Déontologie
Informations sur la décision
Le 2 novembre 2023, un avis d’audience disciplinaire a été signifié au gendarme Christopher Larsen. L’avis contenait trois allégations en vertu du Code de déontologie de la GRC : une contravention présumée à l’article 2.1 pour conduite discourtoise, une contravention présumée à l’article 5.1 pour avoir utilisé plus de force que raisonnablement nécessaire dans les circonstances, et une contravention alléguée à l’article 8.1 pour ne pas avoir rendu compte de manière exacte et détaillée.
Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits et une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui ont été acceptés par le comité de déontologie. De plus, les trois allégations sont fondées.
Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées :
a. Pour l’allégation 1, une pénalité financière de 4 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 3 jours de rémunération et un jour de congé;
b. Pour l’allégation 2, une pénalité financière de 21 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 16 jours de rémunération et 5 jours de congé;
c. Pour l’allégation 3, une pénalité financière de 20 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 16 jours de rémunération et 4 jours de congé;
d. Suivre les formations suivantes (en personne ou en ligne) dans les 120 jours suivant le retour au travail du membre visé et le rétablissement de son autorisation de sécurité :
i. Recours à la force, y compris le MIGI, Réintégration (inscription au Programme national de réintégration), formation par module, épreuve annuelle de qualification au tir, carabine et pistolet Taser;
ii. Gestion du stress à la suite d’un incident critique (cours Agora 000771);
iii. Atelier tactique (avec un instructeur en sécurité publique et policière qualifié);
iv. Gestion de la colère (avec un professionnel de la santé qualifié, qui peut comprendre des séances psychologiques continues avec Ryan Thornley [psychologue agréé] à Modern Solutions Counselling);
v. Le gendarme Larsen doit fournir au sergent Ronald Bumbry la confirmation de l’achèvement de la formation mentionnée aux paragraphes d) i) à iii) et la confirmation de son suivi continu par le psychologue dont il est question au paragraphe d) iv). Le sergent Ronald Bumbry peut reporter les échéances mentionnées ci-dessus en raison de l’indisponibilité de programmes et/ou de cours.
e. Pendant 24 mois, à compter de la date de la présente décision écrite, participation pleine et entière avec le Bureau des services de santé conformément aux politiques de gestion de l’incapacité pour assurer la santé, le bien-être et un retour au travail en temps opportun;
f. Pendant 24 mois, à compter de la date de la présente décision écrite, inadmissibilité à une promotion ou à des affectations intérimaires de supervision.
Le comité de déontologie a également recommandé que le gendarme Larsen soit muté à un nouveau lieu de travail.
Contenu de la décision
Protégé A
ACMT 202333813
2024 DAD 16
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Dans l’affaire d’une
audience disciplinaire tenue au titre de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10
Entre :
l’autorité disciplinaire désignée, Division « E »
Autorité disciplinaire
et
le gendarme Christopher Larsen
Numéro de matricule 65428
Membre visé
Décision du Comité de déontologie
Sandra Weyand 19 novembre 2024
|
Pierre-Olivier Lemieux, représentant de l’autorité disciplinaire
Robb Beeman, représentant du membre visé
TABLE DES MATIÈRES
Principes juridiques applicables
Évaluation des mesures disciplinaires
Décision sur les mesures disciplinaires
RÉSUMÉ
Le 2 novembre 2023, un avis d’audience disciplinaire a été signifié au gendarme Christopher Larsen. L’avis contenait trois allégations en vertu du Code de déontologie de la GRC : une contravention présumée à l’article 2.1 pour conduite discourtoise, une contravention présumée à l’article 5.1 pour avoir utilisé plus de force que raisonnablement nécessaire dans les circonstances, et une contravention alléguée à l’article 8.1 pour ne pas avoir rendu compte de manière exacte et détaillée.
Les parties ont présenté un exposé conjoint des faits et une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui ont été acceptés par le comité de déontologie. De plus, les trois allégations sont fondées.
Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées :
a. Pour l’allégation 1, une pénalité financière de 4 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 3 jours de rémunération et un jour de congé;
b. Pour l’allégation 2, une pénalité financière de 21 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 16 jours de rémunération et 5 jours de congé;
c. Pour l’allégation 3, une pénalité financière de 20 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 16 jours de rémunération et 4 jours de congé;
d. Suivre les formations suivantes (en personne ou en ligne) dans les 120 jours suivant le retour au travail du membre visé et le rétablissement de son autorisation de sécurité :
Recours à la force, y compris le MIGI, Réintégration (inscription au Programme national de réintégration), formation par module, épreuve annuelle de qualification au tir, carabine et pistolet Taser;
Gestion du stress à la suite d’un incident critique (cours Agora 000771);
Atelier tactique (avec un instructeur en sécurité publique et policière qualifié);
Gestion de la colère (avec un professionnel de la santé qualifié, qui peut comprendre des séances psychologiques continues avec Ryan Thornley [psychologue agréé] à Modern Solutions Counselling);
Le gendarme Larsen doit fournir au sergent Ronald Bumbry la confirmation de l’achèvement de la formation mentionnée aux paragraphes d) i) à iii) et la confirmation de son suivi continu par le psychologue dont il est question au paragraphe d) iv). Le sergent Ronald Bumbry peut reporter les échéances mentionnées ci-dessus en raison de l’indisponibilité de programmes et/ou de cours.
e. Pendant 24 mois, à compter de la date de la présente décision écrite, participation pleine et entière avec le Bureau des services de santé conformément aux politiques de gestion de l’incapacité pour assurer la santé, le bien-être et un retour au travail en temps opportun;
f. Pendant 24 mois, à compter de la date de la présente décision écrite, inadmissibilité à une promotion ou à des affectations intérimaires de supervision.
Le comité de déontologie a également recommandé que le gendarme Larsen soit muté à un nouveau lieu de travail.
INTRODUCTION
[1] Le 22 mars 2023, l’autorité disciplinaire a signé l’avis à l’officier désigné dans lequel elle demandait la tenue d’une audience disciplinaire.
[2] Le 18 avril 2023, j’ai été nommé au comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 [la Loi sur la GRC].
