrement congédié.

[6] Le commissaire peut, en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires dans le cadre d’appels en matière de déontologie et j’ai reçu une telle délégation.

[7] Pour rendre ma décision, j’ai examiné la trousse de documents qui était présentée au Comité de déontologie, le dossier d’appel (Appel) de 501 pages préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) et le Rapport, collectivement appelés le dossier. Je fais référence aux documents du dossier par le titre du document et le numéro de page du fichier électronique.

[8] Pour les motifs qui suivent, l’Appel est accueilli.

CONTEXTE FACTUEL

[9] Le Comité de déontologie a résumé les faits ayant mené à l’audience disciplinaire comme suit (Appel, page 9) :

[…]

[1] Le ou vers le 5 juillet 2017, alors que les deux membres n’étaient pas en devoir, l’[intimé] et la [gend. T.N.] se sont rendus à une fête où ils ont consommé de l’alcool. Aux petites heures du matin, le 6 juillet 2017, [l’intimé] et [la gend.] T.N.] sont retournés à pied jusqu’à leur résidence respective. [L’intimé] aurait touché la gend. [T.N.], à des fins sexuelles et sans son consentement, pendant le retour à la maison.

[2] Une enquête relative au Code de déontologie, en vertu de la partie IV de la [Loi sur la GRC], a été lancée le 24 juillet 2017. L’affaire a aussi été renvoyée à l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave de l’Alberta (Alberta Serious Incident Response Team [ASIRT]). Aucune accusation criminelle [sic]n’a été déposée.

[…]

[10] L’intimé aurait également touché la plaignante, la gend. T.N., à sa résidence, à des fins sexuelles et sans son consentement.

[11] L’enquête sur le Code de déontologie a donné lieu à l’allégation et aux énoncés détaillés suivants (Appel, pages 10 et 11) :

Allégation 1 :

Le 6 juillet 2017 ou vers cette date, à Leduc, en Alberta, ou à proximité de cet endroit, l’[intimé] s’est comporté de manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncés détaillés

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la GRC et affecté à la Division K, au Détachement de Leduc, en Alberta. En tant que membre du Détachement de la GRC de Leduc, vous avez été affecté à l’équipe « C ».

2. Au moment des faits, la gend. [T.N.] était membre de la GRC du Détachement de Leduc et affectée à l’équipe « C ». Votre résidence personnelle et la résidence personnelle de la gend. [T.N.] se trouvent très près l’une de l’autre dans la ville de Leduc. Il est admis que vous et la gend. [T.N.], avec vos conjoints respectifs, vous fréquentez souvent socialement en tant que collègues et voisins.

3. Vous et la gend. [T. N.] n’étiez pas en devoir le soir du 5 juillet 2017; vous et des collègues étiez réunis au restaurant-bar Original Joe’s à Leduc. La soirée s’est poursuivie à la résidence du gend. [M.K.] alors qu’il était transféré de l’équipe « C ». Il est admis que vous et la gend. [T. N.] avez consommé des boissons alcoolisées pendant la soirée. Vers [2 h] le 6 juillet 2017, la gend. [T. N.] a constaté qu’il était temps de rentrer chez elle, et vous l’avez accompagnée en marchant avec elle jusqu’à sa résidence personnelle. Il est également admis qu’il n’y avait que vous et elle pendant le retour jusqu’à vos résidences respectives.

4. À un moment donné, en marchant, la gend. [T.N.] a trébuché. Elle est tombée sur une pelouse, où elle est restée étendue par terre sans bouger. La gend. [T.N.] vous a dit : « Laisse-moi ici, je vais dormir dehors cette nuit. » Il est admis que vous étiez préoccupé pour la gend. [T.N.] et ne vouliez pas la laisser seule à dormir dehors dans un état d’intoxication. Vous avez commencé à frotter le dos de la gend. [T.N.]. Vous avez touché l’extérieur de la chemise de la gend. [T.N.] sur son sein droit de manière sexuelle. Vous n’aviez pas le consentement de la gend. [T.N.] pour toucher son sein de manière sexuelle. Vous avez profité de la gend. [T.N.] dans son état d’intoxication. Éventuellement, la gend. [T.N.] s’est levée et, ensemble, vous avez continué votre marche vers la maison.

5. La gend. [T.N.] est tombée de nouveau et vous a fait un commentaire alors qu’elle était allongée sur la pelouse d’une personne inconnue : « Il y a une émission de télévision, je suis correcte, laisse-moi ici pour la nuit. Je vais regarder la télé jusqu’à ce que je m’endorme. » Il est admis que vous vous préoccupiez toujours du bien-être de la gend. [T.N.] et ne vouliez pas la laisser seule à dormir par terre sur la pelouse dans un état intoxiqué. Vous avez placé vos mains à l’intérieur de la chemise et du soutien-gorge de la gend. [T.N.] et vous avez agrippé physiquement son sein droit de manière sexuelle. Vous avez profité de la gend. [T.N.] dans son état d’intoxication. Éventuellement, la gend. [T.N.] s’est levée et, ensemble, vous avez continué votre marche vers la maison.

6. À son arrivée à sa résidence personnelle, la gend. [T.N.] n’avait pas ses clés et la porte était verrouillée. Ensemble, vous avez cogné à la porte et sonné, ce qui a fait aboyer les chiens qui se trouvaient dans la résidence. La gend. [T. N.] vous a dit qu’elle était rendue chez elle, qu’elle était correcte, et qu’elle resterait assise sur le perron jusqu’à ce que son mari, le gend. [B.S.] de la GRC, se réveille. Vous avez répondu que vous resteriez avec elle et vous vous êtes assis à côté d’elle sur la marche du perron. Vous avez ensuite glissé votre main sous le chandail de la gend. [T.N.] et avez commencé à toucher sa poitrine. La gend. [T.N.] vous a dit : « [Intimé], arrête. » Vous n’aviez pas le consentement de la gend. [T.N.] pour toucher sa poitrine de manière sexuelle et avez commis une agression sexuelle. Vous avez profité de la gend. [T.N.] dans son état d’intoxication.

7. Le gend. [B.S.] est ensuite apparu à la porte de la résidence et a allumé la lumière. Compte tenu de l’état d’intoxication de la gend. [T.N.], le gend. [B.S.] vous a demandé de l’aide pour l’amener physiquement dans la résidence. Ensemble, vous avez transporté la gend. [T.N.] dans la résidence et l’avez allongée sur le canapé. Le gend. [B.S] a quitté la pièce pour aller chercher de l’eau pour la gend. [T.N.]. Vous vous êtes penché sur le canapé et avez placé une de vos mains entre les jambes de la gend. [T.N.] près de la région vaginale et une autre main sous sa chemise et son soutien-gorge pour lui caresser les seins. La gend. [T.N.] vous a clairement dit : « [Intimé], arrête ». Votre geste a déplacé la chemise et le soutien-gorge de la gend. [T.N.] ce qui a exposé en grande partie son sein droit. Vous n’aviez pas le consentement de la gend. [T.N.] pour la toucher sur les seins ou entre les jambes de manière sexuelle, ce qui fait de votre geste une agression sexuelle. Vous avez profité de la gend. [T.N.] dans son état d’intoxication. Éventuellement, le gend. [B.S.] est revenu près du canapé et vous avez quitté la résidence de façon pressée.

8. Le 23 juillet 2017, la gend. [T.N.] a signalé avoir été agressée sexuellement par vous à son superviseur, le sergent [S.H.].

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[12] Le 31 octobre 2018, dans sa Réponse aux allégations en vertu du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), l’intimé a nié l’allégation. Cependant, il a admis certains détails et a fourni des explications (Documentation).

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES

[13] L’audience a eu lieu du 5 au 11 juin 2019. Cinq témoins, dont la gend. T.N., l’intimé et son épouse ont témoigné.

[14] Le 11 juin 2019, le Comité de déontologie a rendu sa décision oralement en concluant que l’allégation était fondée (Appel, page 10).

[15] Le 20 septembre 2019, le Comité de déontologie a publié son compte rendu de décision (Appel, pages 7 à 32).

Conclusions à l’égard de l’allégation

[16] Le 29 mai 2024, le CEE a résumé les faits contestés et les conclusions du Comité de déontologie (Rapport, paragraphes 21 à 28) :

[21] Dans la décision, le Comité a décrit les faits qui n’étaient pas contestés. Le Comité a également décrit les faits contestés (Appel, pages 14 et 15) :

[18] Les parties ne s’entendent pas sur ce qui s’est passé lors de la marche jusqu’à la résidence, sur le perron ou sur le canapé modulaire dans la résidence de la gend. [T.N.]. Elles ne s’entendent pas non plus sur de nombreux aspects en ce qui concerne ce qui s’est passé entre les incidents présumés, le 6 juillet 2017, et le moment où la gend. [T.N.] a signalé des incidents d’attouchements sexuels non consensuels au sergent [H] le 22 juillet 2017 ou aux environs de cette date.

[19] Le [représentant du membre] était clair quant au fait que le consentement n’était pas en cause dans ce cas. L’[intimé] n’a jamais affirmé que les attouchements sexuels allégués étaient consensuels. Au contraire, l’[intimé] a nié que les incidents se soient produits. Il a d’ailleurs affirmé n’avoir aucun souvenir des incidents en question.

[20] Il y a quatre allégations d’attouchements sexuels non consensuels. Les deux premiers auraient eu lieu pendant la marche vers la résidence, quand la gend. [T.N.] est tombée au sol. On les appellera la première et la deuxième chute. Le troisième aurait eu lieu quand la gend.[T.N.] et l’[intimé] étaient sur le perron de la résidence de la gend. [T.N.]. Le quatrième aurait eu lieu lorsque la gend. [T.N.] était allongée sur le canapé modulaire dans sa résidence.

[22] En ce qui concerne « la première chute », le Comité a présenté les conclusions suivantes [Appel, pages 22-23] :

a. La gend. [T.N.] a quitté la résidence du gend. [M. K.] à environ 2 h du matin et a commencé à marcher vers sa résidence;

b. L’intimé a rejoint la gend. [T.N.], qui marchait « sans aide » juste avant de tomber sur la pelouse;

c. L’intimé a affirmé dans sa preuve orale qu’il ne se souvenait pas de cette chute. Toutefois, le Comité a préféré le témoignage de la gend. [T.N.]. Il a également conclu que la chute s’était produite; et,

d. que pendant que la gend. [T.N.] était étendue sur la pelouse, l’attouchement à la poitrine, par-dessus sa chemise, s’était produit. Cependant, la mémoire de la gend. [T.N.] concernant cet événement n’était pas assez fiable pour que le Comité puisse conclure, selon la prépondérance des probabilités, que l’attouchement était de nature sexuelle [Appel, page 22]. Le Comité a souligné que la gend. [T.N.] avait « déclaré dans son témoignage que, sur le coup, elle avait cru qu’il était possible que l’attouchement ait simplement été une façon maladroite de la réveiller d’un sommeil apparent ».

