Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire, daté du 16 septembre 2022, comportait huit allégations de contraventions au code de déontologie de la GRC : une allégation fondée sur l’article 2.1 (ne pas avoir traité toute personne avec respect); deux allégations fondées sur l’article 3.3 (ne pas avoir exécuté un ordre légitime); une allégation fondée sur l’article 4.2 (avoir manqué à son devoir); deux allégations fondées sur l’article 7.1 (avoir eu une conduite déshonorante); deux allégations fondées sur l’article 8.1 (avoir omis de rendre compte de manière exacte).
Le 16 janvier 2024, avant l’audition des observations sur les allégations, les représentants de l’autorité disciplinaire ont annoncé que l’autorité disciplinaire retirait six des huit allégations. Il restait seulement les allégations 3 et 7.
Le 22 janvier 2024, le comité de déontologie a entendu les observations des parties. Le 2 février 2024, il a conclu que l’allégation 7 avait été établie selon la prépondérance des probabilités, mais pas l’allégation 3.
Le 6 février 2024, après avoir entendu les observations des parties sur les mesures disciplinaires appropriées, le comité de déontologie a imposé un avertissement en guise de mesure disciplinaire.

Contenu de la décision

Protégé A

OGCA 20223385

2024 DAD 12

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une audience disciplinaire tenue en vertu de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10

Entre :

Commandant de la Division V

 

Autorité disciplinaire

et

Caporal Ian Crowe

Numéro de matricule 58013

Membre visé

Décision du comité de déontologie

Louise Morel

23 octobre 2024


 

Mme Janice Calzavara et M. Eric Blenkarn, représentants de l’autorité disciplinaire

M. Robb Beeman, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 4

ALLÉGATIONS 8

RÉSUMÉ DES FAITS ÉTABLIS PAR LE COMITÉ DE DÉONTOLOGIE 9

LA PREUVE 11

Les principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve 11

Le sergent d’état-major Denis Lambe 12

Le caporal Travis Collins 14

Le gendarme Rodney MacDonald 15

Le caporal Ian Crowe 19

ALLÉGATION 3 – NE PAS AVOIR EXÉCUTÉ UN ORDRE LÉGITIME 19

La preuve relative à l’allégation 3 20

Le témoignage du sergent d’état-major Denis Lambe 20

Le témoignage du caporal Travis Collins 24

Le témoignage du gendarme Rodney MacDonald 26

Le témoignage du caporal Ian Crowe 29

Conclusions relatives à l’allégation 3 32

L’identité du membre 32

Un ordre donné de manière claire et précise 33

Le défaut d’exécuter un ordre 36

ALLÉGATION 7 – MANQUE DE COURTOISIE 36

La preuve relative à l’allégation 7 37

Le témoignage du gendarme MacDonald 37

Le témoignage du caporal Ian Crowe 38

Conclusions relatives à l’allégation 7 41

MESURES DISCIPLINAIRES 43

Les principes juridiques applicables 43

Analyse des mesures disciplinaires 44

Les facteurs aggravants 45

Le facteur neutre 45

Les facteurs atténuants 45

Décision relative aux mesures disciplinaires 46

CONCLUSION 47

 

SOMMAIRE

L’avis d’audience disciplinaire, daté du 16 septembre 2022, comportait huit allégations de contraventions au code de déontologie de la GRC : une allégation fondée sur l’article 2.1 (ne pas avoir traité toute personne avec respect); deux allégations fondées sur l’article 3.3 (ne pas avoir exécuté un ordre légitime); une allégation fondée sur l’article 4.2 (avoir manqué à son devoir); deux allégations fondées sur l’article 7.1 (avoir eu une conduite déshonorante); deux allégations fondées sur l’article 8.1 (avoir omis de rendre compte de manière exacte).

Le 16 janvier 2024, avant l’audition des observations sur les allégations, les représentants de l’autorité disciplinaire ont annoncé que l’autorité disciplinaire retirait six des huit allégations. Il restait seulement les allégations 3 et 7.

Le 22 janvier 2024, le comité de déontologie a entendu les observations des parties. Le 2 février 2024, il a conclu que l’allégation 7 avait été établie selon la prépondérance des probabilités, mais pas l’allégation 3.

Le 6 février 2024, après avoir entendu les observations des parties sur les mesures disciplinaires appropriées, le comité de déontologie a imposé un avertissement en guise de mesure disciplinaire.

INTRODUCTION

[1] Le 2 mars 2021, le caporal Ian Crowe s’est rendu au Détachement de Sanirajak. Devant deux autres membres, il aurait fait un commentaire offensant et sexiste sur la commandante de la Division V, qui venait de rendre une décision disciplinaire à son encontre dans une autre affaire.

[2] Le même jour, le gendarme Rodney MacDonald[1], chef de détachement par intérim, a communiqué avec l’inspecteur Adam MacIntosh et le sergent d’état-major Denis Lambe[2] pour signaler le commentaire du caporal Crowe et faire part d’autres préoccupations qu’il avait au sujet du caporal Crowe.

[3] Le 5 mars 2021, le sergent d’état-major Lambe et le caporal Travis Collins se sont rendus au Détachement de Sanirajak pour retirer le caporal Crowe de la communauté et l’envoyer subir une évaluation psychologique à Ottawa en raison des inquiétudes soulevées par le gendarme MacDonald.

[4] L’interaction du 5 mars 2021 entre le sergent d’état-major Lambe et le caporal Crowe a donné lieu à cinq autres infractions présumées au code de déontologie. À ce moment, le caporal Crowe faisait l’objet d’allégations en lien avec le commentaire du 2 mars 2021, l’interaction du 5 mars 2021 ainsi que des événements remontant à décembre 2020 et à juillet 2021.

[5] Le 2 mars 2022, l’autorité disciplinaire a signé un avis à l’officier désigné demandant la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire.

[6] Le 8 mars 2022, Gerry Annetts a été nommé au comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), c R-10 [la Loi sur la GRC].

[7] Le 6 juin 2022, j’ai été nommée au nouveau comité de déontologie dans la présente affaire. Conformément au paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC, je dois décider si les allégations sont établies selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le caporal Crowe a contrevenu au code de déontologie de la GRC. Si je conclus qu’une ou plusieurs des allégations sont fondées, je dois imposer des mesures disciplinaires.

[8] Le 16 juin 2022, l’avis d’audience disciplinaire comportait huit allégations. Elle a été signifiée au caporal Crowe par courrier le 25 octobre 2022, en même temps que le dossier d’enquête. Le caporal Crowe a confirmé la réception des documents le 31 octobre 2022.

[9] Le 27 janvier 2023, le caporal Crowe a remis sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Il a nié toutes les allégations et a sollicité des renseignements supplémentaires. Plus précisément, il a demandé la production de toutes les notes et de tous les rapports préparés par les différents protagonistes des événements du 2 au 31 mars 2021.

[10] Du 3 avril 2023 au 27 juillet 2023, les représentants de l’autorité disciplinaire et le représentant du membre visé (collectivement, les représentants) ont participé à trois conférences préparatoires. Ces conférences visaient principalement à examiner les demandes de renseignements supplémentaires formulées par le représentant du membre visé, qui faisait valoir que l’information demandée était essentielle pour permettre au caporal Crowe de présenter une réponse et une défense complètes. Je me suis ralliée à la position du représentant du membre visé. En conséquence, j’ai donné aux représentants de l’autorité disciplinaire certaines directives pour qu’ils obtiennent les renseignements en question auprès du Groupe de la responsabilité professionnelle et de l’autorité disciplinaire.

[11] Le 28 juillet 2023, lors de la quatrième conférence préparatoire, les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont assuré que le représentant du membre visé avait reçu l’intégralité du dossier du Groupe de la responsabilité professionnelle et tous les renseignements disponibles.