[3] Le 2 novembre 2023, un avis d’audience disciplinaire a été signifié au gendarme Christopher Larsen. L’avis contenait trois allégations en vertu du Code de déontologie de la GRC : une contravention présumée à l’article 2.1 pour conduite discourtoise, une contravention présumée à l’article 5.1 pour avoir utilisé plus de force que raisonnablement nécessaire dans les circonstances, et une contravention alléguée à l’article 8.1 pour ne pas avoir rendu compte de manière exacte et détaillée, de l’exécution de leurs responsabilités, de l’exercice de leurs fonctions, du déroulement d’enquêtes, des agissements des autres employés et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie.
[4] Le 22 avril 2024, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le gendarme a fourni sa réponse aux allégations, admettant les allégations 1 et 2, avec certaines explications, et niant l’allégation 3.
[5] Le 18 juillet 2024, les parties ont indiqué qu’elles étaient parvenues à une entente sur les faits et les mesures disciplinaires. Elles m’ont également demandé quelles seraient les prochaines étapes et la manière de mettre en œuvre cette résolution potentielle.
[6] Le 25 septembre 2024, les parties ont demandé que j’exerce mon pouvoir en vertu des paragraphes 23(1) et 24(1) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, pour rendre une décision fondée uniquement sur le dossier, sous réserve de toute question découlant de mon examen de l’exposé conjoint des faits, la proposition conjointe et la preuve documentaire qui l’accompagne, lesquelles ont toutes été présentées plus tard le 7 octobre 2024.
[7] Dans les observations écrites des parties du 7 octobre 2024, le gendarme Larsen admet également l’allégation 3. Les parties ont en outre convenu que le libellé des précisions 5 et 6 de l’allégation 1 ne peut être attribué au gendarme Larsen. Par conséquent, ces deux précisions ont été retirées à la demande de l’autorité disciplinaire.
[8] Le 8 octobre 2024, à la suite de mon examen des documents, j’ai demandé aux parties des précisions sur les mesures disciplinaires proposées. Les parties ont par la suite présenté leur proposition conjointe finale et révisée le 17 octobre 2024.
[9] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les allégations 1, 2 et 3 sont fondées. De plus, j’accepte la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires.
[10] Je recommande également que le gendarme Larsen soit muté à un autre lieu de travail car, selon les conclusions de la présente décision, son affectation dans la Première Nation Maskwacis n’est plus convenable. Je précise que toute mutation demeure à la discrétion du commandant.
ALLÉGATIONS
[11] Les allégations énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire sont les suivantes :
Précisions communes à toutes les allégations
1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) affecté à la Division K, dans la province de l’Alberta.
2. Le 26 mars 2022, à Maskwacis (Alberta), pendant que vous étiez en service, vous avez escorté M. [K.L.], un prisonnier en état d’arrestation et les mains menottées derrière lui, jusqu’à un camion de la GRC. Alors que vous étiez debout à côté du camion, vous l’avez frappé au visage trois (3) fois et lui avez crié des obscénités.
Allégation 1 : Le ou vers le 26 mars 2022, à Maskwacis ou à proximité, dans la province de l’Alberta, le gendarme Christopher LARSEN s’est conduit de façon discourtoise, en contravention de l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.
Précisions
3. Lors de l’arrestation de M. [K.L.], vous avez utilisé un langage offensant et discourtois, notamment en l’injuriant et en disant « fuck you », tout en lui donnant un coup de poing au visage.
4. Vous avez ensuite frappé M. [K.L.] une deuxième fois avec votre poing droit fermé et avez dit « fuck you ».
5. [Précision retirée]
6. [Précision retirée]
7. Par conséquent, vous avez utilisé des termes irrespectueux, discourtois, non professionnels et blasphématoires en contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.
Allégation 2 : Le ou vers le 26 mars 2022, à Maskwacis ou à proximité, dans la province de l’Alberta, le gendarme Christopher LARSEN a utilisé plus de force que raisonnablement nécessaire dans les circonstances, contrairement à l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC.
Précisions
8. Le 26 mars 2022, vous avez été dépêché sur les lieux d’un incident où une arme à feu a été déchargée par deux (2) hommes derrière une résidence du lotissement urbain de la Nation crie de Samson, près de Maskwacis, en Alberta. Deux hommes ont été arrêtés, et l’un d’eux a été identifié comme étant M. [K.L.]. Alors que vous teniez M. K.L., dont les mains étaient menottées derrière lui, avec votre main gauche sur le côté du camion de la police de la GRC, vous avez dit : « Me comprends-tu? ». M. [K.L.] a répondu : « Oui, je te comprends », puis vous avez frappé M. [K.L.] au visage avec votre main droite, le poing fermé et lui avez dit : « fuck you! »
9. Vous avez ensuite frappé M. [K.L.] une deuxième fois avec votre poing droit fermé et avez dit « fuck you ».
10. Vous avez alors frappé M. [K.L.] une troisième fois avec votre poing droit fermé.
11. Vous avez ensuite poussé M. [K.L.] vers l’arrière de la cabine du camion de police de la GRC et, ce faisant, sa tête a heurté le montant « C » du véhicule, provoquant ainsi l’éclatement de la vitre arrière du véhicule.
12. Le caporal Jesse Gawne, expert en la matière dans le domaine du recours à la force par la police, a examiné l’ensemble de vos interactions avec M. [K.L.] et a rédigé un avis d’expert. Dans son rapport, le caporal Gawne conclut que, à son avis :
a. [Le gendarme] Larsen n’a pas utilisé une force raisonnable contre M. [K.L.]. [Le gendarme] Larsen a frappé à trois reprises le visage de M. [K.L.], alors que ce dernier était menotté derrière son dos et incapable de se défendre de façon significative.
b. La force utilisée par [le gendarme] Larsen contre M. [K.L.] au cours de cet incident n’était pas raisonnable et n’était pas conforme à la politique et à la formation de la GRC.
13. Votre utilisation de trois (3) coups de poing fermé contre M. [K.L.], alors qu’il était menotté avec les mains derrière le dos et incapable de se défendre de façon significative, n’était pas raisonnablement nécessaire dans les circonstances, et allait à l’encontre de la politique et de la formation de la GRC, en contravention à l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC.