[23] En ce qui concerne « la deuxième chute », le Comité a conclu ce qui suit [Appel, à la page 23] :

a. La gend. [T.N.] et l’intimé ont poursuivi leur marche;

b. L’intimé a aidé la gend. [T.N.], en plaçant le bras gauche de la gend. [T.N.] par-dessus son épaule et son bras droit autour du dos de la gend. [T.N.];

c. Le souvenir de la gend. [T.N.] concernant la deuxième chute était préférable, car il était compatible avec divers aspects de la preuve examinée;

d. En se fondant sur l’ensemble de la preuve, la chute s’est produite telle que l’a décrite la gendarme [T.N.];

e. L’intimé a nié, ou a déclaré ne pas se souvenir d’autres contacts physiques. Cependant, la mémoire de la gend. [T.N.] concernant les incidents allégués était plus crédible lorsqu’elle était évaluée selon l’ensemble de la preuve;

f. La gend. [T.N.] a reconnu que sa mémoire n’était pas parfaite et qu’elle ne se rappelait pas de tous les détails de la marche vers la maison. Toutefois, le Comité a accueilli le caractère « sans ambiguïté » relativement au but de l’attouchement; et,

g. dans les circonstances, il n’existe « aucune explication plausible pour toucher la poitrine de quelqu’un, sous ses vêtements, dans un but autre que sexuel ».

[24] En ce qui concerne ce qui s’est produit « sur le perron », le Comité a conclu ce qui suit [Appel, pages 23-25] :

a. Après la deuxième chute, la gend. [T.N.] et l’intimé ont continué de marcher vers leur résidence;

b. L’intimé était avec la gend. [T.N.] à son arrivée chez elle;

c. La gend. [T.N.] n’avait pas ses clés et la porte était verrouillée;

d. Après avoir cogné à la porte et avoir sonné, l’intimé a attendu avec la gend. [T.N.] que le gend. [B.S.] la laisser entrer;

e. Il était improbable que la gend. [T.N.] et l’intimé soient restés en position statique pendant les cinq à sept minutes qu’ils étaient sur le perron;

f. La gend. [T.N.] était assise sur le perron et appuyée contre la rampe. La gend. [T.N.] se souvient qu’elle était dans cette position lorsque l’intimé a glissé sa main sous sa chemise et son soutien-gorge et qu’il a touché son sein. La gend. [T.N.] se souvient d’avoir dit « arrête » ou « [intimé], arrête »;

g. La gend. [T.N.] se rappelle que l’intimé était assis à côté d’elle, mais qu’il n’était pas complètement derrière elle. La mémoire de la gend. [T.N.] à ce sujet était crédible, mais pas complètement fiable. Le compte rendu de l’intimé sur ce point n’était ni crédible ni fiable. Le Comité a observé :

[64] Dans sa déclaration écrite à l’ASIRT, l’[intimé] n’avait aucun souvenir d’avoir passé du temps sur le perron. Dans sa réponse relative à l’article 15, il s’est rappelé certaines choses qui s’étaient passées sur le perron, mais ne s’est pas rappelé d’avoir été assis à côté d’elle. Dans son témoignage oral, il a déclaré être resté debout tandis que la gend. [T.N.] était à côté de lui ou derrière lui. Lors du contre-interrogatoire [l’intimé] a reconnu qu’il était derrière la gend. [T.N.] quand le gend. [B.S.] est venu ouvrir la porte.

h. Le témoignage du gend. [B.S.] était le plus fiable en ce qui concerne la position de l’intimé par rapport à celle de la gend. [T.N.]. De plus, le gend. [B.S.] a décrit avoir vu l’intimé accroupi près de la gend. [T.N.], avec ses bras autour d’elle et sa main autour de la région de sa poitrine. Le gend. [B.S.] a aussi décrit avoir entendu la gend. [T.N.] dire « arrête » à deux reprises, avant que l’intimé et elle n’aient pris connaissance de sa présence. Le gend. [B.S.] se rappelle également comment l’intimé a « soudainement ramener sa main vers lui » lorsqu’il a pris connaissance de la présence du gend. [B.S.], et que l’intimé avait l’air d’une personne qui avait été prise à faire quelque chose qu’il n’aurait pas dû faire;

i. L’intimé a nié avoir touché la gend. [T.N.];

j Le [représentant du membre] a soutenu que le mot « arrête » aurait pu être une demande pour l’intimé de cesser d’essayer d’aider la gend. [T.N.] à se relever. Personne n’a nié que la gend. [T.N.] a dit à l’intimé, plusieurs fois pendant leur marche, de la laisser rentrer chez elle toute seule. Personne n’a non plus nié que l’intimé ne laisserait pas la gend. [T.N.] seule en état d’ébriété. Cependant, en examinant les circonstances, et en particulier les observations du gend. [B.S.], qui a déclaré avoir vu la main de l’intimé autour de la poitrine de la gend. [T.N.] lorsqu’elle a dit « arrête », le Comité a conclu qu’il était plus plausible que le mot « arrête » soit une indication claire de l’absence de consentement à un attouchement de nature sexuelle; et,

k. compte tenu de l’ensemble de la preuve, l’intimé a touché la poitrine de la gend. [T.N.] sous sa chemise et son soutien-gorge, sans son consentement et à des fins sexuelles.

[25] En ce qui concerne ce qui s’est produit « sur le canapé », le Comité a conclu ce qui suit [Appel, pages 25-27] :

a. Bien que le témoignage de l’intimé dans le dossier ne soit pas cohérent, il a admis avoir aidé le gend. [B.S.] à porter la gend. [T.N.] jusqu’à l’intérieur de la résidence. L’intimé a également admis que le gend. [B.S.] et lui-même avaient allongé la gend. [T.N.] sur le canapé modulaire;

b. La gend. [T.N.] était allongée, la tête en direction du comptoir de la cuisine et les pieds en direction de la porte d’entrée;

c. La gend. [T.N.] se rappelle que le gend. [B.S.] l’a laissée avec l’intimé près du canapé pour aller lui chercher un verre d’eau dans la cuisine. D’après la gend. [T.N.], l’intimé, qui était penché au-dessus d’elle, a glissé sa main sous sa chemise et son soutien-gorge, touchant sa poitrine. La gend. [T.N.] se rappelle avoir dit à l’intimé d’arrêter;

d. L’intimé affirme n’avoir aucun souvenir d’avoir passé du temps dans la résidence de la gend. [T.N.];

e. L’intimé, la gend. [T.N.] et le gend. [B.S.] étaient d’accord sur la disposition des pièces de la maison, sur la position de la gend. [T.N.] sur le canapé, et sur le fait que le gend. [B.S.] aurait une vue dégagée de la cuisine au canapé;

f. Le témoignage du gend. [B.S.], dans son ensemble, était conforme à celui de la gend. [T.N.] Le gend. [B.S.] a clairement expliqué que, pendant qu’il allait chercher de l’eau dans le réfrigérateur, il tournait le dos au canapé. Le gend. [B.S.], se rappelle avoir entendu la gend. [T.N.] dire « arrête ». Le gend. [B.S.] s’est alors retourné pour regarder vers le canapé, où il a vu l’intimé retirer rapidement sa main de la région de la poitrine de la gend. [T.N.]. L’intimé avait l’air de quelqu’un qui avait été pris à faire quelque chose qu’il n’aurait pas dû faire. L’intimé a quitté la maison immédiatement après;

g. La gend. [T.N.] se souvient de la main de l’intimé sous sa chemise et son soutien-gorge, d’avoir repoussé cette main, et d’avoir senti la main tripoter sa poitrine;

h. La preuve du gend. [B.S.] et de la gend. [T.N.] était cohérente sur le point que la chemise et le soutien-gorge de la gend. [T.N.] n’étaient pas déplacés lorsque le gend. [B.S.] et l’intimé l’avait allongée sur le canapé. Les vêtements de la gend. [T.N.] étaient déplacés lorsque l’intimé s’est éloigné du canapé et est parti;

i. Aucune importance n’a été accordée aux contradictions dans les témoignages de la gend. [T.N.] et du gend. [B.S.] quant à la couleur du soutien-gorge de la gend. [T.N.]. Il s’agit d’une question négligeable;

j. La preuve du gend. [B.S.], selon laquelle l’intimé était à l’avant du canapé plutôt qu’à l’arrière, a été jugée plus fiable par le Comité. Le gend. [B.S.] était relativement sobre et avait une vue dégagée de la gend. [T.N.] et de l’intimé;

k. En ce qui concerne les contradictions entre les témoignages de la gend. [T.N.] et du gend. [B.S] quant à la position de l’intimé lorsque les attouchements sexuels présumés ont eu lieu, cela n’a pas eu d’incidence importante sur la fiabilité globale du compte rendu de la gend.[T.N.] quant à la nature sexuelle et non consensuelle des attouchements. De plus, le témoignage du gend. [B.S.] concorde avec les souvenirs de la gend. [T.N.] en général. Le gend. [B.S.] a entendu la gend. [T.N.] dire « arrête », il a vu la main de l’intimé sur la poitrine de la gend. [T.N.] avant que l’intimé la retire rapidement, il a observé que la poitrine de la gend. [T.N.] était exposée, et il a confirmé que la gend. [T.N.] a commencé à pleurer et lui dire que l’intimé avait touché sa poitrine;

l. Le mot « arrête », entendu par le gend. [B.S.], a amélioré la fiabilité du souvenir des attouchements sexuels et non consensuels présumés de la gend. [T.N.];

m. Le Comité n’était pas d’accord avec la suggestion du [représentant du membre], décrite comme peu plausible, selon laquelle la gend. [T.N.] aurait dit le mot « arrête » pour que l’intimé cesse de tenter de la relever. Il n’y avait « aucune raison » pour que l’intimé aide la gend. [T.N.] « une fois qu’elle était dans sa propre maison avec son conjoint »;

n. En ce qui concerne les contradictions concernant le sein exposé, à savoir s’il s’agissait du sein gauche ou du sein droit de la gend. [T.N.], et s’il l’était complètement ou partiellement, la gend. [T.N.] a déclaré que c’était son sein droit, tandis que le gendarme. [B.S.] a déclaré que c’était le sein gauche de la gend. [T.N.]. Le Comité n’a pas accordé une grande importance à cette contradiction lors de l’évaluation de la fiabilité globale des témoignages de la gend. [T.N.] et du gend. [B.S.]; et,

o. compte tenu de l’ensemble de la preuve, le Comité a conclu qu’il était plus probable que l’intimé ait touché la poitrine de la gend. [T.N.] à des fins sexuelles, sans son consentement, et que le sein de la gend. [T.N.] ait été exposé à la suite de cet attouchement.