[12] Le 14 août 2023, lors de la cinquième conférence préparatoire, le représentant du membre visé m’a informée qu’il avait eu la possibilité d’examiner les renseignements fournis le 28 juillet 2023 ou avant cette date. Il a mentionné qu’il attendait encore les messages textes, les notes et les rapports de plusieurs témoins. Plus précisément, il manquait les courriels, les messages textes et les notes du gendarme MacDonald et du sergent d’état-major Lambe.

[13] En réponse, les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont assuré qu’ils avaient sollicité les documents à plusieurs reprises et que tout ce qui était en possession des témoins avait été remis. Ils ont souligné qu’ils n’avaient aucune raison de douter que les témoins n’avaient pas fourni tout ce qu’ils avaient en main.

[14] La sixième et dernière conférence préparatoire dans la présente affaire s’est tenue le 26 septembre 2023. Les parties ont confirmé qu’elles étaient prêtes à procéder à l’audience disciplinaire le 27 novembre 2023.

[15] Comme l’exige le processus disciplinaire, j’ai lu une copie de l’avis d’audience disciplinaire, le dossier d’enquête, la réponse du caporal Crowe aux allégations ainsi que la documentation supplémentaire admise dans la présente affaire. Ces documents sont désignés collectivement comme étant le « dossier ».

[16] L’audience disciplinaire s’est tenue à Calgary, en Alberta, du 27 novembre 2023 au 1er décembre 2023. J’ai entendu le témoignage de six personnes, dont le caporal Crowe.

[17] Le 1er décembre 2023, l’audience disciplinaire a été ajournée pour que deux témoins, le sergent d’état-major Lambe et le gendarme MacDonald, puissent produire les notes consignées dans leurs carnets pour la période allant du 1er au 31 mars 2021.

[18] Le 7 décembre 2023, le sergent d’état-major Lambe a indiqué qu’il ne trouvait pas son carnet de notes pour les dates en question.

[19] Le 8 décembre 2023, j’ai reçu les notes du gendarme MacDonald. J’en ai pris connaissance et je les ai caviardées avant de les remettre aux représentants.

[20] Les représentants ont confirmé que l’audience disciplinaire pouvait se poursuivre sans qu’il soit nécessaire de réinterroger les témoins.

[21] Le 16 janvier 2024, les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait savoir par écrit que l’autorité disciplinaire demandait le retrait des allégations 1, 2, 4, 5, 6 et 8. J’ai accédé à leur demande à cette date.

[22] Le 22 janvier 2024, j’ai entendu les observations orales des représentants sur les allégations 3 et 7.

[23] Le 2 février 2024, j’ai rendu oralement ma décision sur les allégations : l’allégation 7 était établie selon la prépondérance des probabilités, mais pas l’allégation 3.

[24] Le 6 février 2024, j’ai entendu les observations orales des représentants sur les mesures disciplinaires appropriées qui devaient être imposées dans cette affaire.

[25] Le même jour, j’ai rendu ma décision de vive voix à ce sujet, et j’ai imposé un avertissement en guise de mesure disciplinaire.

[26] La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

ALLÉGATIONS

[27] Les allégations énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire sont les suivantes :

[L’allégation 1 a été retirée le 16 janvier 2024.]

[L’allégation 2 a été retirée le 16 janvier 2024.]

Allégation 3

Le 5 mars 2021, ou vers cette date, à Sanirajak, ou dans les environs, dans le territoire du Nunavut, le gendarme Crowe a omis d’exécuter des ordres et des directives légitimes, en contravention avec l’article 3.3 du code de déontologie de la GRC.

Détails de l’allégation 3 :

21. Le 5 mars 2021, [le sergent d’état-major] Lambe et [le caporal] Collins sont arrivés au Détachement de Sanirajak.

22. [Le sergent d’état-major] Lambe est entré dans votre bureau et vous a ordonné d’enlever votre ceinturon de service. Vous n’avez pas obtempéré.

23. [Le sergent d’état-major] Lambe vous a également donné l’ordre direct de ne pas toucher à vos options d’intervention.

24. Vous avez mis la main sur votre pistolet. [Le sergent d’état-major] Lambe s’est approché de vous et a posé sa main sur la vôtre, puis il a retiré le pistolet et l’a remis au [caporal] Collins.

25. Vous avez donc omis d’exécuter cet ordre.

26. Vous n’avez pas exécuté l’ordre du [sergent d’état-major] Lambe d’enlever votre ceinturon de service.

27. Vous n’avez pas exécuté l’ordre du [sergent d’état-major] Lambe de ne pas toucher à vos options d’intervention.

28. Vous avez donc enfreint l’article 3.3 du code de déontologie de la GRC.

[L’allégation 4 a été retirée le 16 janvier 2024.]

[L’allégation 5 a été retirée le 16 janvier 2024.]

[L’allégation 6 a été retirée le 16 janvier 2024.]

Allégation 7

Le 2 mars 2021, ou autour de cette date, le caporal Ian Crowe a omis d’adopter une conduite envers toute personne empreinte de respect et de courtoisie, en contravention avec l’article 2.1 du code de déontologie de la GRC.

Détails de l’allégation 7 :

44. Le 2 mars 2021, vous vous trouviez avec [le gendarme] MacDonald et le gendarme de réserve MacKay au Détachement de Sanirajak.

45. Vous avez utilisé un langage vulgaire et offensant devant le [gendarme] MacDonald et le gendarme de réserve MacKay. Plus précisément, vous avez traité votre commandante de l’époque, [la surintendante principale] Amanda Jones, de [TRADUCTION] « P-L-O-T-T-E » (en épelant le mot anglais).

46. Vous admettez avoir utilisé ce langage grossier.

47. Par conséquent, vous avez enfreint l’article 2.1 du code de déontologie de la GRC.

[L’allégation 8 a été retirée le 16 janvier 2024.]

RÉSUMÉ DES FAITS ÉTABLIS PAR LE COMITÉ DE DÉONTOLOGIE

[28] Le 24 novembre 2023, après avoir pris connaissance de diverses modifications demandées par le représentant, j’ai publié une version modifiée du document Détermination des faits établis. Cette version modifiée[3] énonce les faits incontestés suivants sur lesquels les représentants sont d’accord :

  1. En mars 2020, le caporal Crowe a été promu au grade de caporal et transféré à Sanirajak, au Nunavut, en qualité de commandant de détachement.

  2. En juillet 2020 ou autour de cette date, à la suite d’une affaire distincte, le caporal Crowe a été temporairement réaffecté à des tâches administratives à Iqaluit.

  3. Le 25 septembre 2020 ou autour de cette date, le gendarme Rodney MacDonald a été nommé commandant de détachement par intérim du Détachement de Sanirajak en l’absence du caporal Crowe.

  4. En novembre 2020 ou autour de cette date, le caporal Crowe est retourné à Sanirajak, mais il est resté affecté à des tâches administratives qu’il devait accomplir chez lui jusqu’au 2 mars 2021, date à laquelle la commandante de la Division V, la surintendante principale Jones, l’a informé qu’il pouvait retourner immédiatement au travail.

  5. À toutes les dates pertinentes, le caporal Crowe était un membre régulier de la GRC affecté à la Division V, au Détachement de Sanirajak, dans le territoire du Nunavut.

  6. À toutes les dates pertinentes, le sergent d’état-major Denis Lambe était le supérieur hiérarchique direct du caporal Crowe.

  7. Le 2 mars 2021, le caporal Crowe s’est rendu au Détachement de Sanirajak, où étaient présents le gendarme MacDonald et le gendarme de réserve MacKay.

  8. Devant les deux membres, le caporal Crowe a traité la commandante de la Division V, la surintendante principale Jones, de [TRADUCTION] « P-L-O-T-T-E » (en épelant le mot anglais).

  9. Le 5 mars 2021, le sergent d’état-major Lambe et le caporal Travis Collins sont arrivés au Détachement de Sanirajak.

  10. Le sergent d’état-major Lambe a demandé au caporal Crowe d’enlever son ceinturon avant qu’ils commencent à discuter. Le caporal a alors tendu la main vers son pistolet fixé à son ceinturon de service.