Allégation 3 : Entre le 26 mars 2022 et le 29 mars 2022, à Maskwacis ou à proximité, dans la province de l’Alberta, le gendarme Christopher LARSEN n’a pas rendu compte de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie, ce qui va à l’encontre de l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.
Précisions
14. Vous avez rempli trois (3) rapports sur le comportement du sujet et l’intervention de l’agent (CS/IA) : 1) 26 mars 2022; 2) un rapport CS/IA révisé le 28 mars 2023; 3) un rapport CS/IA de nouveau révisé le 29 mars 2023, relativement à l’incident du 26 mars 2022 mettant en cause M. [K.L.], qui constitue le fondement de l’allégation 3. Les trois (3) rapports CS/IA que vous avez soumis concernant vos interactions avec M. [K.L.] ne concordent pas avec la vidéo [WatchGuard] de l’incident du 26 mars 2023.
15. Vous n’avez pas été précis dans votre deuxième rapport CS/IA révisé, daté du 28 mars 2022, en déclarant que « le sujet 1 était un homme de forte corpulence, pesant entre 200 et 250 lb et mesurant 6 pi ».
16. Selon le rapport sur le prisonnier, M. [K.L.] pesait 68 kilogrammes, ou environ 149,9 lb, lorsqu’il a été placé en cellule au Détachement de la GRC de Maskwacis le 26 mars 2023.
17. Compte tenu des actions susmentionnées, vous avez rempli les rapports CS/IA de manière inexacte, ce qui contrevient à l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC.
[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]
Constatation des faits
[12] L’exposé conjoint des faits a été signé par le gendarme Larsen et représente ses admissions aux faits, qui sont les suivants :
1. [Le gendarme Larsen] s’est joint à la GRC en 2018 et, après avoir terminé avec succès sa formation à la Division Dépôt, il a été affecté au Détachement de Maskwacis, en Alberta.
2. Le Détachement de Maskwacis est reconnu comme l’un des détachements les plus difficiles de la Division K. Il s’agit d’une communauté très violente, où les membres doivent souvent répondre à 20 à 30 appels par quart de travail; il peut s’agir de violence familiale, d’agressions, d’incendies de bâtiments ou de fusillades.
3. Le 26 mars 2022, des membres du Détachement de Maskwacis, y compris [le gendarme Larsen], ont été dépêchés sur les lieux d’un appel signalant que deux hommes avaient tiré sur une résidence avec une arme à feu dans le lotissement de la Nation crie de Samson. De nombreux agents ont répondu à l’appel.
4. À [7 h 40, le gendarme Larsen] est arrivé à l’endroit indiqué par le centre de répartition, [...], dans une allée située derrière la résidence où les hommes auraient été vus pour la dernière fois. [Le gendarme Larsen] a continué d’effectuer des patrouilles dans le secteur et, finalement, un autre membre lui a dit qu’on avait vu deux hommes courir dans un champ, au nord de leur emplacement.
5. Plusieurs membres ont convergé sur les lieux. L’un des agents, [le gendarme] Pettigrew, a été en mesure de fournir une description du sujet. Les agents ont été informés qu’au moins un des sujets avait été vu en train de dissimuler une arme à feu dans son pantalon. [Le gendarme Larsen] a été informé que les hommes s’étaient séparés et l’un d’eux a été vu en train de courir dans un secteur de la ville connu sous le nom de « Bloc D ». [Le gendarme Larsen] s’est dirigé dans cette direction pour couper la route à l’homme pour l’empêcher d’entrer dans le lotissement urbain, une résidence ou un véhicule, ce qui aurait rendu la situation beaucoup plus dangereuse et instable.
6. D’autres agents ont été en mesure de localiser et d’appréhender l’un des sujets qui avait en sa possession une arme à feu chargée. [Le gendarme Larsen] a observé [le gendarme] Epp avec ce sujet au sol. [Le gendarme Larsen] s’est précipité sur les lieux pour aider et a demandé à un autre agent, [le gendarme] Vaccaro, de rester avec [le gendarme] Epp, car il y avait une arme à feu sur les lieux et l’autre homme n’avait pas été localisé.
7. Peu de temps après, [le gendarme Larsen] a été alerté par [le gendarme] Edward et [le gendarme] Pettigrew que l’autre homme avait été trouvé caché sous la terrasse d’une résidence. [Le gendarme Larsen] s’est précipité à cet endroit, où des membres maintenaient une force dominante pouvant être mortelle pour ce sujet, un individu identifié plus tard comme étant [M. K.L.].
8. M. K.L. n’a pas coopéré lors de son arrestation. Les agents ont eu du mal à le menotter. La fouille a révélé que M. K.L. était en possession de munitions supplémentaires. M. K.L. a fait des commentaires aux agents qui l’arrêtaient, les narguant et se moquant d’eux.
Allégation 1
9. [Le gendarme Larsen] a perdu son sang-froid. Il a donné trois coups de poing à M. K.L., l’injuriant et utilisant un langage offensant en disant « fuck you » lorsqu’il a donné un coup de poing au visage de M. [K.L.].
10. [Le gendarme Larsen] admet que ce langage était irrespectueux, discourtois, non professionnel et blasphématoire et qu’il contrevenait à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.
Allégation 2
11. [Le gendarme Larsen] a poussé M. K.L. vers l’arrière de la cabine. La tête de M. K.L. est entrée en contact avec le montant C, ce qui a entraîné l’éclatement de la vitre. [Le gendarme Larsen] reconnaît que les trois coups qu’il a portés au visage de M. K.L. et que le fait qu’il a poussé sa tête contre le pilier C n’étaient pas raisonnables ou non conformes à la politique ou à la formation de la GRC. [Le gendarme Larsen] reconnaît qu’il a contrevenu à l’article 5.1 du Code de déontologie de la GRC.
Allégation 3
12. [Le gendarme Larsen] reconnaît avoir préparé, à l’état d’ébauche, trois rapports [CS/IA] le 26 mars 2022, le 28 mars 2022 et le 29 mars 2022 concernant l’incident du 26 mars 2022.