[26] Dans l’ensemble, le Comité a déterminé que l’intimé ne pouvait pas nommer un motif plausible pour démontrer que la gend. [T.N.] ait inventé l’allégation 1. Le Comité a expliqué [Appel, pages 27 à 28] :

[78] [...] L’[intimé] a offert deux « motifs » possibles. Il a d’abord proposé que les allégations avaient pris de l’ampleur avec le temps, à mesure que la relation se détériorait entre la gend. [T.N.] et le gend. [B.S.]. Comme il est indiqué au paragraphe 47, la déclaration de l’intimé selon laquelle il n’était pas au courant du contenu de l’allégation a été prouvée comme fausse. Deuxièmement, l’[intimé] a « émis l’hypothèse » que la gend. [T.N.] a peut-être été motivée par un désir d’établir une relation amoureuse avec lui. Je trouve qu’il est improbable que quiconque cherche à établir une relation amoureuse avec quelqu’un en l’accusant d’inconduite sexuelle.

[27] Le Comité a conclu que, d’après l’ensemble de la preuve, les éléments 1, 2, 3, 5, 6 et 7 étaient fondés selon la prépondérance des probabilités, et que l’intimé a touché les seins de la gend. [T.N.] avec une intention sexuelle et sans son consentement, à trois reprises [Appel, page 28]. Toutefois, le Comité n’a pas conclu que l’énoncé détaillé 4 était fondé [Appel, page 28]. Ainsi, le Comité a conclu qu’une « personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait que le comportement de l’[intimé] est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ». [Appel, page 28] Le Comité a également conclu que les actions de l’intimé étaient « suffisamment liées à ses fonctions pour donner à la Gendarmerie un intérêt légitime de lui imposer des mesures disciplinaires » [Appel, à la page 28].

[28] Par conséquent, le Comité a déterminé que l’allégation 1 était fondée selon la prépondérance des probabilités, puisque l’on a conclu de la conduite déshonorante de l’intimé, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie [Appel, page 28].

Étape des mesures disciplinaires

[17] Le CEE a ensuite résumé les observations des parties sur les mesures disciplinaires comme suit (Rapport, paragraphes 30 à 32) :

[30] L’appelant a demandé que l’on ordonne à l’intimé de démissionner dans les 14 jours. L’appelant est d’avis que la nature de l’allégation n’est pas liée au rendement professionnel de l’intimé et, par conséquent, l’appelant a soutenu qu’on ne devrait pas accorder beaucoup de poids aux évaluations du rendement et aux lettres de recommandation de l’intimé. De plus, l’appelant a soutenu que les actes de l’intimé étaient essentiellement de nature criminelle et qu’ils devraient être jugés aussi sévèrement que possible. L’appelant a également soutenu que la Cour fédérale et des comités de déontologie antérieurs ont reconnu que les inconduites sexuelles sont d’intérêt public et qu’il est nécessaire d’agir contre l’inconduite sexuelle et le harcèlement. L’appelant a cité l’intérêt du public à faire en sorte que la GRC s’occupe des cas d’inconduite sexuelle d’une manière qui reflète la nature très grave d’une telle infraction. L’appelant a également souligné la nécessité de dissuader. [Appel, pages 28-29].

[31] Le [représentant du membre], au nom de l’intimé, a demandé une sanction pécuniaire d’une durée de 30 à 45 jours, ainsi que toute sanction supplémentaire jugée appropriée par le Comité, à l’exception du congédiement [Appel, page 29; Documentation, [intimé], Transcriptions, GRC-[intimé] 11JUN2019, page 64]. Le [représentant du membre] a cité d’autres cas, affirmant que l’inconduite dans ces cas était plus importante que celle de l’intimé [Appel, page 29]. Bien que le [représentant du membre] reconnaisse la nécessité de traiter les cas d’inconduite sexuelle et de harcèlement au sein de la GRC, le [représentant du membre] a soutenu que les questions de harcèlement systémique à long terme en milieu de travail peuvent être distinguées des cas d’inconduite à l’extérieur des heures de travail qui impliquent une consommation excessive d’alcool sur une courte période [Appel, page 29; Documentation, [intimé], Transcriptions, GRC- (intimé)11JUN2019, pages 35-41]. Le [représentant du membre] a fait valoir que dans ce dernier type de cas, le congédiement n’était pas le résultat [Appel, page 29]. De plus, le [représentant du membre] a indiqué que les actes de l’intimé pourraient être considérés comme des agressions sexuelles. Toutefois, il a soutenu qu’aucune accusation criminelle n’avait été déposée contre l’intimé [Appel, page 29; Documentation, (intimé), Transcriptions, GRC-[intimé]-11 JUN2019, page 39-40]. Le [représentant du membre] a accepté les arguments du [représentant de l’autorité disciplinaire] concernant l’intérêt public et a mentionné d’autres considérations [Appel, page 29]. Le [représentant du membre] a également soutenu que les lettres d’appui de l’intimé, y compris celle de son supérieur immédiat, décrivaient la conduite reprochée de l’intimé comme étant non représentative de son caractère, et parlait de son professionnalisme avec ses collègues et le public [Appel, page 29]. Le [représentant du membre] a suggéré que, compte tenu de l’ensemble de ces facteurs, l’intérêt public de dénoncer la conduite de l’intimé ne l’emportait pas complètement sur l’intérêt public à le garder au sein de la Gendarmerie [Appel, page 30]. À l’appui de sa position, le [représentant du membre] a cité des décisions préalablement rendues par des comités de déontologie [Appel, page 30].

[32] En réfutation, l’appelant a soutenu qu’aucun poids ne devrait être attribué à la présence ou à l’absence d’accusations criminelles [Appel, page 30]. En ce qui concerne les cas antérieurs impliquant une inconduite similaire, l’appelant a expliqué que l’on « gère un système dans lequel un certain nombre de personnes démissionnent volontairement ».

[18] Le CEE a ensuite résumé les éléments de preuve pertinents sur lesquels la phase des mesures disciplinaires s’est appuyée (Rapport, paragraphes 34 à 36) :

1. Lettres de référence et d’appui

[34] L’intimé a fourni plusieurs lettres d’appui. Certaines de ces lettres décrivent l’intimé comme une personne aimable, respectueuse, honnête et digne de confiance. Ils ont également décrit, en partie, le défendeur comme étant : apprécié; professionnel; connaissant et équilibré; bienveillant, passionné et serviable; courageux, réfléchi, muni d’un bon d’équipe et facile à vivre; un membre et un ami exceptionnels, travaillant et doté d’un fort caractère, un collègue respecté et un bon ami, qui incarne l’intégrité tant dans l’uniforme qu’en dehors; et fiable.

[35] Certaines des lettres ont expliqué que la conduite alléguée de l’intimé n’était pas représentative de son caractère. Dans une lettre, l’auteur a déclaré : « J’ai eu l’occasion de participer à des activités sociales avec l’[intimé] et je ne l’ai jamais vu boire trop ou perdre le contrôle ». Dans une autre lettre, l’auteur a déclaré : « J’ai été très choqué lorsque j’ai été informé des allégations, car elles ne sont pas du tout représentatives du caractère de l’[intimé] ». L’auteur d’une autre lettre a déclaré : « J’étais consterné lorsque j’ai pris connaissance des allégations, car elles n’étaient absolument pas représentatives du caractère de l’[intimé] [dossier de correspondance – RE: Dossier de la GRC no 2019335737 – Dossier du CEE no C-2020-008 [intimé].MRMesuresréférences.lettres.pdf, pages 3 à 10].

2. Évaluation du rendement

[36] La décision du Comité renvoie également aux évaluations du rendement de l’intimé qui décrivent en partie la capacité de l’intimé à s’acquitter de ses tâches de manière efficace et efficiente. Les évaluations ont également décrit, en partie, des exemples de la façon dont l’intimé a pris l’initiative en encadrant des membres en difficulté et en soutenant les objectifs du détachement, son approche honnête et professionnelle envers les gens, sa capacité de bien travailler avec ses collègues et ses bonnes valeurs d’équipe [Dossier de correspondance – RE: Dossier de la GRC no 2019335737 – Dossier du CEE no C-2020-008 [intimé]. MR. Références mesures.lettres.pdf, page 2].

Décision relative aux mesures disciplinaires

[19] À la suite de l’examen des documents soumis et des éléments de preuve, le Comité de déontologie a conclu que (Appel, page 33) :

Le comportement en question s’est produit en dehors des heures de travail et était un incident isolé. Qu’il est nettement différent des comportements répétés et prolongés décrits dans plusieurs des cas cités [Calandrini – DARD, Cardinal]. Dans le cas présent, j’estime que les facteurs atténuants sont suffisants pour justifier l’imposition de mesures disciplinaires graves n’allant pas jusqu’au congédiement. Collectivement, ces facteurs atténuants indiquent que le risque de récidive est minime.

[20] Sur cette base, le Comité de déontologie a imposé à l’[intimé] les mesures suivantes : une pénalité pécuniaire de 40 jours de solde; l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de 2 ans; l’obligation de travailler sous étroite surveillance pendant une période d’un an, à compter de la date de réintégration de l’[intimé] (Appel, p 33).

APPEL

[21] Le 7 octobre 2019, l’appelant a déposé son formulaire 6437 – Déclaration d’appel, indiquant que la décision du Comité de déontologie a été rendue d’une manière qui contrevient aux principes d’équité procédurale applicables, qu’elle était fondée sur une erreur de droit et qu’elle était manifestement déraisonnable. L’appelant est d’accord avec la décision du Comité de déontologie concernant le bien-fondé de l’allégation, mais il affirme que les mesures disciplinaires imposées par le Comité de déontologie étaient manifestement déraisonnables (Appel, pages 3 à 5).

[22] Le CEE a résumé le motif d’appel de l’appelant comme suit (Rapport, paragraphe 42) :

[…]

a. La décision du Comité était manifestement déraisonnable;

i. elle contenait des renseignements qui n’étaient pas exacts sur le plan factuel;

ii. la totalité des éléments de preuve n’a pas été prise en compte par le Comité; et,

iii. elle contenait des conclusions erronées concernant la preuve apportée par la gend. [T.N.], dont son témoignage qui n’a pas été dûment reconnu par le Comité;

b. le Comité a commis une erreur de droit en ne concluant pas que l’intimé a commis une agression sexuelle; et,

c. le Comité a commis une erreur en imposant des mesures disciplinaires fondées sur l’opinion subjective du Comité et en ne considérant pas que le congédiement était la mesure disciplinaire appropriée dans les circonstances. [Appel, pages 60 à 67].

[23] Le CEE a conclu que la portée de l’appel était suffisamment vaste pour englober également les conclusions du Comité de déontologie sur l’allégation 1.

[24] Je suis également d’avis que les conclusions du Comité de déontologie concernant l’allégation 1 doivent être examinées et qu’elles sont directement liées à la mesure disciplinaire qui a été imposée.

Questions préliminaires

[25] J’estime qu’aucune question ne se pose quant à la qualité pour agir ou au respect des délais.