  11. Le sergent d’état-major Lambe a posé sa main sur celle du caporal Crowe, puis a retiré le pistolet et l’a remis au caporal Collins. Une fois le pistolet enlevé, le caporal Crowe a bien retiré son ceinturon de service et l’a remis au sergent d’état-major Lambe.

LA PREUVE

[29] Le dossier dont je dispose comprend les déclarations transcrites de sept témoins interrogés; le rapport d’enquête relative au code de déontologie du 3 juin 2021 et ses 28 annexes; le rapport d’enquête complémentaire relative au code de déontologie du 28 février 2022 et trois autres déclarations de témoins, ainsi que neuf annexes et des copies de divers échanges de messages textes entre le caporal Crowe et le gendarme MacDonald.

[30] À l’audience disciplinaire, j’ai entendu les témoignages de six personnes, dont le caporal Crowe.

[31] Pour parvenir à mes conclusions sur les allégations 3 et 7, j’ai aussi pris en considération ma version modifiée du document Détermination des faits établis du 24 novembre 2023, de concert avec les témoignages de vive voix reçus à l’audience disciplinaire.

Les principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve

[32] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada, « […] la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. Mais, [répétons-le], aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment[4] ».

[33] Pour évaluer la crédibilité des six témoins, je dois me demander si chaque personne dit la vérité et si son témoignage est fiable (c’est-à-dire si le témoin est en mesure de percevoir correctement ce qu’il a observé et de s’en souvenir). Il est possible que je considère les propos d’un témoin sincères, mais non fiables. Je peux aussi accepter une partie ou la totalité de la déposition du témoin ou l’écarter au sujet d’un fait particulier[5].

[34] Je dois analyser l’incidence des contradictions dans un témoignage et décider si elles entachent la crédibilité du témoin lorsqu’elles sont évaluées dans leur totalité et au regard de l’ensemble de la preuve[6].

[35] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique souligne qu’un témoignage ne peut être évalué uniquement en fonction du comportement du témoin, c’est-à-dire sur le fait que ce dernier semble dire la vérité[7]. Le juge des faits doit plutôt se demander si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des faits.

[36] La question de savoir si le récit du témoin est vraisemblable est subjective, mais pour y répondre, il faut examiner l’ensemble de la preuve[8].

[37] À ce stade-ci, je me contenterai d’évaluer la crédibilité et la fiabilité de chaque témoin dont le témoignage concerne les allégations 3 et 7, puis de préciser les éléments des dépositions qui appuient mon évaluation. Les témoignages relatifs à chaque allégation seront examinés dans le cadre de mon analyse des allégations elles-mêmes.

Le sergent d’état-major Denis Lambe

[38] Le sergent d’état-major Lambe était le sous-officier-conseiller de district (DANCO) pour le district Est de la Division V. À ce titre, il supervisait les opérations des détachements et, par conséquent, les commandants de détachement du district Est, y compris le caporal Crowe, relevaient directement de lui.

[39] Le sergent d’état-major Lambe a décrit sa participation aux événements du 5 mars 2021, lorsqu’il s’est rendu au Détachement de Sanirajak pour escorter le caporal Crowe jusqu’à Iqaluit, où le caporal devait monter à bord d’un avion afin d’aller subir une évaluation psychologique à Ottawa.

[40] Au moment où j’ai rendu ma décision de vive voix sur les allégations, le 2 février 2024, le sergent d’état-major Lambe avait égaré le carnet où il avait consigné ses notes sur les événements de mars 2021. Cependant, il a déclaré avoir pris à l’époque des notes qu’il a utilisées pour rédiger un « rapport d’enquête », daté du 7 mars 2021, et affirmé que ce rapport reflétait la teneur de ses notes.

[41] Le témoignage du sergent d’état-major Lambe concorde avec les déclarations relatives au code de déontologie qu’il a faites le 31 mars 2021 et le 3 août 2021. J’ai conclu qu’il était un témoin crédible.

[42] Cependant, la fiabilité de son témoignage était discutable, car sa déposition différait considérablement, sur des points essentiels, des souvenirs du gendarme MacDonald et du contenu du « rapport d’enquête » qu’il a rédigé lui-même le 7 mars 2021 à partir de ses notes.

[43] Dans ce rapport, le sergent d’état-major Lambe déclare en effet avoir été informé par le gendarme MacDonald à 11 h 45, le 3 mars 2021, que le caporal Crowe avait traité la commandante de « C U Next Tuesday[9] » (expression anglaise dont les lettres initiales forment un mot vulgaire désignant une femme).

[44] Toutefois, dans son témoignage devant moi, le sergent d’état-major Lambe a déclaré :

[TRADUCTION]

Ian n’a pas épelé le mot. Il a prononcé le mot. Je pense donc qu’il est faux de dire qu’il l’a épelé. Il a utilisé le mot en question après la rencontre disciplinaire. Et Rodney a affirmé très clairement que le mot [TRADUCTION] « plotte » a été prononcé trois ou quatre fois, que le caporal a parlé de [TRADUCTION] « cette plotte » et qu’il a répété le mot plusieurs fois.

[45] Je souligne que le gendarme MacDonald a déclaré dans son témoignage que le caporal Crowe n’avait jamais utilisé le mot [TRADUCTION] « plotte », mais qu’il l’avait plutôt épelé.

[46] Un autre exemple d’incohérence entre le témoignage du sergent d’état-major Lambe et celui du gendarme MacDonald concerne le moment où le sergent d’état-major a été informé de cet incident. Le sergent d’état-major a en effet déclaré que c’est seulement dans l’après-midi du 3 mars 2021 que le gendarme MacDonald lui a signalé le commentaire déplacé du caporal Crowe. Ce détail était pertinent parce que le sergent d’état-major a envoyé un courriel au caporal Crowe vers 10 heures, le 3 mars 2021, pour lui souhaiter un bon retour au poste de commandant de Détachement de Sanirajak et l’informer qu’il se rendrait au détachement afin de lui donner des informations à jour et lui offrir son aide.

[47] Le gendarme MacDonald a déclaré de son côté avoir communiqué avec le sergent d’état-major Lambe avant 10 heures le 3 mars 2021 pour l’informer que le caporal Crowe avait traité la commandante de [TRADUCTION] « P-L-O-T-T-E » à deux reprises exactement.

[48] Par conséquent, le sergent d’état-major Lambe était un témoin crédible mais peu digne de foi en ce qui concerne les événements des 3 et 5 mars 2021.

Le caporal Travis Collins

[49] Au moment pertinent, le caporal Travis Collins était affecté au Détachement d’Iqaluit en tant que superviseur des opérations du groupe de Lutte fédérale contre le crime organisé et grave.

[50] Le sergent d’état-major Lambe a demandé au caporal Collins de l’accompagner au Détachement de Sanirajak afin de retirer le caporal Crowe de la communauté. Selon lui, le caporal Crowe avait fait des commentaires désobligeants sur la commandante et installé des logiciels espions sur les ordinateurs de la GRC, ce qui, conjugué à des « problèmes antérieurs », suscitait des inquiétudes chez lui au sujet de la santé mentale du caporal Crowe[10].

[51] Le caporal Collins a remis les notes qu’il avait consignées dans son carnet pour la période concernée à l’enquêteur du Groupe de la responsabilité professionnelle le 31 mars 2021 ou autour de cette date, en plus d’une déclaration orale.

[52] À mon avis, les éléments de preuve présentés par le caporal Collins étaient très crédibles et fiables. Le caporal a aussi offert un témoignage concordant avec sa déclaration et a répondu aux questions de façon claire et franche.

Le gendarme Rodney MacDonald

[53] En septembre 2020, le gendarme Rodney MacDonald a été nommé chef intérimaire du Détachement de Sanirajak en l’absence du caporal Crowe.