13. En ce qui concerne l’incident du 26 mars 2022, [le gendarme Larsen] reconnaît que certaines des déclarations contenues dans les [CS/IA] ne correspondent pas à ce qui ressort de la vidéo [WatchGuard] et de sa transcription audio, comme la description [du gendarme Larsen] du comportement résistant de M. K.L. alors qu’il se tenait menotté à l’arrière de la cabine. De plus, [le gendarme Larsen] reconnaît qu’il a été inexact dans sa description du poids et de la corpulence de M. K.L.
14. Par conséquent, [le gendarme Larsen] reconnaît que les [CS/IA] ont été remplis de manière inexacte et qu’il a contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC.
15. Le [gendarme Larsen] n’a aucun antécédent disciplinaire. Toutes ses évaluations de rendement, qui sont jointes à l’annexe A [de l’exposé conjoint des faits], témoignent de sa fiabilité, de sa confiance, de son éthique de travail et de sa connaissance des questions communautaires et culturelles.
16. En plus des commentaires positifs formulés dans ses plans d’évaluation de rendement et d’apprentissage, [le gendarme] Larsen a reçu un certain nombre de fiches de rendement positives qui sont jointes à l’annexe B [de l’exposé conjoint des faits].
17. Malgré les allégations d’inconduite, le [gendarme Larsen] continue d’avoir le soutien de la direction et de ses superviseurs. Comme l’indiquent les lettres de référence écrites par la surintendante Leanne MacMillan et [le sergent d’état-major] Travis McKenzie, qui se trouvent aux annexes C et D [de l’exposé conjoint des faits]. Les lettres de référence qui sont jointes aux présentes à l’annexe E [de l’exposé conjoint des faits] témoignent également de sa moralité et de son dévouement envers la communauté de Maskwacis.
18. Tous ces incidents se sont produits lorsque [gendarme Larsen] souffrait d’un trouble de stress post-traumatique non diagnostiqué et d’autres problèmes de santé mentale. Depuis l’incident, [le gendarme Larsen] a été diagnostiqué et reçoit un traitement continu pour traiter sa santé mentale.
[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]
[13] J’ai examiné attentivement l’exposé conjoint des faits et j’ai déterminé qu’il reflète fidèlement les documents pertinents versés au dossier dont je suis saisie.
Décision sur les allégations
Allégation 1
[
14
]
À l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC, il est indiqué : « La conduite des membres envers toute personne est empreinte de respect et de courtoisie; ils ne font pas preuve de discrimination ou de harcèlement. »
[15] Pour établir une contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, chacun des éléments suivants :
l’identité du membre visé;
l’acte ou les actes constituant la conduite alléguée;
si les gestes sont indicateurs d’un manque de respect et de courtoisie qui correspond à du harcèlement.
[16] Pour établir le troisième élément du critère, il faut déterminer si une personne raisonnable, en connaissance de tous les faits de l’affaire, et non seulement des services de police en général, mais en particulier des services de police de la GRC, aurait su ou aurait dû savoir si les actes ou les mots étaient dévalorisants, dégradants ou humiliants, ou offenseraient ou auraient causé un préjudice.
[17] L’identité du gendarme Larsen n’est pas contestée. Par conséquent, le premier élément du critère est rempli.
[18] Le gendarme Larsen admet avoir répondu à un appel concernant deux hommes qui tiraient sur une résidence avec une arme à feu le 26 mars 2022 et avoir arrêté M. K.L., qui n’a pas coopéré lors de son arrestation. Il admet également avoir perdu son sang-froid, donné des coups de poing à M. K.L., l’avoir injurié et avoir utilisé un langage offensant, disant « fuck you » tout en le frappant au visage. Par conséquent, le deuxième élément du critère, les actes constituant le comportement présumé, est également satisfait.
[19] Le gendarme Larsen admet en outre que son langage était irrespectueux, discourtois, non professionnel et blasphématoire. De plus, je suis d’accord pour dire qu’une personne raisonnable, ayant connaissance des circonstances pertinentes, conclurait que l’utilisation d’un langage offensant, comme « fuck you », lors d’une arrestation, tout en donnant un coup de poing à une personne menottée, serait dégradante et dévalorisante, en plus d’offenser et d’équivaloir à un manque de respect envers M. K.L. Par conséquent, le troisième élément du critère est rempli.
[20] Par conséquent, je conclus que le gendarme Larsen a agi d’une manière qui contrevient à l’article 2,1 du Code de déontologie. Par conséquent, l’allégation 1 est fondée.
Allégation 2
[
21
]
Selon l’article 5.1 du Code de déontologie, les « membres emploient seulement la force raisonnablement nécessaire selon les circonstances ».
[22] Pour établir une contravention à l’article 5.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, chacun des éléments suivants :
- l’identité du membre visé;
- les gestes posés par le membre ayant constitué le recours à la force;
- si le recours à la force n’était pas raisonnablement nécessaire, pour l’une des raisons suivantes :
le membre n’a pas agi dans le cadre de ses fonctions légitimes;
le membre n’avait pas de motifs raisonnables de recourir à la force;
la force utilisée n’était pas objectivement raisonnable.
[23] Comme je l’ai déjà mentionné, l’identité du gendarme Larsen n’est pas contestée. Par conséquent, le premier élément du critère est rempli.
[24] Le gendarme Larsen admet avoir poussé M. K.L. vers l’arrière de la cabine du véhicule de police et que, ce faisant, la tête de M. K.L. a heurté le montant C (le support structurel d’un véhicule entre la porte et la lunette arrière) du véhicule de police, ce qui a brisé la vitre. Le gendarme Larsen admet également avoir frappé M. K.L. trois fois lors de l’arrestation. Par conséquent, le deuxième élément du critère, les actes constituant le comportement présumé, est également satisfait.