Considérations relatives à l’appel

[26] Le processus d’appel en matière de déontologie ne permet pas à l’appelant de faire réévaluer son dossier (de novo) devant un nouveau décideur. C’est plutôt une occasion de contester une décision déjà rendue. Dans l’examen de l’appel d’une décision en matière de déontologie, le rôle de l’arbitre est régi par le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire doit évaluer si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[27] De plus, lorsqu’il s’agit d’un appel en matière de mesures disciplinaires, le paragraphe 45.16(3) de la Loi sur la GRC prévoit les éventuels résultats suivants :

(3) Le commissaire peut, lorsqu’il est saisi d’un appel interjeté contre une mesure disciplinaire imposée par un comité de déontologie ou une autorité disciplinaire :

a) soit rejeter l’appel et confirmer la mesure disciplinaire; ou

b) soit accueillir l’appel et annuler la mesure disciplinaire imposée ou, sous réserve des paragraphes (4) ou (5), imposer toute autre mesure disciplinaire.

[28] Selon la politique à l’article 5.6.2 du Manuel d’administration, chapitre II.3, « Griefs et appels » (version du 9 juillet 2015), l’arbitre doit tenir compte des documents suivants dans le cadre de son processus décisionnel :

5. 6. 2. L’arbitre étudie le formulaire relatif à l’appel; la décision écrite faisant l’objet de l’appel; les documents sur lesquels se fonde la décision, qui auront été fournis par la personne qui a pris la décision; les observations et toute autre information soumise par les parties, et dans le cas où l’appel a été renvoyé au [CEE], le rapport du [CEE] concernant l’appel.

[29] De plus, il est important de noter que les recommandations du CEE ne lient pas ma décision. Néanmoins, en vertu du paragraphe 45.16(8) de la Loi sur la GRC, je suis tenu de fournir des raisons lorsque je m’écarte des conclusions et des recommandations du CEE.

Équité procédurale

[30] Lorsqu’un appelant prétend que la décision d’un comité de déontologie ne respecte pas les principes applicables d’équité procédurale, il doit démontrer que le comité de déontologie n’a pas suivi la procédure adéquate pour parvenir à la décision contestée. L’appelant doit établir que l’un des droits ci-après a été enfreint :

  • Le droit à une décision de la personne saisie du grief;

  • Le droit de savoir quelle affaire sera tranchée et le droit d’avoir une occasion équitable de faire valoir son point de vue sur cette question;

  • Le droit à une décision rendue par un décideur impartial;

  • Le droit de connaître les motifs de la décision.

[31] En appel, l’équité procédurale est évaluée selon la norme de contrôle de la décision correcte :

[48] À l’égard des questions d’équité procédurale, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Plus précisément, qu’il soit question de la norme de contrôle de la décision correcte ou de l’obligation de la Cour de s’assurer que le processus a été équitable sur le plan procédural, le contrôle judiciaire d’une question relative à l’équité procédurale ne laisse aucune marge de manœuvre à la cour de révision ni n’autorise cette dernière à faire preuve de déférence. La question fondamentale est de savoir si la partie affectée connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu une occasion réelle et équitable d’y répondre : [citation omise] Dans l’arrêt Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, le juge de Montigny a affirmé que « [c]e qui importe, en fin de compte, c’est de savoir si l’équité procédurale a été respectée ou non » (paragraphe 35)[1].

[32] Après avoir examiné le dossier en entier, je ne trouve aucune infraction à l’équité procédurale liée au droit de l’appelant d’être entendu.

[33] L’appelant ne soulève aucun problème quant à l’impartialité du Comité de déontologie, et mon examen n’a pas permis d’en trouver. Je suis convaincu que son droit d’être entendu par un arbitre impartial, ou par le Comité de déontologie, a été respecté.

[34] Enfin, les principes d’équité procédurale exigent que l’appelant reçoive une décision écrite et les motifs de celle-ci. Il n’est pas contesté que l’appelant a reçu la décision du comité de déontologie et qu’il est au courant de son contenu.

[35] Conformément aux exigences d’équité procédurale, je constate que les droits de l’appelant à l’équité procédurale ont été respectés tout au long du processus disciplinaire.

[36] Je reconnais que l’appelant a soutenu que l’atténuation délibérée du Comité de déontologie en ce qui concerne la preuve liée à la gravité du comportement de l’intimé équivaut à une violation de l’équité procédurale pour défaut de classer le comportement de l’intimé comme une agression sexuelle. Cependant, le CEE a interprété cette observation comme une erreur de droit, car le Comité de déontologie aurait omis d’appliquer le critère pour les agressions sexuelles et a plutôt minimisé la gravité du comportement contesté. Je suis d’accord avec le CEE que cet argument ne porte pas sur l’équité procédurale. Cela étant dit, je vais en discuter plus tard dans mon analyse.

Erreur de droit

[37] Une erreur de droit s’entend de façon générale de l’application d’une norme juridique incorrecte ou du défaut d’examiner un élément requis d’un critère juridique.[2] Il faut prouver que le décideur s’est appuyé sur une loi ou une norme juridique erronée pour rendre une décision. Si un critère juridique erroné était appliqué, l’organe d’appel ne doit pas faire preuve de déférence à l’égard de l’auteur de la décision initiale, et la norme de contrôle serait celle de la décision correcte.[3] Les questions mixtes de droit et de fait sont distinguées des erreurs de droit pures; par conséquent, elles seraient examinées en vertu de la norme de la décision manifestement déraisonnable.[4]

[38] Le Comité de déontologie a déclaré (Appel, page 13) :

Toute référence à une agression sexuelle doit être comprise comme une référence aux allégations d’agression sexuelle dans un contexte civil, comme il est mentionné dans McDougall.[[5]] Les conclusions énoncées dans la présente décision ne doivent pas être interprétées comme une décision qui détermine si une agression sexuelle, telle qu’elle est énoncée dans le Code criminel, CSC, 1985, C-46, est fondée.

[39] Dans McDougall, le tribunal a confirmé qu’en matière civile, la norme de preuve est celle de la prépondérance des probabilités, contrairement aux affaires criminelles, où la norme de preuve au-delà de tout doute raisonnable, est beaucoup plus lourde.

[40] Je suis d’accord avec le Comité de déontologie que McDougall établit la norme de preuve pour les affaires civiles.

[41] Cependant, le CEE est allé plus loin et a conclu que le Comité de déontologie a commis une erreur de droit en n’appliquant pas le critère permettant de déterminer si une agression sexuelle avait eu lieu, comme indiqué par la Cour suprême du Canada dans Ewanchuk[6].

[42] Le CEE a expliqué que, bien que Ewanchuk soit le critère de droit criminel pour l’infraction d’agression sexuelle, il avait été appliqué à une affaire disciplinaire de la GRC par la Cour fédérale dans MacLeod[7]. Le CEE a fait remarquer que le critère Ewanchuk a été utilisé par d’autres décideurs dans des contextes de droit administratif, dans TS c. Dufferin-Peel Catholic District School Board (Loi sur l’éducation, article 311.7) et Safher c. Deputy Head (Service correctionnel du Canada), en plus des recommandations du CEE dans les dossiers D-139, D-121 et C-0555.

[43] Comme prévu aux trois parties du critère Ewanchuk, les trois éléments suivants doivent être présents :

  1. relations physiques de nature sexuelle;

  2. la conclusion que l’état d’esprit de la partie plaignante était qu’elle n’avait pas donné son consentement aux attouchements sexuels; et,

  3. une conclusion selon laquelle l’accusé savait que la partie plaignante n’avait pas consenti, qu’il était insouciant ou volontairement aveugle concernant la question du consentement, ou qu’il n’avait pas pris des mesures raisonnables pour vérifier le consentement de la partie plaignante.

[44] Je suis d’accord avec le CEE que Ewanchuk est le critère juridique approprié pour déterminer si les actes d’une personne constituaient une agression sexuelle, même dans un contexte civil.

[45] De plus, le CEE a souligné que « la CSC a réitéré que l’application d’un mauvais principe juridique ou le défaut d’appliquer un critère juridique sont des erreurs de droit [R c Chung, 2020 CSC 8, par. 17-18] » (Rapport, paragraphe 47).

[46] Le CEE est correct lorsqu’il affirme que le Comité de déontologie n’a pas fait référence aux trois parties du critère Ewanchuk en les nommant particulièrement. Cela mène à la question suivante : l’autorité disciplinaire a-t-elle appliqué le critère Ewanchuk dans sa décision, sans l’indiquer particulièrement?

Premier et deuxième éléments du critère Ewanchuk

[47] Le Comité de déontologie a résumé les éléments de preuve comme suit (Appel, page 67) :

[67] En me fondant sur l’ensemble de la preuve, je conclus que l’ [intimé] a touché la poitrine de la gend. [T.N.], sous sa chemise et son soutien-gorge, de façon sexuelle et sans son consentement.

[48] Le CEE a accepté que le Comité de déontologie avait conclu qu’il y avait eu un contact physique à des fins sexuelles et qu’il était sans consentement, et que ces conclusions satisfaisaient aux deux premiers éléments du critère Ewanchuk.

Troisième élément du critère Ewanchuk

[49] Le CEE s’est ensuite tourné vers le troisième élément qui était : L’intimé savait-il qu’il y avait un manque de consentement, était-il insouciant ou volontairement aveugle de la question du consentement, ou n’avait-il pas pris des mesures raisonnables pour obtenir un consentement?

[50] Le CEE a conclu que le Comité de déontologie n’avait pas entièrement examiné la dernière partie du test Ewanchuk. Le CEE a cru qu’il s’agissait d’une erreur de droit, et il a recommandé de mettre de côté la décision de l’autorité disciplinaire et de la remplacer par une nouvelle décision.

[51] Dans sa décision, le Comité de déontologie a présenté un compte rendu détaillé des événements de la soirée, notamment la première chute, la deuxième chute, le perron et le canapé.

[52] Sous la rubrique « Faits non contestés », le Comité de déontologie a souligné (Appel, page 14) :

[19] Le [représentant du membre] a mis au clair le fait que le consentement n’était pas en cause dans le cas présent. L’[intimé] n’a jamais nié que les incidents ont eu lieu. Il a par ailleurs affirmé n’avoir aucun souvenir des incidents en question.

[53] Par conséquent, il est clair que l’intimé n’a pas contesté qu’il s’agissait d’un cas de consentement erroné.

[54] Le Comité de déontologie a ensuite déclaré que le gend. B.S. a entendu la gend. T.N. dire « arrête » et que l’expression de l’intimé était celle « d’une personne qui avait été prise à faire quelque chose qu’elle ne devrait pas faire » et qu’il « a quitté la maison immédiatement après » (Appel, page 26).

[55] Je suis convaincu que le Comité de déontologie a examiné brièvement l’élément final du critère Ewanchuk, mais malheureusement, il n’a pas éliminé tous les éléments de preuve et ne les a pas appliqués correctement à la mesure disciplinaire. Par conséquent, je suis respectueusement en désaccord avec le CEE que c’est une question de droit pur, mais que c’est une question mixte de droit et de fait, qui sera examinée davantage lorsque je me tournerai vers la mesure disciplinaire appropriée.