[54] Le 26 octobre 2020 ou autour de cette date, le caporal Crowe est retourné à Sanirajak, mais il est resté affecté à des tâches administratives.

[55] Malgré plusieurs demandes à cette fin, le gendarme MacDonald n’a remis aucun des messages textes ou courriels échangés entre lui et le caporal Crowe, le sergent d’état-major Lambe et l’inspecteur Macintosh avant l’audience disciplinaire visant le caporal Crowe, ni aucune note qu’il aurait prise à ce sujet. Il a maintenu qu’il avait fourni tout ce qu’il avait en sa possession.

[56] Cependant, lors de son témoignage à l’audience disciplinaire, le 28 novembre 2023, le gendarme MacDonald a admis qu’il avait pris des notes dans son carnet, mais que ce dernier était [TRADUCTION] « rangé quelque part ».

[57] Lorsqu’il a contre-interrogé le gendarme MacDonald, le représentant du membre visé s’est attardé longuement sur les raisons pour lesquelles le gendarme n’avait pas remis les messages textes échangés entre lui et le caporal Crowe, ni les notes inscrites dans son carnet de notes, pour la période de six mois en question, ni expliqué au moins pourquoi il n’avait plus ces documents en main.

[58] Le gendarme MacDonald a répondu qu’il avait dû mal comprendre la demande. Il pensait qu’on lui avait demandé s’il avait des messages textes au moment où on lui posait la question (le 6 juillet 2023). Or à cette date, il n’en avait aucun. Il a expliqué :

[TRADUCTION]

[…] je n’ai jamais participé à une affaire disciplinaire. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Je n’y ai pas beaucoup réfléchi. Les seules choses que j’ai jugées pertinentes – dans nos échanges – nos messages par courriel – les courriels qui ont été envoyés à l’inspecteur MacIntosh et les déclarations que j’ai faites au caporal Mesdor (nom transcrit au son) et au caporal Abbott, c’est ce qui serait utilisé, selon moi[11].

[59] Le représentant du membre visé a souligné qu’un policier comptant plus de 20 années de service sait, ou devrait savoir, qu’il appartient au poursuivant de déterminer ce qui est pertinent ou pas.

[60] Lorsque j’ai appris l’existence des notes inscrites dans le carnet, j’ai ordonné au gendarme MacDonald de remettre au plus tard le 8 décembre 2023 ses notes non caviardées couvrant la période du 1er au 31 mars 2021.

[61] Le 8 décembre 2023 ou autour de cette date, j’ai reçu une copie des notes consignées dans le carnet du gendarme MacDonald pour la période concernée. Je constate que le gendarme MacDonald n’a inexplicablement pris aucune note, quelle qu’elle soit, au sujet des événements des 2, 3 et 4 mars 2021 survenus au Détachement de Sanirajak.

[62] En outre, il a affirmé dans son témoignage qu’il ne possédait aucun message texte échangé entre lui et le caporal Crowe. Cependant, le représentant du membre visé a produit 36 pages de messages textes entre le gendarme MacDonald et le caporal Crowe allant du 12 juin 2020 au 5 mars 2021.

[63] Il ressort clairement de ces messages textes que le gendarme MacDonald et le caporal Crowe étaient initialement des collègues et que leur relation, aux yeux de toute personne extérieure, semblait s’être transformée en amitié.

[64] C’est le gendarme MacDonald qui a signalé le commentaire déplacé du caporal Crowe à l’inspecteur MacIntosh et au sergent d’état-major Lambe. Je constate que c’est lui également qui a affirmé que le caporal Crowe éprouvait peut-être des problèmes de santé mentale, qu’il était inquiet pour sa sécurité et celle d’autrui, que le caporal Crowe avait installé des logiciels espions sur les ordinateurs de la GRC au Détachement et qu’il avait menacé de causer des lésions corporelles au gendarme Tyson Richards.

[65] Ces allégations, dont aucune n’a été jugée fondée, ont amené le sergent d’état-major Lambe à se rendre au Détachement de Sanirajak, le 5 mars 2021, afin de retirer le caporal Crowe de la communauté et de l’envoyer à Ottawa pour y subir une évaluation de sa santé mentale.

[66] Un examen des notes inscrites dans le carnet du gendarme MacDonald pour le mois de mars 2021 a révélé que les seules notes qu’il a prises concernant ses préoccupations au sujet du caporal Crowe et les incidents de mars 2021 se limitaient au 5 mars 2021 : à partir de 11 heures, lorsqu’il est allé chercher le sergent d’état-major Lambe et le caporal Collins à l’aéroport, jusqu’à 0 h 40, moment où le caporal Crowe l’a appelé de chez lui pour s’excuser des mots offensants qu’il avait utilisés.

[67] Le gendarme MacDonald n’avait pas de notes, de courriels, de correspondance ou de documents qui auraient pu appuyer ou corroborer les allégations qu’il a formulées contre le caporal Crowe, à l’exception d’une déclaration dactylographiée préparée et transmise au sergent d’état-major Lambe au sujet du commentaire inapproprié fait le 2 mars 2021.

[68] En contre-interrogatoire, le gendarme MacDonald a admis que lui et le caporal Crowe avaient une relation qui l’amenait souvent chez ce dernier pour des repas des fêtes et qu’ils exprimaient tous deux leurs doléances dans des messages textes privés à propos de la bureaucratie de la GRC, messages où ils utilisaient parfois des termes offensants, mais qui n’étaient pas destinés à être rendus publics[12].

[69] Le représentant du membre visé a cherché à savoir pourquoi le gendarme MacDonald avait exprimé des inquiétudes sur la santé mentale du caporal Crowe et pourquoi, après avoir été informé par le sergent d’état-major Lambe du retour imminent du caporal Crowe à son poste de commandant de détachement, il avait déclaré qu’il ne pouvait pas travailler avec le caporal Crowe étant donné que, jusqu’au 3 mars 2021, il n’avait jamais travaillé avec lui en tant que policier.

[70] Le gendarme MacDonald a répondu en ces termes :

[TRADUCTION]

Ce n’est pas une question de travail, c’était à cause de conversations que nous avions eues au début de l’année 2021 et qui m’avaient rendu de plus en plus inquiet à cause des motifs qu’il invoquait pour justifier certaines de ses décisions, par exemple lorsqu’il s’était demandé s’il devait acheter – obtenir de l’équipement de hockey pour les enfants ou encore acheter des bonbons, et sa réponse n’avait pas de sens pour moi, alors j’ai pensé que l’année et demie qui s’en venait allait certainement être longue[13].

[71] Le représentant du membre visé a laissé entendre que le gendarme MacDonald pensait peut-être que ces deux initiatives étaient bonnes pour la communauté, alors que le caporal Crowe souhaitait examiner les conséquences plus larges pour la GRC, ce que le gendarme MacDonald ne jugeait pas nécessaire.

[72] Le gendarme MacDonald a répondu comme suit :

[TRADUCTION]

Je crois qu’il se retrouvait dans une situation qui lui déplaisait, où il se passerait quelque chose de positif sans qu’il n’y soit impliqué. C’est ce que je pense. Je ne crois pas – il n’est pas logique – que quelqu’un puisse considérer que l’achat d’équipement de hockey ou de cadeaux pour les enfants puisse être une mauvaise décision.

C’est encore une fois ce qui m’a fait penser que quelque chose clochait et que sa réaction n’était pas rationnelle. Cette réaction ne m’a pas semblé être celle d’une personne raisonnable. Et je me suis rappelé aussi d’autres conversations antérieures avec lui qui étaient bizarres.

C’était donc l’ensemble de tout ça qui m’a amené à déclarer au sergent d’état-major Lambe que je m’inquiétais pour [la santé mentale du caporal Crowe] et que je voulais vraiment être réaffecté ailleurs parce que je ne pensais pas pouvoir travailler pour ce gars-là pendant très longtemps[14].