[25] Le gendarme Larsen reconnaît que les trois coups portés et que le fait que la tête de M. K.L. ait heurté le pilier C n’étaient pas raisonnables ou non conformes à la politique ou à la formation de la GRC. De plus, le dossier contient un rapport d’un expert en recours à la force. Le rapport conclut également que le gendarme Larsen n’a pas utilisé une force raisonnable lorsqu’il a frappé M. K.L. trois fois avec un poing fermé alors que M. K.L. était menotté derrière son dos et incapable de se défendre.
[26] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que la force utilisée n’était pas objectivement raisonnable et que le troisième élément du critère a été satisfait.
[27] Par conséquent, je conclus que le gendarme Larsen a agi d’une manière qui contrevient à l’article 5,1 du Code de déontologie. Par conséquent, l’allégation 2 est fondée.
Allégation 3
[
28
]
L’article 8.1 du Code de déontologie précise que les membres « rendent compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de leurs responsabilités, de l’exercice de leurs fonctions, du déroulement d’enquêtes, des agissements des autres employés et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie ».
[29] Pour établir une contravention à l’article 8,1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir, selon la prépondérance des probabilités, chacun des éléments suivants :
- l’identité du membre visé;
- la déclaration ou le compte rendu des gestes en question;
- si les déclarations ou les compte rendus était faux, trompeurs ou erronés;
- si le membre :
savait que les déclarations était fausses, trompeuses ou erronées;
s’est montré insouciant à l’égard de la validité de la déclaration.
[30] L’identité du gendarme Larsen n’est pas contestée. Par conséquent le premier élément du critère est rempli.
[31] Le gendarme Larsen admet avoir préparé trois CS/IA les 26, 28 et 29 mars 2022 concernant l’incident survenu le 26 mars 2022. Il s’agit là des déclarations en question.
[32] Le gendarme Larsen admet en outre que certaines des déclarations dans les CS/IA ne sont pas conformes aux preuves vidéo de la caméra WatchGuard dans le véhicule de police. Le gendarme Larsen reconnaît également qu’il a été inexact dans sa description du poids et de la corpulence de M. K.L. Par conséquent, les déclarations fournies par le gendarme Larsen étaient fausses et inexactes, ce qui satisfait au troisième élément du critère.
[33] Le quatrième élément du critère est également satisfait par l’admission du gendarme Larsen que les déclarations étaient inexactes. Plus précisément, il y a un écart important entre la description du gendarme Larsen de M. K.L. dans le CS/IA et le poids et la corpulence réels de M. K.L. Je note également que le gendarme Larsen n’a ajouté ces descripteurs inexacts dans son résumé que lorsqu’il a révisé le CS/IA le 28 mars 2022. Ces descripteurs sont clairement contredits par les renseignements qui se trouvent dans la section « Renseignements sur le sujet » du même CS/IA enregistré le 26 mars 2022, indiquant la taille et le poids réels de M. K.L. Le gendarme Larsen a donc sciemment entré des renseignements inexacts dans le CS/IA.
[34] Par conséquent, je conclus que l’allégation 3 est fondée.
MESURES DISCIPLINAIRES
[35] Puisque les allégations sont fondées, je dois, en vertu du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, imposer au moins une des mesures disciplinaires énoncées dans ce paragraphe.
[36] Les parties m’ont présenté une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui a été signée par le gendarme Larsen et l’autorité disciplinaire. Les parties ont également présenté de brèves observations écrites expliquant en quoi les cinq principes fondamentaux énoncés dans le Rapport final de la phase 1 appuient les mesures disciplinaires proposées, ainsi que les facteurs aggravants et atténuants convenus et la preuve documentaire à l’appui. En outre, les parties proposent les mesures disciplinaires suivantes :
a) une pénalité financière de 4 jours de travail, à déduire de la solde du membre, soit 3 jours de rémunération et un jour de congé;
b) une pénalité financière de 21 jours de travail, à déduire de la solde du membre, soit 16 jours de rémunération et 5 jours de congé;
c) une pénalité financière de 20 jours de travail, à déduire de la solde du membre, soit 16 jours de rémunération et 4 jours de congé;
d) suivre de la formation, notamment Recours à la force, y compris le [Modèle d’intervention pour la gestion d’incidents MIGI], Réintégration, formation par module, épreuve annuelle de qualification au tir, carabine et pistolet Taser; Gestion du stress à la suite d’un incident critique; atelier tactique (avec un instructeur en sécurité publique et policière qualifié); et Gestion de la colère;
e) pendant 24 mois, à compter de la date de la décision du comité, participation pleinement avec le [Bureau des services de santé] conformément aux politiques de gestion de l’incapacité pour assurer la santé, le bien-être et un retour au travail en temps opportun;
f) inadmissibilité à une promotion ou à une affectation intérimaire de supervision pendant 24 mois à compter de la date de cette décision.
Les parties demandent également au comité de recommander que le membre visé soit muté à un nouveau lieu de travail comme suit :
À la suite des constatations du présent processus relatif au Code de déontologie, il a été déterminé que l’affectation du gendarme Christopher Larsen dans la Première Nation Maskwacis n’est plus convenable. Par conséquent, le membre visé rencontrera un conseiller en perfectionnement et en renouvellement des ressources humaines (CPRRH) de la Division K et une succession sera planifiée pour la mutation ordonnée. L’agent divisionnaire du perfectionnement et du renouvellement des ressources humaines de la Division K déterminera une affectation finale convenable en fonction de l’information obtenue lors de l’entrevue avec le CPRRH et des besoins opérationnels de la Division.
Principes juridiques applicables
Propositions conjointes
[37] Lorsqu’un comité de déontologie est saisi d’une proposition conjointe de mesures disciplinaires, il existe des circonstances très limitées dans lesquelles il peut refuser d’accepter les mesures disciplinaires proposées. La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions en vue d’un règlement et a statué que, selon le critère de l’intérêt public, « un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public ».
[1]
[38] Le critère relatif à l’intérêt public est rigoureux. Il a été adopté par d’autres organismes disciplinaires professionnels[2] et appliqué dans plusieurs décisions disciplinaires récentes de la GRC. Plus précisément, un comité de déontologie est tenu d’examiner sérieusement une proposition conjointe à moins qu’elle soit inadéquate, déraisonnable ou contraire à l’intérêt public. En outre, lorsqu’il s’écarte d’une recommandation conjointe, un comité de déontologie doit donner des raisons valables convaincantes afin d’expliquer pourquoi la recommandation n’est pas appropriée.