Manifestement déraisonnable

[56] La Cour d’appel fédérale confirme que le terme « manifestement déraisonnable » est équivalent à la norme de common law de la décision « manifestement déraisonnable ».[8] Essentiellement, une décision est manifestement déraisonnable si « le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal », en d’autres mots, si elle est « ouvertement, évidemment et clairement » erronée.[9] Cependant, « s’il faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est alors déraisonnable, mais non manifestement déraisonnable. ».[10] La décision doit être « clairement irrationnelle », « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».[11] Il ne suffit pas de démontrer que les raisons fournies sont insuffisantes.[12] Il s’agit de la norme imposée par les Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289, au paragraphe 33(1).

[57] En vertu de ce motif d’appel, je conclus qu’il faut répondre aux questions suivantes :

  1. Le Comité de déontologie a-t-il omis de se fier à des renseignements factuels exacts?

  2. Le Comité de déontologie a-t-il omis de tenir compte des éléments de preuve pertinents?

  3. Le Comité de déontologie a-t-il omis de conclure adéquatement en ce qui concerne le témoignage de la gend. T.N.?

A) Le comité de déontologie s’est-il appuyé sur des renseignements factuels inexacts?

[58] L’appelant soutient que le Comité de déontologie a rendu une conclusion manifestement déraisonnable lorsqu’il a déclaré que des accusations criminelles « n’avaient pas été déposées » contre l’intimé (Appel, page 62).

[59] L’appelant indique que la Couronne n’avait pas rendu une décision définitive quant à la poursuite d’accusations criminelles contre l’intimé au moment où le Comité de déontologie a rendu sa décision comme suit (Appel, page 62) :

13. Le [représentant de l’autorité disciplinaire (RAD)] soutient que la présentation du [Comité] au paragraphe 2 selon laquelle des accusations criminelles « n’ont pas été déposées » n’est pas exacte sur le plan factuel. Le RAD soutient qu’au moment de l’audience, la Couronne n’avait pas encore finalisé sa décision quant à la poursuite ou non d’accusations criminelles. Le RAD soutient que la position de la Couronne a été communiquée au [Comité] et au représentant du membre à la conférence préparatoire no 2, comme il est indiqué dans le résumé par courriel du 2019-03-04, dans lequel le [Comité] a écrit : « Le RAD confirme que le rapport de l’ASIRT au procureur de la Couronne est en attente d’examen. Il a fait des enquêtes auprès du bureau de la Couronne, et la Couronne n’a aucune préoccupation au sujet des procédures disciplinaires. » [Conférences préparatoires, (intimé) dossier pdf PHC#2_2, 2019-03-04, page 3]. Le RAD comprend que l’affaire criminelle est maintenant conclue avec une décision.

[60] L’intimé indique que l’appelant n’a pas fourni de preuve au Comité de déontologie démontrant qu’il avait été déclaré coupable ou qu’il avait même été accusé d’une infraction criminelle (Appel, page 324). Par conséquent, l’intimé prétend que la déclaration du Comité de déontologie était « entièrement exacte au niveau des faits » au moment où le Comité de déontologie a rendu sa décision (Appel, page 329).

[61] Le CEE a résumé les renseignements factuellement incorrects contenus dans le compte rendu de décision du Comité de déontologie comme suit (Rapport, paragraphes 56 et 57) :

[56] Dans l’introduction de la décision, le Comité a indiqué que « [d]es accusations n’avaient pas été déposées » [Appel, page 9]. La Documentation indique que l’Alberta Serious Incident Response Team (ASIRT) a mené une enquête criminelle et a divulgué, au Groupe de la responsabilité professionnelle (PRU) de la GRC, les déclarations obtenues relativement à cette enquête prévue par la loi effectuée en parallèle [Documentation, cahier d’enquête – (intimé)- 2017336472, page 28]. La Documentation contient également un courriel du Comité qui résume une des conférences préparatoires qui avait eu lieu. Le courriel indique, en partie :

Le [représentant de l’autorité disciplinaire] a confirmé que le rapport de l’ASIRT au procureur de la Couronne est en attente d’examen. Il a interrogé le bureau de la Couronne, et la Couronne n’a aucune préoccupation concernant la procédure disciplinaire. [...]

[Documentation, intimé, Conférences préparatoires, page 5].

Comme il a été mentionné précédemment, l’audience disciplinaire a eu lieu entre le 5 et le 7 juin 2019 et le [compte rendu de décision] du Comité est daté du 20 septembre 2019. À la lumière de ces dates, je conclus qu’au moment de l’audience, le Comité était au courant de la participation de l’ASIRT et de l’enquête criminelle. Cependant, la Couronne n’avait pas encore communiqué une décision concernant la possibilité de déposer des accusations criminelles contre l’intimé. Par conséquent, je conclus qu’il a été fautif à l’égard des faits pour le Comité d’affirmer, dans sa décision, que des accusations criminelles n’ont pas été déposées parce que le Comité n’aurait pas pu savoir si elles l’avaient été ou non. En effet, le Comité aurait dû déclarer que la Couronne n’avait pas encore pris de décision à ce sujet.

[57] De plus, dans la décision, le Comité a fait remarquer qu’« [a]ucun poids n’avait été attribué à la décision de la Couronne de ne pas déposer d’accusations dans cette affaire » [Appel, page 9]. Pour que ce deuxième commentaire soit considéré comme exact sur le plan factuel, la Couronne devait avoir pris une décision définitive de ne pas déposer d’accusations criminelles contre l’intimé. Cependant, cela n’avait pas eu lieu au moment de la décision du Comité. Par conséquent, cet aspect particulier de la décision du Comité, en particulier l’utilisation du terme « décision » dans ce contexte, a également été erroné sur le plan factuel.

[62] Je suis d’accord avec le Comité de déontologie et le CEE que la décision concernant les accusations criminelles était un processus à part et distinct.

[63] Toutefois, une fois que l’allégation selon laquelle l’intimé a enfreint l’article 7.1 du Code de déontologie était fondée, le Comité de déontologie aurait dû tenir compte du fait que l’intimé faisait également l’objet d’une enquête menée par l’ASIRT sur un incident grave, et que la question était devant la Couronne à ce même moment. Ce fait a démontré la gravité des allégations. Il en résulterait que si l’allégation était fondée dans les procédures criminelles, elle jetterait le discrédit sur la GRC. Par conséquent, cet aspect aurait dû être considéré comme un facteur aggravant.

b) Le Comité de déontologie a-t-il omis de tenir compte des éléments de preuve pertinents?

[64] L’appelant soutient que le Comité de déontologie a rendu une décision manifestement déraisonnable parce qu’il n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve (Appel, pages 60 et 65). Toutefois, l’appelant n’a pas déterminé quels éléments de preuve particuliers ont été ignorés.

[65] Dans ses arguments, l’appelant renvoie au paragraphe 79 du compte rendu de décision, dans lequel le Comité de déontologie a déclaré (Appel, page 28) :

[79] En ce qui concerne l’ensemble de la preuve, je conclus que le point 4 n’est pas fondé selon la prépondérance des probabilités. Toutefois, je conclus que les énoncés 1, 2, 3, 5, 6 et 7 sont fondés selon la prépondérance des probabilités et que, aux petites heures du matin du 6 juillet 2017, [l’intimé] a touché les seins de la gend. [T.N.] à des fins sexuelles et sans son consentement, et ce, à trois reprises. Le RAD a donc déterminé, selon la prépondérance des probabilités, les gestes posés dans le cadre de la conduite alléguée, et l’identité du membre qui a posé ces gestes.

[66] L’appelant soutient que, en concluant que les faits étaient établis, le Comité de déontologie a minimisé la gravité de la conclusion en refusant de reconnaître explicitement que la conduite reprochée était une agression sexuelle.

[67] Entre-temps, l’intimé indique que les revendications de l’appelant ne sont pas justifiées (Appel, page 65) et que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de justifier les raisons pour l’annulation de la décision (Appel, page 328).

[68] Le CEE a déterminé, et j’en conviens, que l’appelant a contredit son propre argument lorsqu’il a reconnu que le Comité de déontologie avait procédé à une analyse de la « totalité de la preuve » dans son exposé d’appel (Appel, page 427) :

[…]

7. […] Le RAD soutient que le Comité de déontologie a effectué une analyse détaillée de la totalité de la preuve, y compris le témoignage de vive voix de [l’intimé] selon la norme McDougall en ce qui concerne l’établissement du bien-fondé de l’allégation.

[…]

[69] Par conséquent, l’appelant a reconnu que cet argument n’était pas fondé.

[70] J’adopte également l’analyse du CEE en ce qui concerne le traitement des éléments de preuve par le Comité de déontologie (Rapport, paragraphe 70) :

[70] Pour ce qui est de savoir si le Comité a tenu compte de la totalité des éléments de preuve, je renvoie au principe bien établi selon lequel les décideurs sont présumés avoir examiné et tenu compte de tous les éléments de preuve présentés devant eux, et que cette présomption existe, peu importe si les éléments de preuve sont mentionnés ou non dans la décision [Terigho c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2006 CF 835; Amos c Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux Canada), 2007 CF 72. J’observe que le comité a reçu de vive voix des témoignages de cinq témoins, dont la gend. [T.N.], le gend. [B.S.] (à l’époque le mari de la gend. T.N.), le gend. [J.P.], l’intimé, et [Mme E.B.] (conjointe de l’intimé) [Appel, page 13]. Dans la décision, le Comité a souligné la nécessité d’évaluer attentivement la crédibilité et la fiabilité des témoignages de chaque témoin, en particulier celui de l’intimé et de la gend. [T.N.]. [Appel, page 15]. Citant la décision McDougall, le Comité a également souligné la nécessité de tenir compte de l’ensemble de la preuve [Appel, page 12]. Je conclus que le Comité l’a fait. À titre d’exemple, en tenant compte du témoignage de l’intimé, le Comité a décrit la mémoire de l’intimé ou son absence de mémoire comme ayant l’apparence d’être « sélective » [Appel, page 20] et a noté que la « mémoire de l’intimé variait considérablement entre sa déclaration écrite du 11 octobre 2017 à l’ASIRT, sa réponse à l’article 15, et son témoignage de vive voix » [Appel, page 20]. Le Comité a ensuite souligné d’autres aspects du témoignage de l’intimé qui n’étaient pas crédibles et a souligné qu’il avait des inquiétudes quant à sa fiabilité [Appel, pages 21 à 22]. Le Comité a également publié des conclusions sur d’autres aspects des déclarations de témoins. Par exemple, le Comité a conclu que même si le témoignage du gend. [J.P.] était crédible, il n’était pas fiable [Appel, page 16]. La preuve de [Mme E.B.] a été jugée crédible et, dans l’ensemble, conforme à celle des autres témoins [Appel, page 17]. De plus, la décision indique que les parties ont soutenu, ce dont le Comité a convenu, que le témoignage du gend. [B.S.] était le plus crédible et le plus fiable [Appel, page 17].