[73] J’ai trouvé le témoignage du gendarme MacDonald peu sincère et égocentrique. Dans l’ensemble, j’estime qu’il n’était pas crédible. Cependant, je le prendrai en considération s’il est corroboré par d’autres témoignages ou documents.

Le caporal Ian Crowe

[74] Le caporal Crowe a témoigné devant moi les 29 et 30 novembre 2023. Il s’est exprimé de façon éloquente et directe.

[75] Le caporal Crowe a répondu directement et clairement aux questions en interrogatoire principal et lors de son contre-interrogatoire. Je souligne qu’il n’a pas été ébranlé pendant le contre-interrogatoire et que son témoignage n’a pas changé.

[76] J’estime que le caporal Crowe était un témoin très crédible et digne de foi.

ALLÉGATION 3 – NE PAS AVOIR EXÉCUTÉ UN ORDRE LÉGITIME

[77] Selon l’allégation 3, le 5 mars 2021 ou autour de cette date, à Sanirajak (Nunavut) ou dans les environs, le caporal Crowe a omis d’exécuter des ordres et des directives légitimes, en contravention avec l’article 3.3 du code de déontologie de la GRC.

La preuve relative à l’allégation 3

Le témoignage du sergent d’état-major Denis Lambe

[78] L’interrogatoire principal du sergent d’état-major Lambe s’est déroulé le 27 novembre 2023.

[79] Le sergent d’état-major a déclaré qu’il est entré dans le bureau du caporal Crowe et lui a demandé d’enlever son ceinturon de service, mais que le caporal lui a répondu [TRADUCTION] « Non, je refuse[15] ».

[80] Le sergent d’état-major a enjoint au caporal Crowe de retirer son ceinturon de service avant toute discussion et de [TRADUCTION] « ne pas toucher à [ses] options d’intervention[16] » au moins trois fois[17].

[81] Lorsqu’on lui a demandé si les membres réguliers apprennent comment retirer leur ceinturon de service, le sergent d’état-major Lambe a répondu qu’il n’y avait pas de méthode préétablie. Il a expliqué que certains membres, dont lui-même, dégainent d’abord leur pistolet, en retirent les cartouches, le rangent, puis enlèvent le ceinturon. Il a expliqué qu’au Nunavut, les membres n’ont généralement pas la possibilité de laisser leur pistolet au bureau puisqu’ils revêtent leur uniforme à leur résidence avant de se rendre au travail[18].

[82] Après que le caporal Crowe a répété plusieurs fois qu’il n’enlèverait pas son ceinturon de service et que c’était [TRADUCTION] « une connerie », le sergent d’état-major Lambe lui aurait déclaré : [TRADUCTION] « Je t’ordonne d’enlever ton ceinturon de service et de ne pas toucher à tes options d’intervention[19] ».

[83] À ce moment-là, le caporal Crowe a [TRADUCTION] « réfléchi un long moment » puis :

[TRADUCTION]

[…] il a mis la main sur son pistolet – il tire de la droite – il a posé la main sur son pistolet et il était sur le point de dégainer – selon moi, il allait sortir le pistolet de son étui. Là encore, c’était peut-être une réaction automatique […] mais pour éviter tout malentendu, toute mauvaise communication, j’ai tendu la main droite et je l’ai placée sur la main de Ian – du caporal Crowe, pardon – qui était posée sur son pistolet et je lui ai dit : [TRADUCTION] « Je vais te prendre ça. N’y touche pas. Je vais le prendre ». […] j’ai tendu la main, et il a enlevé la sienne presque immédiatement, et j’ai déboutonné son étui, j’ai enlevé le pistolet que j’ai saisi pour le passer ensuite dans ma main gauche et le poser à côté – sur une étagère à côté […], et le caporal Collins a enlevé les cartouches puis a mis le pistolet en sécurité[20].

[84] Le sergent d’état-major Lambe a déclaré que le caporal Crowe n’avait pas mis la main sur son pistolet de manière menaçante, qu’il s’agissait d’une réaction automatique. Pour éviter tout malentendu, le sergent d’état-major a expliqué qu’il avait stoppé le caporal dans son mouvement. Selon lui, le caporal Crowe avait alors pris la décision d’enlever son ceinturon de service[21].

[85] Le sergent d’état-major Lambe a pris le pistolet, puis le caporal Crowe a retiré son ceinturon et le lui a remis.

[86] Une fois le ceinturon de service remis au caporal Collins, le sergent d’état-major Lambe a ordonné au caporal Crowe de s’asseoir pour discuter. C’est à ce moment-là qu’il a informé le caporal Crowe de la raison de sa présence au détachement, en commençant par le commentaire inapproprié sur la commandante, et qu’il lui a annoncé qu’il était retiré de Sanirajak pour aller subir une évaluation psychologique.

[87] Le sergent d’état-major Lambe a déclaré que le caporal Crowe a accepté de se rendre à son domicile, de préparer quelques affaires et d’enlever son uniforme. Il a demandé au caporal Collins de l’escorter jusque chez lui, car il était en uniforme mais pas armé.

[88] Le sergent d’état-major Lambe a raconté dans son témoignage qu’il n’avait pas informé le caporal Crowe, lorsqu’il avait communiqué avec lui plus tôt dans la journée, de la véritable raison de sa visite à Sanirajak, c’est-à-dire ses conversations avec le gendarme MacDonald, où ce dernier avait affirmé avoir peur du caporal Crowe depuis le retour de celui-ci dans la collectivité en octobre 2020, et le fait que le caporal Crowe avait menacé de battre le gendarme Richards[22].

[89] En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Lambe a confirmé qu’il avait pris des notes, dans son carnet, sur les événements survenus du 2 au 5 mars 2021 et qu’il les avait remises à l’enquêteur du Groupe de la responsabilité professionnelle, le caporal Abbott. Il n’a toutefois pas apporté son carnet de notes à l’audience disciplinaire, car l’assignation à comparaître qu’il avait reçue ne l’exigeait pas. Interrogé par le comité de déontologie, il a admis que lorsqu’il se devait se rendre au tribunal pour une question opérationnelle quelconque, il n’était pas nécessaire qu’on lui rappelle d’apporter son carnet de notes[23].

[90] Lorsqu’il a été informé du commentaire déplacé du caporal Crowe sur la surintendante principale Jones, le sergent d’état-major Lambe en a fait part à cette dernière. Ils ont alors immédiatement discuté de la santé mentale du caporal Crowe et de la nécessité de lui faire subir une évaluation psychologique[24].

[91] Le sergent d’état-major Lambe a également admis qu’il avait intentionnellement induit le caporal Crowe en erreur sur l’objet de sa visite à Sanirajak. En revanche, il a confirmé qu’il avait avisé le gendarme MacDonald de sa présence en lui précisant qu’il allait retirer le caporal Crowe de la communauté[25].

[92] Quant à la manière dont il avait communiqué avec le gendarme MacDonald, le sergent d’état-major Lambe a déclaré qu’il l’avait fait par message texte ou par téléphone. Le représentant du membre visé a demandé au sergent d’état-major pour quelle raison il n’avait conservé aucun des messages textes échangés avec le gendarme MacDonald, alors qu’il savait dès le 5 mars 2021 qu’il y aurait une enquête disciplinaire. Il a répondu : [TRADUCTION] « Je n’ai pas de réponse à cette question[26].

[93] En contre-interrogatoire, le sergent d’état-major Lambe a confirmé qu’il s’était rendu aux toilettes à son arrivée au Détachement de Sanirajak. Lorsqu’il en est sorti et s’est dirigé vers le bureau du caporal Crowe, il a pu entendre ce dernier et le caporal Collins converser. Il a également admis que le caporal Crowe avait été induit en erreur puisqu’il croyait qu’ils étaient sur le point d’avoir une rencontre positive et que le sergent d’état-major était là pour le soutenir[27].