[39] À l’instar du comité de déontologie dans l’affaire Deroche, je note également ce qui suit :
[103] L’acceptation d’une proposition conjointe par un comité disciplinaire ne peut être considérée comme son approbation des mesures proposées comme étant celles qui servent le mieux les intérêts du public. Elle reflète plutôt un compromis qui ne porte pas atteinte à l’intérêt public. Par conséquent, même si les décisions antérieures du comité disciplinaire peuvent donner une indication d’une gamme acceptable de mesures disciplinaires pour une catégorie d’inconduite, elles m’aident peu dans mon analyse […][3]
[40] De même, les mesures disciplinaires énoncées dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (novembre 2014) fournissent simplement une gamme adéquate de mesures disciplinaires, qui ne sont pas déterminantes et offrent seulement une aide limitée pour évaluer quelles mesures disciplinaires imposer dans un dossier donné.
[41] Pour déterminer si les mesures disciplinaires proposées par les parties sont contraires à l’intérêt public, je vais commencer mon analyse en appliquant les cinq principes fondamentaux qui guident l’évaluation d’une mesure disciplinaire adaptée, tel qu’il est énoncé dans le Rapport final de la phase 1.
Évaluation des mesures disciplinaires
[42] Le premier principe fondamental stipule qu’une mesure disciplinaire « doit pleinement obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires contre la police »
, qui exige un équilibre entre quatre intérêts : 1) le public; 2) la GRC dans son double rôle d’employeur et d’organisme gouvernemental pour assurer la sécurité du public; 3) le membre visé étant traité équitablement; et 4) les personnes touchées par l’inconduite en cause, le cas échéant.[4]
[43] Les alinéas 36.2b) et c) de la Loi sur la GRC prévoient l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et de renforcer les normes de conduite élevées attendues des membres de la GRC. Ils établissent également la responsabilité et l’obligation de rendre compte du membre à l’égard de la promotion et du maintien de la bonne conduite au sein de la Gendarmerie.
[44] La Cour suprême du Canada a également souligné l’importance de l’intérêt public en déclarant que « [l]es organismes disciplinaires ont pour objectifs de protéger le public, de réglementer leur profession respective et de préserver la confiance du public à l’égard de ces professions ».
[5]
[45] Les deuxième et troisième principes prévoient que les mesures simples et correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu, et que la présomption que la mesure la moins sévère possible soit imposée.[6] Ces principes sont reflétés à l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, qui exige que les mesures disciplinaires soient adaptées à la nature et aux circonstances de chaque cas et, s’il y a lieu, qu’elles soient éducatives et correctives plutôt que punitives. Toutefois, les deux principes seront supplantés si l’intérêt du public ou d’autres considérations, comme la gravité de l’inconduite, l’emportent.
[46] Le quatrième principe est que les mesures disciplinaires imposées doivent être proportionnelles à la nature et aux circonstances de la contravention. Pour ce faire, le comité de déontologie doit déterminer les considérations pertinentes en matière de proportionnalité et déterminer si elles peuvent être atténuantes, aggravantes ou neutres. Enfin, le comité de déontologie doit les soupeser et les pondérer de façon appropriée en tenant compte des circonstances de l’affaire et des quatre objectifs du processus de traitement des plaintes et de discipline de la police.[7]
[47] Le cinquième principe est que les policiers doivent respecter une norme de conduite plus rigoureuse.[8]
Analyse
[48] Le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Il s’agit d’une référence utile pour déterminer l’éventail approprié de sanctions pour une catégorie de comportement donnée.
[49] Plus précisément, dans le cas de l’allégation 1, c’est-à-dire une contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie, lorsqu’elle est liée au manque de courtoisie et à l’utilisation de blasphèmes ou d’impolitesse envers un membre du public, la gamme de mesures disciplinaires indiquées est une pénalité financière de 2 à 10 jours à l’extrémité aggravée du spectre et des mesures correctives (moins qu’une réprimande) à l’extrémité atténuée.
[50] En ce qui concerne l’allégation 2, une contravention à l’article 5,1 du Code de déontologie, le Guide des mesures disciplinaires indique des mesures correctives pour la fourchette atténuée, une pénalité financière de 2 à 20 jours pour la fourchette normale et une pénalité de 21 jusqu’au congédiement pour les infractions aggravées telles que les voies de fait non provoquées ou gratuites, la contention d’une victime, les victimes vulnérables, l’utilisation inutile d’un équipement d’intervention ou une agression causant des blessures graves.
[51] Enfin, en ce qui concerne l’allégation 3, une contravention à l’article 8,1 du Code de déontologie, des actions qui se situent dans la fourchette des circonstances aggravantes justifient le congédiement. Il s’agit d’actions qui causent une erreur judiciaire, compromettent une enquête ou impliquent la fabrication de preuves. La fourchette pour des circonstances atténuées est une pénalité financière de 11 à 29 jours; elle s’applique aux actions qui n’ont aucune incidence sur les enquêtes et qui n’ont pas de répercussions négatives sur les droits d’un tiers. Je note que la fourchette normale est assez vaste, allant de 30 jours de salaire au congédiement.
[52] Dans leur proposition conjointe, les parties affirment que les incidents impliquant une intervention policière sont complexes et que les policiers doivent prendre des décisions en une fraction de seconde. Ils me pressent d’accorder au gendarme Larsen une certaine déférence sur les lieux, alors qu’il n’a pas la capacité d’analyser le comportement sur vidéo pour déterminer la marche à suivre parfaite. La perception du risque d’un membre peut être différente de ce qu’une analyse minutieuse des enregistrements vidéo et audio révèle plus tard.
[53] Cela dit, les parties sont claires en soulignant que le gendarme Larsen ne tente pas d’excuser son comportement.