[71] En bref, l’appelant n’a pas réussi à démontrer que le Comité de déontologie n’a pas tenu compte des éléments de preuve pertinents.

c) Le comité de déontologie a-t-il conclu correctement en ce qui concerne le témoignage de la gend. T.N.?

[72] L’appelant conteste la façon dont le Comité de déontologie a caractérisé le témoignage de la gend. T.N.

[73] L’appelant soutient que le Comité de déontologie s’est fondé à tort sur des allégations non fondées présentées par l’intimé à l’égard du témoignage de la gend. T.N. Le CEE a souligné (Rapport, paragraphes 72 et 73) :

[72] Selon l’appelant, le [représentant du membre] a erré lorsqu’il a suggéré que la gendarme [T.N.] était désagréable lors du contre-interrogatoire et qu’elle avait déclaré « ça reste que c’est toujours une agression sexuelle ». [Appel, page 65]. En fait, l’appelant soutient que la gend. [T.N.] n’a pas dit cela.

[73] Selon l’appelant, le Comité a commis une erreur en se fondant sur les affirmations non fondées du [représentant du membre], quand il a laissé entendre que la gend. [T.N.] avait « embelli » l’agression sexuelle. [Appel, page 65].

[74] En particulier, l’appelant s’oppose à la déclaration du Comité de déontologie au paragraphe 36 du Compte rendu de décision (Appel, page 19) :

[36] À certains moments, la gend. [T.N.] « embellissait », ne répondait pas ou était sur la défensive. Par exemple, la gend. [T.N.] a fait des commentaires laissant savoir que « c’était tout de même une agression sexuelle ».

[75] Le CEE a ensuite résumé l’argumentation de l’appelant comme suit (Rapport, paragraphes 74 et 75) :

[74] L’appelant reconnaît que dans son témoignage, la gend. [T.N.], mentionne souvent avoir été agressée sexuellement par l’intimé [Appel, page 64]. L’appelant soutient que la gend. [T.N.] a utilisé le terme « agression sexuelle » à un total de dix reprises, dans le cadre de l’interrogatoire et deux fois pendant contre-interrogatoire [Appel, page 64]. L’appelant soutient que la gend. [T.N.] était confiante dans sa position qu’elle avait été agressée sexuellement par l’intimé [Appel, page 64]. Selon l’appelant, la confiance de la gend. [T.N.] ne doit pas être confondue pour de l’embellissement ou un comportement défensif, et la preuve n’appuie pas une conclusion selon laquelle elle a embelli son agression sexuelle [Appel, pages 64 à 65].

[75 ]L’appelant soutient également que, à la lumière du paragraphe 98 de la décision, les éléments de preuve concernant l’incidence des incidents sur la gendarme. [T.N.] n’ont pas été dûment examinés par le Comité [Appel, page 68]. Selon l’appelant, cela a entraîné une décision manifestement déraisonnable. [Appel, page 68]. L’appelant soutient que la gend. [T.N.] a été victime d’une violation de la confiance, d’une perte d’estime de soi, d’une période d’ostracisation au travail, d’une automédication subséquente au moyen d’une quantité excessive d’alcool, et que les actions de l’intimé ont eu une incidence directe sur son mariage et sa vie sexuelle [Appel, page 168]. L’appelant ajoute que la gend. [T.N.] a été victime d’une violation de son droit à la vie privée et à l’autonomie, et de « multiples violations de son intégrité sexuelle » [Appel, page 68] […].

[76] L’intimé a répliqué (Appel, page 330) :

[…]

Le Comité ne peut pas avoir commis une erreur en vertu du paragraphe 26 des arguments de [l’appelant] « en se fondant sur les affirmations non fondées du [représentant du membre] » (paragraphe 26) puisque le Comité n’a pas tenu compte, en grande partie, de ces arguments et qu’il a conclu que [l’intimé] était coupable. Ces arguments étaient liés à la crédibilité et à la culpabilité. Ils ne traitaient pas les sanctions. La lecture de l’ensemble du dossier confirme, dans tous les cas, les arguments avancés, même si la citation proposée provisoirement sans l’avantage de la transcription s’est finalement révélée moins précise qu’on ne l’espérait.

[…]

[77] Le CEE a déterminé que le Comité de déontologie n’a pas fait de conclusions erronées à l’égard du témoignage de la gend. T.N. Je suis d’accord.

[78] Le Comité de déontologie a caractérisé le témoignage de la gend. T.N., en partie, comme suit (Appel, aux pages 18 et 19) :

[…]

[33] J’ai des préoccupations sur la crédibilité et la fiabilité des témoignages de la gendarme [T.N.] et de l’[intimé]. Mes préoccupations se situent dans les mêmes catégories générales pour les deux membres : a) l’inconstance dans les témoignages; b) la propension à embellir; c) les réponses insuffisantes, l’interprétation ou le changement de sujet lors des réponses aux questions; et les affirmations sans fondement. En examinant ces préoccupations, j’ai cité quelques exemples de mes observations. Ce sont des exemples et ne doivent pas être interprétés comme exhaustifs.

[…]

[36] À certains moments, la gend. T.N.] « embellissait », donnait des réponses insuffisantes ou avait un comportement défensif. Par exemple, la [gend. T.N.] a fait des commentaires laissant savoir que « c’était tout de même une agression sexuelle ».

[…]

[79] Je constate que le CEE s’est penché de façon appropriée sur la façon dont le Comité de déontologie a traité les commentaires sur « l’agression sexuelle » formulés par la gend. T.N. (Rapport, paragraphe 81) :

[81] Bien que l’appelant prétend que la gend. [T.N.] n’a pas dit que « c’était tout de même une agression sexuelle » », la Documentation indique que la gendarme. [T.N.] a déclaré, en partie, « l’agression sexuelle est tout de même survenue » [Documentation, [intimé], Transcriptions, GRC-[intimé]-05-06- 19, page 172, ligne 17]. Je trouve qu’il n’était pas manifestement déraisonnable pour le Comité d’avoir conclu que la gend. [T.N.] avaient formulé ses mots de cette manière. Je constate également que le Comité pouvait également examiner le témoignage des témoins, y compris celui de la gend. [T.N.], et tirer ses propres conclusions concernant les éléments de preuve qui y sont présentés. En fait, non seulement le Comité pouvait le faire; il était tenu de le faire.

[80] De plus, le Comité de déontologie a saisi avec précision les répercussions que le comportement de l’intimé avait eu sur la gend. T.N. (Appel, page 31) :

[…]

3. Les actions de [l’intimé] ont eu une incidence négative sur [la gend. T.N.], tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Elle et le gend. [B.S.] ont déclaré qu’elle avait eu du mal à gérer ses sentiments après les incidents. Cela a eu une incidence négative sur sa santé personnelle et a ajouté un stress supplémentaire à son mariage, qui était déjà mis à l’épreuve. Elle a également dit s’être sentie ostracisée au travail après avoir signalé les incidents. Elle a depuis été transférée dans un autre détachement.

[…]

[81] Je conclus que le Comité de déontologie a clairement démontré qu’il a tenu compte de la preuve présentée par la gend. T.N. de façon appropriée au moment de prendre sa décision quant au bien-fondé de l’allégation.

Conclusion

[82] Le CEE a confirmé que le critère de conduite déshonorante a été respecté relativement à l’inconduite de l’intimé. Je suis en accord avec le fait qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait que le comportement de l’intimé est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, tel qu’il est énoncé à l’article 7.1 du Code de déontologie.

[83] Cela étant dit, je suis préoccupé par l’application des faits en ce qui concerne la mesure disciplinaire imposée par le Comité de déontologie.

Mesures disciplinaires

[84] L’appelant conteste les mesures disciplinaires imposées, en déclarant qu’elles ne reconnaissent pas la gravité du comportement de l’intimé. L’appelant insiste sur le fait que l’on aurait dû ordonner à l’intimé de démissionner dans un délai de 14 jours ou d’être autrement congédié de la Gendarmerie.

[85] En ce qui concerne les mesures disciplinaires imposées, on doit accorder au Comité de déontologie une grande déférence. La Cour suprême a commenté la déférence due à l’égard du contrôle des mesures de sanction :

[43] […] Je reconnais que la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant peut justifier l’intervention d’une cour d’appel, et lui permettre d’évaluer la justesse de la peine et d’y substituer la peine qu’elle estime appropriée. Toutefois, à mon avis, chaque erreur de ce genre ne justifiera pas nécessairement l’intervention en appel, peu importe son incidence sur le raisonnement du juge de première instance. Si la règle était aussi stricte, son application pourrait porter atteinte au pouvoir discrétionnaire conféré aux juges qui déterminent la peine. […]

[44] À mon avis, la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.[13]

[86] Par conséquent, l’arbitre d’un appel en matière de déontologie ne doit intervenir que lorsque la mesure disciplinaire :

[…] est déraisonnable, ne tient pas compte de tous les éléments pertinents (dont d’importants facteurs atténuants), tient compte de facteurs aggravants non pertinents, met en évidence une erreur manifeste de principe, s’avère manifestement disproportionnée par rapport au comportement et à la peine imposée dans d’autres cas de même nature ou crée une injustice. […][14]

[87] En d’autres termes, les mesures disciplinaires devraient rarement être annulées en appel.

[88] Le CEE résume les arguments de l’appelant sur les mesures disciplinaires comme suit (Rapport, paragraphes 152 à 154) :

[152] L’appelant soutient que le Comité a imposé une sanction qui n’était pas proportionnelle à la gravité de l’allégation établie [Appel, page 68]. Il s’insurge contre le fait que le Comité s’appuie sur ce qu’il décrit comme le « caractère jurisprudentiel limité » de l’« ancien système ». Selon l’appelant, l’approche consistant à imposer une sanction financière importante, pour satisfaire la gravité de l’allégation, est inappropriée. L’appelant explique qu’il n’accepte pas une approche qui considère la perte d’argent comme une qui satisfait entièrement la nécessité de dissuader lorsque des allégations d’agression sexuelle sont en cause [Appel, page 68].

[153] De plus, l’appelant soutient que la justification du Comité ayant mené à l’imposition de mesures disciplinaires était inappropriée, déraisonnable et injuste sur le plan procédural [Appel, pages 62 à 63]. Comme nous l’avons expliqué précédemment, l’appelant soutient que le Comité a minimisé les éléments de preuve et que cela a eu une incidence sur la justification du raisonnement du Comité [Appel, page 62]. L’appelant fait également référence à ce qu’il décrit comme une « contrainte juridique non appuyée », qu’il soutient justifie une conclusion selon laquelle la décision du Comité sur les mesures disciplinaires était déraisonnable et insoutenable [Appel, page 63].