[94] Étant donné que le caporal Crowe n’avait pas été informé de quelque problème que ce soit, le sergent d’état-major Lambe a reconnu que le caporal avait dû être dérouté de le voir entrer dans son bureau et de se faire demander immédiatement d’enlever son ceinturon de service et de ne pas toucher à ses options d’intervention. En d’autres termes, il était normal, il l’a admis, que le caporal Crowe ait été surpris.

[95] En outre, le sergent d’état-major Lambe a reconnu que le caporal Crowe s’est demandé pourquoi il devait enlever son ceinturon de service étant donné qu’il n’avait aucune idée de la vraie raison pour laquelle le sergent d’état-major s’était rendu au détachement.

[96] Selon le sergent d’état-major Lambe, le caporal Crowe avait prononcé des mots comme [TRADUCTION] « Denis, on peut avoir une conversation sans que je retire mes options d’intervention[28] ». À ce moment-là, le sergent d’état-major a raconté s’être tourné vers le caporal Collins et lui avoir dit que le caporal Crowe désobéissait à un ordre direct.

[97] Le sergent d’état-major Lambe a confirmé que le caporal Crowe avait obtempéré dès qu’il a entendu le mot « ordre ».

[98] Lorsqu’il a été réinterrogé par les représentants de l’autorité disciplinaire, le sergent d’état-major Lambe a déclaré qu’il se souvenait d’avoir mentionné deux fois qu’il s’agissait d’un « ordre ». Il s’est exprimé ainsi dans son témoignage :

[TRADUCTION]

Après la première fois, le caporal Crowe refusait encore, et c’est alors que je me suis tourné vers le caporal Collins en lui disant : [TRADUCTION] « il désobéit à un ordre. Tu en es témoin. […]

Cependant, une fois que j’ai prononcé ces mots, je ne crois même pas avoir été obligé de répéter une deuxième fois avant qu’il s’exécute[29].

Le témoignage du caporal Travis Collins

[99] Le caporal Collins a témoigné le 28 novembre 2023. En mars 2021, il était affecté au Détachement d’Iqaluit au sein du groupe de Lutte fédérale contre le crime organisé et grave.

[100] Le caporal Collins a précisé que, le 5 mars 2021, le sergent d’état-major Lambe lui a demandé de se rendre au Détachement de Sanirajak. Il a appris que le caporal Crowe avait fait des remarques désobligeantes sur la commandante, qu’on s’inquiétait pour sa santé mentale en raison de certains événements passés[30] et qu’il reviendrait à Iqaluit avec lui et le sergent d’état-major Lambe.

[101] Le caporal Collins se souvenait que le gendarme MacDonald est venu les chercher à l’aéroport et les a conduits au Détachement de Sanirajak. À son arrivée au détachement, le sergent d’état-major Lambe s’est rendu aux toilettes pendant que lui s’est dirigé vers le bureau du caporal Crowe et est resté dans l’embrasure à bavarder avec ce dernier.

[102] Le sergent d’état-major Lambe est ensuite arrivé au bureau du caporal Crowe puis :

[TRADUCTION]

[…] [il m’a] contourné pour se rendre sur le côté du bureau. Il a salué le caporal Crowe en lui demandant comment il allait ou quelque chose du genre, puis lui a annoncé que nous étions – qu’il était là pour discuter de sujets très graves et qu’il voulait tout d’abord que le caporal Crowe enlève son ceinturon de service et ne touche à aucune de ses options d’intervention. Et le caporal Crowe a répondu qu’il refusait[31].

[103] Le caporal Collins a raconté que le caporal Crowe s’était levé et avait déclaré qu’il s’en allait mais que le sergent d’état-major Lambe lui avait répondu : [TRADUCTION] « Non, tu restes là. Je te demande d’enlever ton ceinturon de service. Et de ne toucher à aucune de tes options d’intervention[32] ».

[104] Lorsque le caporal Crowe a de nouveau refusé, le sergent d’état-major Lambe a regardé le caporal Collins et lui a dit [TRADUCTION] « tu vois qu’il n’obéit pas à un ordre? », ce à quoi le caporal Collins a répondu [TRADUCTION] « oui, j’en suis témoin[33] ».

[105] Le caporal Collins a raconté qu’à ce moment-là, le caporal Crowe a mis la main sur la crosse de son pistolet. Le sergent d’état-major Lambe a alors posé sa main sur l’étui puis a sorti l’arme à feu du caporal Crowe de son étui et l’a placée sur un classeur derrière lui. Le caporal Collins a récupéré le pistolet, l’a neutralisé et l’a remis au gendarme MacDonald, qui se trouvait dans l’embrasure de la porte du bureau[34].

[106] Le sergent d’état-major Lambe a remis le ceinturon de service du caporal Crowe au caporal Collins, qui l’a ensuite passé au gendarme MacDonald. Le caporal Collins a affirmé qu’il n’avait pas vu comment le ceinturon de service avait été détaché.

[107] En contre-interrogatoire, le caporal Collins a déclaré qu’il ne savait pas qu’on avait induit le caporal Crowe en erreur en lui faisant croire que le sergent d’état-major Lambe se rendait au Détachement de Sanirajak dans le cadre d’un transport de prisonniers et qu’il passerait le voir pour une rencontre positive[35].

[108] Le caporal Collins a admis qu’il n’est pas normal qu’un superviseur demande à une personne d’enlever son ceinturon de service ou ses options d’intervention avant d’avoir une discussion[36].

[109] Le caporal Collins ne se souvenait plus si le sergent d’état-major Lambe avait donné un quelconque motif au caporal Crowe avant de lui demander d’enlever son ceinturon de service. De plus, il a confirmé que les notes qu’il a prises au moment des événements n’indiquaient pas qu’on ait mentionné la tenue d’une enquête disciplinaire ou de tout autre type d’enquête avant que le caporal Crowe reçoive l’ordre d’enlever son ceinturon de service[37].

Le témoignage du gendarme Rodney MacDonald

[110] Le gendarme MacDonald a témoigné devant moi les 28 et 29 novembre 2023.

[111] En septembre 2020, le gendarme MacDonald a été nommé chef intérimaire du Détachement de Sanirajak, en l’absence du caporal Crowe.

[112] Le gendarme MacDonald a raconté que, le 2 mars 2021, il a reçu un appel téléphonique du sergent d’état-major Lambe l’informant que le caporal Crowe retournait au travail, car son ordre de réaffectation temporaire avait été révoqué par la surintendante principale Jones. Peu après, le caporal Crowe s’est rendu au Détachement de Sanirajak pour récupérer son pistolet et informer le gendarme MacDonald qu’il reprenait son poste de commandant de Détachement le matin suivant.

[113] Le gendarme MacDonald a déclaré que lui et le gendarme de réserve Jeff MacKay étaient présents dans l’aire ouverte du détachement lorsque le caporal Crowe est arrivé et a traité la commandante de la Division V de [TRADUCTION] « P-L-O-T-T-E ».

[114] Le gendarme MacDonald se rappelait que, le lendemain matin, soit le 3 mars 2021, avant 10 heures, il avait appelé le sergent d’état-major Lambe pour lui faire part de ce qui s’était passé la veille. Le sergent d’état-major l’aurait alors informé qu’il prévoyait se rendre à Sanirajak et s’occuper de la situation[38].

[115] Le gendarme MacDonald a expliqué qu’il n’avait pas eu d’autre interaction avec le sergent d’état-major Lambe le 3 mars 2021. Cependant, il a échangé de nombreux courriels avec l’inspecteur MacIntosh pour lui exprimer sa peur face au caporal Crowe et ses inquiétudes quant à la santé mentale de celui-ci.

[116] En ce qui concerne les événements du 5 mars 2021, le gendarme MacDonald a déclaré qu’il s’était rendu à l’aéroport à 11 heures pour aller chercher le sergent d’état-major Lambe et le caporal Collins. D’après ses notes, ils étaient arrivés au détachement à 11 h 07.