[
54
]
Les parties soutiennent qu’une pénalité financière de 45 jours de salaire, combinée à d’autres mesures correctives, est appropriée compte tenu des circonstances. Elles se réfèrent également à la page 7 du Guide des mesures disciplinaires, qui traite d’une pénalité financière de 31 à 45 jours qui « est à envisager lorsque l’autorité disciplinaire hésite entre le maintien en poste et le congédiement d’un membre, mais décide de maintenir le membre en poste, à la lumière de toutes les circonstances aggravantes et atténuantes ».
[55] À l’appui de cette affirmation, les parties déterminent huit facteurs de proportionnalité qui peuvent avoir un effet atténuant sur la sanction :
- Les admissions du gendarme Larsen ont évité une audience disciplinaire contestée. Cela permet d’éviter que plusieurs témoins ne se déplacent et ne témoignent, ainsi que d’engager des dépenses pour la Gendarmerie. Cela démontre également la volonté du gendarme Larsen de résoudre rapidement cette affaire, ce qui témoigne de ses remords.
- Le gendarme Larsen a admis les faits sous-jacents des allégations 1, 2 et 3 et a reconnu son inconduite et accepté sa responsabilité.
- La gendarme Larsen n’a aucun antécédent disciplinaire.
- La conduite du gendarme Larsen était un incident isolé, qui était hors de caractère, et représente un manque de jugement momentané. L’incident du 26 mars 2022 auquel le gendarme Larsen a répondu était un événement très dangereux impliquant une fusillade avec une arme à feu dans une résidence et des personnes ayant une arme dissimulée.
- Le gendarme Larsen a un dossier de travail exceptionnel qui se reflète dans plusieurs évaluations positives du rendement, qui sont jointes à l’exposé conjoint des faits. De plus, la surintendante Leanne MacMillan a fourni une lettre de soutien, datée du 11 janvier 2024, relativement à ce processus disciplinaire, qui démontre que le gendarme Larsen a le soutien de la haute direction. Il a également fourni plusieurs lettres de soutien de ses pairs et d’un membre de la communauté, confirmant son engagement et son dévouement envers la communauté de la Nation crie.
- Au moment de l’incident, le gendarme Larsen souffrait d’un problème médical non diagnostiqué. Le gendarme Larsen a fourni des dossiers médicaux confirmant qu’il a reçu un diagnostic de blessure de stress opérationnel et de trouble d’adaptation. Ils confirment également qu’il consulte un psychologue depuis le 30 novembre 2023 et que son pronostic est excellent.
- L’incident s’est produit alors que le gendarme Larsen travaillait dans une collectivité éloignée et violente, la Première Nation Maskwacis.
- Le gendarme Larsen a tiré le meilleur parti de sa suspension en suivant avec diligence un traitement et du counseling et en cherchant de l’aide médicale.
[56] Je reconnais que le gendarme Larsen a admis les allégations et qu’il a collaboré tout au long du processus d’audience disciplinaire, ce qui permet d’éviter une audience contestée et la nécessité pour les témoins de se déplacer pour témoigner. Cependant, je considère qu’il s’agit d’un facteur neutre.
[57] En ce qui concerne l’acceptation de responsabilité du gendarme Larsen, je note qu’il a fait preuve de remords et qu’il a reconnu la gravité de ses actes dès le début du processus disciplinaire. De plus, j’accepte ce point comme un facteur atténuant important.
[58] Le gendarme Larsen n’a fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire antérieure, ce qui est atténuant; cependant, j’accorde peu d’importance à ce facteur, car son service est d’à peine plus de cinq ans à ce jour. J’accorde beaucoup d’importance à sa probabilité de réadaptation, à la fois parce que cet incident semblait inhabituel dans des circonstances instables et parce qu’il cherche à se faire soigner pour sa blessure de stress opérationnel et son trouble d’adaptation non diagnostiqués auparavant.
[59] Cela dit, je n’ai pas reçu de preuve pour conclure que le gendarme Larsen souffrait d’un stress opérationnel et d’un trouble d’adaptation au moment de l’incident et que ces troubles ont eu une incidence sur ses actions à ce moment-là. Par conséquent, je ne retiens pas cela comme facteur atténuant en ce sens. Comme je l’ai souligné, je maintiens le fait que le gendarme Larsen a maintenant reçu un diagnostic, qu’il a cherché un traitement et qu’il cherche activement à obtenir du counseling, ce qui l’aidera à aborder toute situation future avec des actions plus mesurées.
[60] Je reconnais également que le gendarme Larsen est toujours en mesure de contribuer de façon précieuse à la Gendarmerie, compte tenu des nombreuses lettres de soutien. Je considère que le soutien offert par la haute direction, tel qu’il est indiqué dans la lettre de la surintendante MacMillan, est un facteur atténuant important.
[61] En ce qui concerne les considérations aggravantes de proportionnalité, les parties soutiennent que :
- Le gendarme Larsen a été impliqué dans une inconduite alors que le plaignant était menotté et vulnérable. Le plaignant a subi des blessures mineures.
- Le plaignant est Autochtone.
- Le gendarme Larsen sera maintenant assujetti à l’obligation de communication énoncée dans l’arrêt McNeil pour avoir fourni des renseignements inexacts dans les CS/IA.
[62] Je suis d’accord pour dire que tous les facteurs susmentionnés représentent des facteurs aggravants.
Décision sur les mesures disciplinaires
[63] Après avoir soupesé les quatre intérêts du processus de traitement des plaintes et de mesures disciplinaires contre la police et mon analyse des facteurs de proportionnalité applicables, j’estime que les mesures disciplinaires proposées servent d’avertissement et de rappel justes aux autres membres de leur obligation de se comporter d’une manière qui n’est pas déshonorante.
[64] J’estime que l’intérêt du public est servi. Le gendarme Larsen fait l’objet de mesures disciplinaires pour ses actions. Il reçoit une pénalité financière importante. Il est inadmissible à une promotion ou à une affectation intérimaire de supervision pendant 24 mois à compter de la date de cette décision. De plus, cette décision sera accessible au public, démontrant que la GRC ne tolère pas de telles actions, surtout des actions qui équivalent à l’utilisation d’un langage offensant, à une force excessive et à la communication de détails inexacts sur un incident. Elle démontre une fois de plus l’engagement de la GRC à maintenir la confiance du public et à rendre des comptes.