[154] De plus, l’appelant soutient que les mesures disciplinaires imposées étaient entièrement fondées sur l’avis subjectif du Comité [Appel, page 61]. Il soutient également que la conclusion du Comité au paragraphe 98 de sa décision était une déclaration subjective [Appel, page 67]. Pour le contexte, il est inscrit au paragraphe 98 [Appel, page 33] :

[98] En tenant compte de l’ensemble des circonstances, je trouve qu’une perte d’emploi serait une réponse disproportionnée à l’inconduite de [l’intimé]. Toutefois, je conclus que des mesures disciplinaires majeures sont nécessaires non seulement pour constituer une dissuasion particulière et générale, mais aussi pour assurer une surveillance continue qui ferait en sorte d’éviter que ce comportement ne se répète. En outre, à la lumière du manque de jugement démontré par l’[intimé], j’estime qu’une période de réintégration est nécessaire avant qu’il puisse prétendre à une quelconque promotion.

[89] Le CEE résume ensuite la présentation de l’intimé sur les mesures disciplinaires (Rapport, paragraphes 156 à 160) :

[156] De plus, l’intimé n’est pas d’accord avec l’affirmation de l’appelant selon laquelle la sanction imposée était entièrement fondée sur l’opinion subjective du Comité. L’intimé soutient que le Comité, en examinant la sanction, a soigneusement examiné les précédents énoncés dans huit décisions antérieures du comité de déontologie [Appel, page 329]. L’intimé s’insurge contre le fait que l’appelant insinue, de façon inappropriée, que le Comité avait des « motifs cachés » [Appel, page 329].

[157] De plus, l’intimé conteste le fait que l’appelant s’attaque à « l’intégrité du système disciplinaire de la GRC » [Appel, page 331]. L’intimé soutient que l’appelant n’a pas cité d’autorité pour son argument selon lequel, compte tenu de la gravité de l’allégation, il était inapproprié pour le Comité d’imposer une sanction financière importante [Appel, page 331]. L’intimé soutient que les sanctions pécuniaires sont « généralement » liées aux affaires devant les tribunaux administratifs [Appel, page 331]. Il exprime son avis que les agressions sexuelles, si elles sont prouvées devant un tribunal criminel, ne donnent pas lieu à une perte d’emploi « non plus » [Appel, page 331]. L’intimé soutient que le fait que l’appelant mélange continuellement les procédures criminelles et administratives est inapproprié et fait en sorte que les arguments de l’appelant n’aient pas un poids convaincant [Appel, page 331].

[158] En ce qui concerne la question de la proportionnalité, l’intimé, à l’appui de son point de vue, cite les décisions du comité de déontologie dans Caram [Décision du comité de déontologie de la GRC : Gendarme Benjamin Caram, 2017 DARD], laquelle représente la décision du comité dans le dossier C-042, et Pulsifer [Décision du comité de déontologie de la GRC : Gendarme Devin Pulsifer, 2019 DARD], laquelle représente la décision du comité dans le dossier C-055. L’intimé soutient que ces questions portaient sur des circonstances semblables à celles de la présente affaire, mais que ni l’une ni l’autre n’a entraîné la perte d’emploi [Appel, page 332]. L’intimé soutient que même si d’autres questions ont entraîné le congédiement, le pouvoir discrétionnaire des comités de déontologie « ne devrait pas être légèrement entravé » [Appel, page 332].

[159] Dans l’ensemble, l’intimé soutient que l’appelant ne s’est pas acquitté de son fardeau de démontrer que la décision devrait être annulée dans le cadre de l’appel [Appel, page 328]. Il ajoute que l’appelant n’a pas démontré le caractère déraisonnable de la décision du Comité de conserver l’emploi de l’intimé [Appel, page 331].

[90] La GRC et le CEE ont depuis longtemps utilisé un processus en trois parties pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées :

  • Déterminer la fourchette de sanctions appropriée, compte tenu de la gravité du comportement;

  • Déterminer les facteurs atténuants et aggravants; et

  • Choisir une sanction qui reflète le mieux la gravité de l’inconduite et le lien entre l’inconduite et les exigences de la profession policière.

[91] Un comité de déontologie n’est pas tenu de renvoyer expressément ces trois étapes à titre de critères de contrôle de faits; cependant, il doit démontrer qu’ils tiennent compte de chaque élément essentiel.

[92] Ici, le Comité de déontologie a souligné que la fourchette de sanctions appropriée comprend le congédiement de l’intimé. Cependant, le Comité de déontologie a déterminé en outre que le congédiement n’est pas la seule sanction qui serait acceptable dans les circonstances (Appel, page 31).

[93] Ensuite, le Comité de déontologie a tenu compte des facteurs aggravants et atténuants (Appel, pages 31 à 32) :

[…]

[93] J’estime que les éléments suivants constituent des facteurs aggravants dans cette affaire :

1. L’[intimé] a 12 ans de service, et est l’un des membres les plus anciens de l’équipe C. Tel que mentionné par le gend. [J.P.], les membres novices l’admirent. Il a fait preuve d’un mauvais jugement, ce qui ne correspond pas à ce que l’on attendrait d’un membre avec ses années de service.

2. Je conclus que [l’intimé], par ses gestes, a enfreint la confiance de la gend. [T.N.]. Toutefois, je ne conclus pas que les circonstances de cette affaire justifient la classification de la gend. [T.N.] comme « personne vulnérable ». Cette désignation correspond davantage à une personne dont la sécurité personnelle ou le bien-être émotionnel est considérablement compromis, ou encore aux scénarios de rapport de force inégal. Même si la gend. T.N. était très intoxiquée, je ne pense pas qu’elle était « vulnérable » dans ce sens.

3. Les actions de [l’intimé] ont eu une incidence négative sur la gend. [T.N.], tant dans sa vie personnelle que professionnelle. Elle et le gend. [B.S.] ont déclaré qu’elle avait eu du mal à gérer ses sentiments après les incidents. Cela a eu une incidence négative sur sa santé personnelle et a ajouté un stress supplémentaire à son mariage, qui était déjà mis à l’épreuve. Elle a également dit s’être sentie ostracisée au travail après avoir signalé les incidents. Elle a depuis été transférée dans un autre détachement.

[94] J’estime que les éléments suivants constituent des circonstances atténuantes dans cette affaire :

1. L’[intimé] a environ 12 ans de service productif au sein de la GRC. Il n’a pas d’antécédents d’inconduite. Ses évaluations de rendement sont positives.

2. L’[intimé] bénéficie du soutien continu de ses collègues et de son supérieur immédiat.

3. D’après tous les éléments de preuve dont je suis saisi, le niveau d’intoxication de [l’intimé] était un incident isolé et non représentatif de son caractère. Mme [E. B]. a déclaré qu’elle ne l’avait jamais vu aussi ivre, et ne l’a pas revu aussi ivre depuis cette date. Je fais remarquer ici qu’E. B. et l’[intimé] sont en couple depuis plus de cinq ans. La gend. [T.N.] a également mentionné qu’elle n’avait jamais vu [l’intimé] aussi intoxiqué.

4. Les actions de [l’intimé] à l’égard de la gend. [T.N.] font partie d’un incident isolé et non représentatif de son caractère. Je me réfère ici aux témoignages de tous les témoins, qui ont confirmé qu’il n’y avait pas eu de problèmes de cette nature auparavant. D’après le dossier et les lettres de soutien que j’ai reçues en tant que Comité de déontologie, son comportement lors de l’incident allégué était contraire à son caractère et à son attitude habituelle, qu’on décrit comme respectueuse, aimable et professionnelle.

5. Lorsque la gend. [T.N]. a confronté l’intimé à propos de son comportement, la réaction spontanée de ce dernier a été d’exprimer des remords et un désir d’atténuer les conséquences négatives de ses actions. La gend. [T.N.] a reconnu que l’[intimé] avait essayé de respecter ses souhaits lorsqu’ils ont discuté de la meilleure façon de faire face à la situation.

[94] En se fondant sur ces considérations, le Comité de déontologie en est arrivé aux conclusions suivantes (Appel, pages 32 à 33) :

[…]

[97] Le comportement en question s’est produit en dehors des heures de travail et était un incident isolé. C’est nettement différent des comportements répétés et prolongés décrits dans plusieurs des cas cités, par exemple [Clandrini – DARD; [Cardinal]. Dans le cas présent, j’estime que les facteurs atténuants sont suffisants pour justifier l’imposition de mesures disciplinaires graves n’allant pas jusqu’au congédiement. Collectivement, ces facteurs atténuants indiquent que le risque de récidive est minime.

[98] En tenant compte de l’ensemble des circonstances, je conclus qu’une perte d’emploi serait une réponse disproportionnée à l’inconduite [de l’intimé], mais je trouve que des mesures disciplinaires importantes sont nécessaires non seulement pour favoriser une dissuasion particulière et générale, mais aussi pour rassurer avec la mise en place d’une surveillance continue afin de veiller à ce que ce comportement ne se répète pas. En outre, à la lumière du manque de jugement démontré par l’[intimé], je conclus qu’une période de réintégration est nécessaire avant qu’il puisse prétendre à une quelconque promotion.

[99] Ayant conclu que l’allégation est fondée, et conformément à l’alinéa 45(4)(c) de la Loi sur la GRC, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :

a) Une sanction financière de 40 jours, à déduire de la solde de l’[intimé];

b) L’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans à compter de la date de réintégration de l[intimé]; et

c) L’obligation de travailler sous étroite surveillance pendant une période d’un an, à compter de la date de réintégration de l’[intimé].

[…]

[95] L’appelant soutient que les mesures disciplinaires qui ont été imposées étaient subjectives et sans fondement.

[96] Le seul cas où les mesures disciplinaires ne seraient pas subjectives serait lorsqu’il y a un minimum obligatoire ou un guide réglementaire pour des infractions particulières au Code de déontologie. Ainsi, la question est donc de savoir si les mesures disciplinaires sont manifestement déraisonnables et non pas si elles sont subjectives.

[97] Le CEE est d’accord avec les facteurs aggravants que le Comité de déontologie a cernés, mais a également observé ce qui suit (Rapport, paragraphe 171) :

[…] Tout d’abord, cette affaire n’a pas impliqué un seul incident. L’intimé a touché les seins de la gend. T.N. à plusieurs reprises. Deuxièmement, une partie de la conduite reprochée de l’intimé a eu lieu dans le foyer de la victime. Le gend. BS, son mari à l’époque, était aussi à la maison et a vu l’intimé retirer sa main de la région de la poitrine de la gend. T.N.

[98] Le CEE a accepté les quatre premiers facteurs atténuants déterminés par le Comité de déontologie, mais a ajouté (Rapport, paragraphe 176) :

[176] Je suis également d’accord avec le cinquième facteur atténuant décrit ci-dessus, dans la mesure où l’intimé a exprimé des remords. Toutefois, je ne suis pas non plus tout à fait d’accord avec ce cinquième facteur atténuant, compte tenu des actions subséquentes de l’intimé, y compris le déni de son inconduite.

[99] Le CEE n’a pas été convaincu que le risque de récidive était extrêmement faible ou qu’il était très peu probable que le comportement se répète.