[117] Dès son arrivée au détachement, le caporal Collins s’est dirigé vers le bureau du caporal Crowe tandis que le sergent d’état-major Lambe s’est rendu aux toilettes. Le gendarme MacDonald a déclaré que le sergent d’état-major lui avait demandé de s’asseoir à sa place habituelle pendant la rencontre avec le caporal Crowe. Il a précisé que son bureau se trouvait dans l’aire ouverte, à côté du bureau du caporal, et qu’il pouvait entendre la majeure partie de ce qui se disait dans le bureau.

[118] Le gendarme MacDonald a entendu le sergent d’état-major Lambe tenir les propos suivants :

[TRADUCTION]

Il a dit [TRADUCTION] « On est ici pour discuter de choses graves », ou quelque chose du genre, [TRADUCTION] « et je te demanderais, pour ta sécurité et la mienne, d’enlever ton ceinturon sans toucher à ton arme à feu ou à tes autres options d’intervention ».

Et en l’espace de – je ne veux pas – je ne peux pas dire si c’était quelques secondes ou une demi-seconde, mais c’était très court, j’ai entendu le sergent d’état-major Lambe dire d’une voix forte : [TRADUCTION] « Ne touche pas à ton arme » ou [TRADUCTION] « Laisse ton arme[39] ».

[119] Le gendarme MacDonald a expliqué dans son témoignage qu’en se dirigeant vers le bureau du caporal Crowe, il a entendu le sergent d’état-major Lambe dire [TRADUCTION] « lâche ton arme » ou [TRADUCTION] « ne touche pas à ton arme ». Lorsqu’il a atteint la porte, il a entendu le caporal Crowe déclarer : [TRADUCTION] « Voyons donc, Denis[40] ».

[120] Arrivé à l’entrée du bureau du caporal Crowe, le gendarme MacDonald a vu ce dernier debout devant son fauteuil, dos à la porte et les mains en l’air, qui l’a regardé par-dessus son épaule droite et lui a demandé : [TRADUCTION] « Es-tu témoin de ça[41]? ».

[121] Selon le gendarme MacDonald, le sergent d’état-major Lambe aurait dit au caporal Collins quelque chose comme [TRADUCTION] « un refus d’exécuter un ordre direct ».

[122] À ce moment-là, le caporal Collins a remis un pistolet non chargé et un ceinturon de service au gendarme MacDonald, qui a placé le tout dans le casier des pièces à conviction.

[123] Le gendarme MacDonald a déclaré qu’au cours de la rencontre dans le bureau du caporal Crowe, il avait entendu le sergent d’état-major Lambe demander au caporal de lui remettre son ceinturon de service et que la première réaction du caporal Crowe avait été de lui répondre : [TRADUCTION] « Voyons donc, Denis[42]. »

[124] Selon le gendarme MacDonald, le sergent d’état-major Lambe a ensuite expliqué au caporal Crowe qu’il était venu au détachement parce qu’il y avait eu une plainte au sujet de sa santé mentale et qu’il avait traité la commandante de [TRADUCTION] « P-L-O-T-T-E ».

[125] Environ 10 minutes plus tard, à 11 h 19, le gendarme MacDonald a vu le caporal Collins escorter le caporal Crowe hors du détachement jusque chez lui. Le caporal Collins est ensuite revenu au détachement et a commencé à saisir les ordinateurs du détachement afin de les remplacer.

[126] Compte tenu des inquiétudes pour la santé mentale du caporal Crowe, le gendarme MacDonald a mentionné qu’il était surpris que le caporal ait été laissé seul à son domicile, où il possédait de nombreuses armes à feu, pendant que lui, le caporal Collins et le sergent d’état-major Lambe l’attendaient simplement au détachement.

[127] À la date de l’audience disciplinaire, le gendarme MacDonald n’avait pas remis les notes qu’il avait prises dans son carnet. Il a cependant fourni une déclaration dactylographiée non datée qui a été versée au dossier.

[128] En contre-interrogatoire, le gendarme MacDonald a déclaré que la déclaration dactylographiée non datée était une transcription des notes qu’il avait prises dans son carnet le 5 mars 2021, quelques minutes après l’interaction dans le bureau du caporal Crowe. Il a admis qu’il s’agissait du portrait le plus fidèle de ce dont il se souvenait. Dans ces notes, il n’a pas mentionné pas que le sergent d’état-major Lambe avait informé le caporal Crowe qu’ils devaient discuter de choses « graves » mais plutôt qu’ils devaient aborder [TRADUCTION] « certains sujets »; le sergent d’état-major avait ensuite demandé au caporal Crowe d’enlever son ceinturon de service[43].

[129] Le gendarme MacDonald a également confirmé en contre-interrogatoire que le sergent d’état-major Lambe avait informé le caporal Crowe des motifs de sa présence au détachement seulement après qu’il lui a retiré son pistolet et son ceinturon de service puis qu’il les a mis en sécurité dans la salle des pièces à conviction.

[130] Le gendarme MacDonald a admis qu’il n’était pas habituel qu’un superviseur demande à un membre d’enlever son ceinturon de service. Il n’avait jamais eu vent d’une telle demande en 23 années de service. De plus, il souligne que le caporal Crowe était malheureusement la seule personne au détachement à ne pas savoir ce qui se passait[44].

Le témoignage du caporal Ian Crowe

[131] Le caporal Crowe a témoigné devant moi les 29 et 30 novembre 2023.

[132] Il a raconté que, le 3 mars 2021, à 16 h 30, il a reçu un courriel du sergent d’état-major Lambe où ce dernier lui faisait savoir qu’il profiterait d’une escorte de prisonniers à Sanirajak pour passer le voir et discuter avec lui, maintenant qu’il était de retour au travail.

[133] Le caporal Crowe a déclaré qu’il avait été surpris et soulagé que le sergent d’état-major Lambe vienne le rencontrer, parce qu’il avait une foule de questions sur son rôle et qu’il n’avait jamais reçu la visite d’un DANCO depuis qu’il se trouvait à Sanirajak. Il a affirmé qu’il attendait avec impatience de pouvoir rencontrer le sergent d’état-major Lambe en personne.

[134] Selon le caporal Crowe, le 5 mars 2021, il est arrivé au détachement à 9 heures pour commencer son quart de travail. Il a préparé du café en attendant le sergent d’état-major Lambe.

[135] Il a raconté qu’avant l’heure du dîner, il a entendu le pilote annoncer par radio que l’avion amorçait son approche à l’aéroport, ce qui donnait au caporal le temps de se rendre à l’aéroport. Il a donc annoncé par radio qu’il allait à leur rencontre en leur demandant combien de véhicules étaient nécessaires, car il avait l’impression qu’ils escortaient un prisonnier. Le gendarme MacDonald lui a fait savoir par radio qu’il se trouvait déjà à l’aéroport et qu’il lui demanderait un véhicule supplémentaire au besoin[45].

[136] Le caporal Crowe a déclaré qu’après moins de dix minutes, il avait entendu la porte arrière du détachement s’ouvrir. Il était assis à son bureau, en train de siroter son café, et se réjouissait d’avoir une conversation avec le sergent d’état-major Lambe. Il a été déconcerté par la présence du caporal Collins, jusqu’à ce qu’il se souvienne qu’il s’agissait d’une escorte de prisonniers, ce qui nécessite deux membres.

[137] Le caporal Crowe a échangé quelques mots avec le caporal Collins et, peu après, le sergent d’état-major Lambe est entré dans son bureau. Selon le caporal Crowe :

[TRADUCTION]

Le sergent d’état-major Lambe est passé derrière mon poste en L et s’est placé directement à ma gauche, ce que j’ai trouvé intimidant puisque j’étais assis et qu’il était debout. Il s’est penché vers moi et m’a dit : [TRADUCTION] « Ian, avant que nous ayons une conversation, j’ai besoin que tu me donnes ton arme à feu et ton ceinturon de service ». Je n’avais jamais entendu ces mots – en fait, je les avais déjà entendus mais dans un contexte différent. Je n’avais pas entendu ces mots de la part du sergent d’état-major Lambe et je n’avais pas été avisé que nous devions avoir une conversation avant ce moment[46].