[65] Les intérêts de la GRC sont servis parce que le gendarme Larsen ne sera pas admissible à une promotion ou à des rôles de supervision intérimaire pendant 24 mois à compter de la date de la présente décision. De plus, il suivra plusieurs formations pertinentes en plus de perdre un montant important de sa paie. Cela envoie un message fort de dissuasion générale au sein de la Gendarmerie : un comportement équivalant à un recours excessif à la force, à des compte rendus inexacts et à un comportement discourtois n’est pas toléré et entraînera de graves répercussions.
[66] Le gendarme Larsen est traité équitablement par l’imposition des mesures disciplinaires proposées. Il a été représenté par un avocat compétent tout au long de la présente procédure et les mesures proposées ont été convenues conjointement par les parties lors des discussions en vue d’un règlement. Je n’ai aucune raison de croire que la proposition conjointe est injuste pour le gendarme Larsen.
[67] Les intérêts des autres personnes touchées ont également été pris en compte par le fait que M. K.L. a eu l’occasion de fournir une déclaration de la victime, bien qu’il ait refusé de le faire. Je crois comprendre que M. K.L. n’avait pas non plus d’intérêt à participer au processus disciplinaire. Par conséquent, l’affaire étant réglée sans avoir besoin d’une audience disciplinaire est une façon favorable de procéder pour M. K.L.
[68] La proposition conjointe reconnaît qu’une norme plus rigoureuse s’applique à la conduite d’un policier. Bien qu’aucune accusation criminelle n’ait été portée au moment de la décision, le gendarme Larsen n’a pas satisfait à la norme plus élevée attendue pour la conduite d’un policier dans une situation où les circonstances étaient très instables.
[69] Je suis d’accord avec l’évaluation des parties selon laquelle les mesures proposées sont à la fois simples et correctives. Elles se situent également à l’intérieur des fourchettes indiquées dans le Guide des mesures disciplinaires.
[70] La présomption de la mesure la moins sévère possible est respectée. J’estime que la pénalité financière, la période d’inadmissibilité aux promotions et la formation supplémentaire sont proportionnelles aux actions du gendarme Larsen. Ces mesures ne sont ni triviales ni punitives et répondent aux attentes en matière de dissuasion spécifique et générale, tout en tenant le gendarme Larsen responsable.
[71] Je ne conclus donc pas que l’acceptation de la proposition conjointe serait jugée intolérable et entraînerait la perte de la confiance du public dans le processus disciplinaire de la GRC.[9] Par conséquent, je conclus que la proposition conjointe n’est pas contraire à l’intérêt public et n’est pas susceptible de déconsidérer l’administration de la justice. J’accepte donc les mesures disciplinaires proposées et j’impose par les présentes ce qui suit :
- Pour l’allégation 1, une pénalité financière de 4 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 3 jours de rémunération et un jour de congé;
- Pour l’allégation 2, une pénalité financière de 21 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 16 jours de rémunération et 5 jours de congé;
- Pour l’allégation 3, une pénalité financière de 20 jours de travail, à déduire de la solde du gendarme Larsen, soit 16 jours de rémunération et 4 jours de congé;
- Suivre les formations suivantes (en personne ou en ligne) dans les 120 jours suivant le retour au travail du membre visé et le rétablissement de son autorisation de sécurité :
Recours à la force, y compris le MIGI, Réintégration (inscription au Programme national de réintégration), formation par module, épreuve annuelle de qualification au tir, carabine et pistolet Taser;
Gestion du stress à la suite d’un incident critique (cours Agora 000771);
Atelier tactique (avec un instructeur en sécurité publique et policière qualifié);
Gestion de la colère (avec un professionnel de la santé qualifié, qui peut comprendre des séances psychologiques continues avec Ryan Thornley [psychologue agréé] à Modern Solutions Counselling);
Le gendarme Larsen doit fournir au sergent Ronald Bumbry la confirmation de l’achèvement de la formation mentionnée aux paragraphes d) i) à iii) et la confirmation de son suivi continu par le psychologue dont il est question au paragraphe d) iv). Le sergent Ronald Bumbry peut reporter les échéances mentionnées ci-dessus en raison de l’indisponibilité de programmes et/ou de cours.
- Pendant 24 mois, à compter de la date de la présente décision, participation pleine et entière avec le Bureau des services de santé conformément aux politiques de gestion de l’incapacité pour assurer la santé, le bien-être et un retour au travail en temps opportun;
- Inadmissibilité à une promotion ou à une affectation intérimaire de supervision pendant 24 mois à compter de la date de cette décision.
[72] De plus, et à la demande des parties, je recommande également que le gendarme Larsen soit muté à un autre lieu de travail car, selon les conclusions de la présente décision, son affectation dans la Première Nation Maskwacis n’est plus convenable. Une telle mutation demeure à la discrétion du commandant.
CONCLUSION
[73] Les allégations 1, 2 et 3 sont établies selon la prépondérance des probabilités, et les mesures disciplinaires susmentionnées sont imposées.
[74] En acceptant la proposition conjointe, je donne au gendarme Larsen la chance de continuer sa carrière à la GRC. Ce faisant, je crois qu’il respectera les normes établies par le Code de déontologie et qu’il agira conformément aux valeurs fondamentales de la GRC. Toute infraction subséquente au Code de déontologie sera évaluée de près par l’autorité disciplinaire appropriée et pourrait mener à son congédiement de la Gendarmerie.
[75] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’alinéa 23(1)b) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.
[76] La présente constitue ma décision écrite, telle que l’exige le paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC. L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.
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19 novembre 2024
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Sandra Weyand
Comité de déontologie
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Date
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[1] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, paragraphe 32.
[2] Rault c. Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19.
[3] Deroche, paragraphe 103.
[4] Rapport final de la phase 1, pages 17 à 19.
[5] Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, paragraphe 53.
[6] Rapport final de la phase 1, pages 19 à 21.
[7] Rapport final de la phase 1, page 21.
[8] Rapport final de la phase 1, page 22.
[9] R. c Albert, 2022 QCCS 3934, paragraphe 60.