[100] Après avoir examiné le dossier, je conclus que le Comité de déontologie n’a pas correctement tenu compte de tous les renseignements qui ont une incidence directe sur les facteurs aggravants et atténuants. À ce stade, je vais examiner non seulement les facteurs aggravants, mais aussi les facteurs atténuants.

Facteurs aggravants

[101] Le Comité de déontologie a conclu que les actions de l’intimé étaient susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie, « Conduite déshonorante ».

[102] Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (Supplément) Mai 2019 (Guide) indique que les membres de la GRC doivent se comporter de manière à ne pas jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le Guide fournit une liste non exhaustive de facteurs aggravants :

  1. Gravité de l’inconduite

  2. Manque d’honnêteté et d’intégrité (duplicité)

  3. Possibilité de mettre le public et les membres en danger

  4. Mesures disciplinaires antérieures (récentes/pertinentes/similaires)

  5. Rang du membre (modèle de sous-officier, officier tenu d’observer des règles plus rigoureuses, rôle de supervision)

  6. Abus d’un poste particulier (p. ex. gardien de pièces à conviction) pour faciliter l’infraction

  7. Autre service de police impliqué (ou autre organisme gouvernemental) (peut miner la crédibilité et la réputation de la GRC, compromettre la relation de la GRC avec les services partenaires)

  8. Membre(s) du public impliqué(s)

  9. Action délibérée (prévue, préméditation en cause)

  10. Conduite sur une longue période (répétitive)

  11. Condamnation en vertu du Code criminel (programme des mesures de rechange/absolution inconditionnelle/amende/ordonnance de bonne conduite)

  12. A voulu en retirer un avantage personnel

  13. A perdu la confiance de la collectivité/ a porté atteinte à la relation

  14. Abus de la confiance du public

  15. A utilisé son statut de policier dans le but d’obtenir une faveur (p. ex., a montré son insigne de la GRC, s’est identifié comme policier).

  16. Absence de remords

  17. Attention médiatique

  18. Incidence sur la victime (physique et émotionnelle)

  19. Possibilité de compromettre une enquête

  20. Comportait une source humaine;

  21. A été averti par le passé au sujet du caractère inapproprié de l’action

[Emphase ajoutée]

[103] Le Comité de déontologie a cerné et tenu compte des facteurs aggravants suivants :

  1. Le grade de l’intimé. Le Comité de déontologie a reconnu que l’intimé était un membre avec expérience et que la gendarme T.N. était une membre junior.

  2. Les actions de l’intimé ont entraîné un abus de confiance. Le Comité n’a pas conclu que la gend. T.N. était une personne vulnérable.

  3. Les actions de l’intimé ont eu une incidence majeure sur la gend. T.N.

[104] Bien que je sois d’accord avec le Comité de déontologie que la gend. T.N. n’était pas une personne vulnérable, il est clair qu’elle était dans un état vulnérable en raison de son intoxication. En raison de cela, l’intimé a profité de la gend. T.N.

[105] Après un examen minutieux du dossier, je conclus que le Comité de déontologie n’a pas tenu compte des facteurs aggravants suivants :

  1. la gravité de l’inconduite, en particulier qu’il s’agissait d’une agression sexuelle;

  2. bien que cet incident se soit produit dans un délai relativement court, il s’est produit plus d’une fois;

  3. La gend. T.N. a dit à l’intimé d’« arrêter » au moins deux fois;

  4. il ne s’agit pas d’un cas où l’intimé avait cru à tort ou obstinément cru qu’il y avait consentement;

  5. que le répondant a directement touché les seins de la gend. T.N., sous ses vêtements;

  6. que cet incident a déclenché une enquête par un organisme externe (ASIRT);

  7. étant donné la participation de l’ASIRT, il y avait une probabilité réelle qu’il y ait un communiqué de presse;

  8. au moment de la décision du Comité de déontologie, il y avait toujours une possibilité réelle que des accusations criminelles puissent être déposées contre l’intimé dans cette affaire. Le Comité de déontologie a erré à ce sujet.

  9. Comme l’a souligné le CEE, une partie de la conduite reprochée a eu lieu au domicile de la victime, où elle aurait dû se sentir en sécurité;

  10. que de nombreuses formations obligatoires et messages de la direction de la GRC préconisent un milieu de travail sécuritaire et respectueux pour tous les employés depuis plusieurs années.

Facteurs atténuants

[106] En ce qui concerne les facteurs atténuants, le Comité de déontologie a tenu compte des éléments suivants :

  1. que l’intimé avait 12 ans de service productif;

  2. que l’intimé bénéficiait du soutien continu de ses collègues et de son supérieur immédiat;

  3. que les gestes ne correspondaient pas au caractère de l’intimé;

  4. qu’il s’agissait d’un incident isolé et encore une fois non représentatif du caractère de l’intimé;

  5. qu’il a manifesté spontanément des remords et a tenté d’atténuer les répercussions négatives de ses actes lorsqu’il a été confronté.

[107] Le CEE souligne que le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) de l’intimé peut avoir été un facteur atténuant.

[108] Le CEE n’est pas d’accord avec le cinquième facteur atténuant, compte tenu des actions subséquentes de l’intimé, y compris le déni de son inconduite.

[109] Je conclus également que les remords de l’intimé sont trompeurs pour les raisons suivantes :

  • Peu de temps après l’incident, la gend. T.N. a dit à l’intimé que l’un d’eux devait changer d’équipe. L’intimé a d’abord accepté, mais lui a dit qu’il ne pouvait pas changer d’équipe en raison de problèmes liés à la garde d’enfants. Toutefois, ses enfants n’étaient pas sous sa garde, ils se trouvaient à Grande Prairie (Partie IV du Code de déontologie, Unité de la responsabilité professionnelle de la division K, page 34).

  • Comme l’a déclaré le CEE, l’intimé a maintenu, durant tout le processus disciplinaire, qu’il n’avait pas agressé sexuellement la gend. T.N.

  • Curieusement, l’intimé a affirmé qu’il ne refusait pas de croire la version de la gend. T. N. et du gend. B.S.

  • À un moment de l’audience disciplinaire, l’intimé a expliqué qu’il croyait que la gend. T.N. voulait causer des problèmes dans sa relation et qu’elle essayait de le rendre disponible dans le but d’être avec lui. Non seulement cela ne démontre aucun remords, mais cela a pour but de rejeter le blâme sur la victime.

[110] Je conclus que l’intimé ne s’est pas responsabilisé pour ce qu’il a fait à la gend. T.N. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le Comité de déontologie pour dire que l’intimé a fait preuve de remords. Je suis d’avis que le Comité de déontologie a commis une erreur en considérant cela comme un facteur atténuant, alors qu’il s’agissait en fait d’un facteur aggravant.

Mesure disciplinaire appropriée

[111] En guise de rappel, le Comité de déontologie a indiqué expressément que, bien que le congédiement soit une option, il n’était pas prêt à imposer cette mesure disciplinaire à la lumière des facteurs atténuants cernés. Je trouve que le retrait des remords comme facteur atténuant crucial aurait changé substantiellement le calcul du Comité de déontologie, surtout lorsqu’il est ajouté aux facteurs aggravants importants qui ont été négligés.

[112] Il est à noter que dans le dossier C-055, que l’intimé a classé comme semblable au cas présent, le commissaire a confirmé la conclusion du Comité selon laquelle : « [T]L’intimé a fait preuve de remords sincères pour ses actes et a été jusqu’à se chercher de l’aide professionnelle ». En fin de compte, dans le dossier C-055, le commissaire a confirmé que le congédiement n’était pas justifié en partie en raison du comportement de l’intimé après les allégations. En revanche, dans le cas présent, il n’y avait pas d’expression authentique de remords, d’excuses écrites ou de traitement pour abus d’alcool. Par conséquent, je conclus que les facteurs atténuants sont manifestement moins favorables que ceux indiqués dans le dossier C-055. Entre-temps, les facteurs aggravants deviennent beaucoup plus importants lorsque l’on tient compte des dommages à la réputation de la Gendarmerie.

[113] Comme l’a indiqué la Cour fédérale, « [o]n ne vit pas dans un monde parfait et ne peut pas s’attendre à ce que les motifs d’une décision soient parfaits non plus ».[15] De plus, la Cour suprême du Canada reconnaît cette réalité en confirmant que « [l]es défauts ou les lacunes allégués doivent être plus que superficiels ou périphériques au bien-fondé de la décision. Il serait inapproprié pour une cour de révision de renverser une décision administrative simplement parce que son raisonnement démontre une erreur mineure. »[16]

[114] Même si l’une de ces erreurs ne suffit pas à justifier une intervention dans la décision du Comité de déontologie, je suis inquiété par leur incidence cumulative. Étant donné que le Comité de déontologie a minimisé les facteurs aggravants et a trop insisté sur les facteurs atténuants, dans un cas qui était déjà dangereusement proche du congédiement, conformément à l’alinéa 45.16(3)b) de la Loi sur la GRC, je suis prêt à intervenir et à imposer ma propre mesure disciplinaire, car je trouve que les mesures disciplinaires actuelles sont manifestement déraisonnables.

[115] Lorsque je tiens compte du fait que l’intimé a causé un préjudice important en ce qui concerne la perception qu’ont le grand public et les partenaires policiers de la GRC, dans l’absence de remords manifestes, je conclus que les circonstances justifient la démission de l’intimé de la Gendarmerie dans les 14 jours ou qu’il soit autrement congédié.

DÉCISION

[116] En fonction de ce qui précède, l’Appel est accueilli. Conformément à l’alinéa 45.16(1)b) de la Loi sur la GRC, je confirme les conclusions du Comité de déontologie sur l’allégation, à savoir que l’intimé s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[117] Toutefois, après avoir conclu que les mesures disciplinaires prescrites par le Comité de déontologie sont manifestement déraisonnables, je les ai annulées et j’impose la mesure disciplinaire suivante : l’intimé démissionne de la GRC dans les 14 jours ou est congédié.

[118] Si les parties ne sont pas en accord avec ma décision, elles peuvent faire appel à la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, CSR, 1985, c F-7.

 

 

12 September 2024

John Lawrence, Arbitre

 

Date

 



[1] Garcia Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 321, paragraphe 48.

[2] Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen], paragraphe 36.

[3] Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, paragraphe 34.

[4] Housen, paragraphe 36.

[5] F.H. McDougal, [2009] CSC 53 [McDougal]

[6] R c. Ewanchuk [1999] CSC 65, [Ewanchuk]

[7] MacLeod c. Canada (Procureur général), 2013 CF 770 [MacLeod]

[8] Smith c Canada (Procureur général) 2021, CAF 73, paragraphe 56.

[9] Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748 [Southam], paragraphe 57.

[10] Southam, paragraph 57.

[11] Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, paragraphe 52.

[12] Colombie-Britannique (Worker’s Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority, 2016 CSC 25), paragraphe 30.

[13] R c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragraphes 43-44.

[14] Décision du commissaire D-115, paragraphe 44.

[15] Laroche c Canada (Procureur général), 2013 CF 797, paragraphe 62.

[16] Vavilov, paragraphe 100.

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