[138] Le caporal Crowe s’est souvenu avoir dit quelque chose comme :

[TRADUCTION]

Je le répète, je me sens vraiment mal à l’aise. Denis, je ne comprends pas. Toi et moi, on a vécu plein de choses. On se connaît depuis des années. Pourquoi on ne peut pas avoir une conversation sans que je sois obligé d’enlever mon ceinturon de service et mes options d’intervention[47]?

[139] Le caporal Crowe se souvenait que le sergent d’état-major Lambe lui avait répondu qu’ils devaient discuter de quelque chose de grave et qu’il voulait qu’il lui remette son ceinturon de service et son arme à feu.

[140] Le caporal Crowe a affirmé avoir de nouveau exprimé sa confusion en précisant que la situation lui semblait bizarre. C’est à ce moment-là, selon le caporal Crowe, que le sergent d’état-major Lambe s’est tourné vers le caporal Collins en lui demandant :

[TRADUCTION]

Caporal Collins, prenez en note que le caporal Crowe désobéit à un ordre légitime donné par son [sous-officier] et qu’il refuse de remettre son arme à feu et son ceinturon de service[48].

[141] Le caporal Crowe a raconté qu’il a alors pleinement saisi le sens des mots du sergent d’état-major Lambe, qu’il s’est arrêté un instant et a compris qu’on lui donnait un ordre; c’est à ce moment qu’il a mis la main gauche sur son ceinturon puis, de la main droite, il a commencé à en retirer le pistolet.

[142] Il a alors entendu quelqu’un le sommer de ne plus bouger, et le sergent d’état-major Lambe a saisi sa main droite, qu’il a écartée du pistolet. Le caporal se souvenait d’avoir levé les mains en l’air pour faire comprendre [TRADUCTION] « très clairement que je n’allais rien toucher et que je n’allais rien faire, et je suis resté figé à ce moment-là[49] ».

[143] Le sergent d’état-major Lambe a dégainé le pistolet du caporal Crowe et l’a remis au caporal Collins pour qu’il en retire les cartouches et le mette en sécurité. Le caporal Crowe a raconté qu’il avait ensuite retiré son ceinturon et l’avait remis au sergent d’état-major Lambe.

[144] Le caporal Crowe a déclaré avoir vu le gendarme MacDonald à l’extérieur de son bureau et lui avoir demandé d’être témoin de ce qui se passait, ce qui est conforme au témoignage du gendarme.

[145] Le caporal Crowe a déclaré que c’est à ce moment-là, en voyant l’expression sur le visage du gendarme MacDonald, qu’il s’est rendu compte que tout le monde dans la pièce était au courant de ce qui se passait, sauf lui.

[146] Il se souvenait que son ceinturon de service a été remis au gendarme MacDonald, qui s’est éloigné du bureau, puis que le sergent d’état-major Lambe lui a ordonné de s’asseoir afin qu’ils aient une conversation ensemble.

Conclusions relatives à l’allégation 3

[147] Pour démontrer qu’il y a eu contravention à l’article 3.3 du code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre;
  2. un ordre ou une directive légitimes ont été donnés de manière claire et précise par une personne d’un rang supérieur ou ayant l’autorité pour le faire;
  3. le membre a omis d’exécuter l’ordre ou la directive sans excuse légitime.

L’identité du membre

[148] L’identité du membre n’est pas remise en cause.

Un ordre donné de manière claire et précise

[149] J’ai entendu les témoignages des quatre membres qui étaient présents à Sanirajak le 5 mars 2021. Selon les notes brèves et incomplètes du gendarme MacDonald allant jusqu’au 5 mars 2021 et les notes du caporal Collins au sujet de l’événement, l’interaction a duré 12 minutes, soit de 11 h 07 à 11 h 19.

[150] En ce qui concerne la teneur de ce qui a été dit au caporal Crowe ce matin-là, le « rapport d’enquête » du sergent d’état-major Lambe du 7 mars 2021, qui aurait été rédigé à partir des notes prises le 5 mars 2021, indiquait ce qui suit :

[TRADUCTION]

[…] Le 5 mars 2021, le sergent d’état-major Lambe est arrivé au Détachement [de Sanirajak] accompagné du caporal Travis Collins. Le caporal Crowe se trouvait dans son bureau. Le sergent d’état-major Lambe et le caporal Collins sont entrés dans le bureau du caporal Crowe et le sergent d’état-major Lambe a informé ce dernier qu’avant toute discussion, il devait retirer son ceinturon de service. Le caporal Crowe a refusé, et le sergent d’état-major Lambe lui a de nouveau intimé d’enlever son ceinturon de service sans toucher à ses options d’intervention. Le caporal Crowe était visiblement troublé. Il a informé le sergent d’état-major Lambe qu’il s’en allait du détachement et ne l’écouterait pas. Le sergent d’état-major Lambe lui a demandé à nouveau d’enlever son ceinturon et de ne pas toucher à ses options d’intervention. Le caporal Crowe a commencé à dégainer son pistolet, mais le sergent d’état-major Lambe s’est approché et lui a saisi la main. Le caporal Crowe n’a pas résisté et pensait que cette manœuvre n’était pas nécessaire… il se peut qu’il ait voulu instinctivement retirer son pistolet avant d’enlever son ceinturon[50] […]

[151] Dans son témoignage devant moi, le sergent d’état-major Lambe a admis que le caporal Crowe n’avait aucune idée du motif de sa présence, puisqu’il lui avait intentionnellement caché l’objet réel de sa visite.

[152] Le sergent d’état-major Lambe a affirmé ce qui suit : [TRADUCTION] « Oui, je lui ai demandé d’enlever son ceinturon de service et il m’a immédiatement répondu qu’il ne le ferait pas ». Le sergent d’état-major a expliqué ensuite : [TRADUCTION] « Je lui ai demandé d’enlever son ceinturon et de ne toucher à aucune de ses options d’intervention […] J’ai répété cette directive au moins deux ou trois fois. Il a refusé[51]. »

[153] Toujours selon le témoignage du sergent d’état-major Lambe : [TRADUCTION] « […] J’ai dû finalement lui dire [TRADUCTION] ‘je te donne l’ordre d’enlever ton ceinturon de service et de ne pas toucher à tes options d’intervention’ ».

[154] Dans son « rapport d’enquête » du 7 mars 2021, le sergent d’état-major Lambe n’a jamais mentionné avoir prononcé les mots [TRADUCTION] « je te donne l’ordre ».

[155] Les notes prises par le gendarme MacDonald le 5 mars 2021 indiquaient ce qui suit :

[TRADUCTION]

[…] Je suis arrivé avec le sergent d’état-major Lambe et le caporal Travis […] nous sommes entrés dans le détachement @ 11 h 07 – j’ai entendu le sergent d’état-major demander à Ian d’enlever son ceinturon mais de ne pas toucher à son arme. J’ai ensuite entendu le sergent d’état-major lui dire de ne pas toucher à son arme, et Ian a répondu [TRADUCTION] « Voyons donc, Denis ». Mots du sergent d’état-major Lambe : [TRADUCTION] « C’est un ordre direct[52] […] »

[156] Si je mets en lumière ces quelques divergences, parmi une foule d’autres, c’est pour souligner que la fiabilité douteuse de ces deux témoins des représentants de l’autorité disciplinaire.

[157] Le caporal Travis Collins a été direct et franc, et il a remis ses notes à l’enquêteur du Groupe de la responsabilité professionnelle, notes qui font partie du dossier :

[TRADUCTION]

Le caporal Collins a écrit que le sergent d’état-major Lambe est entré dans le bureau et a dit : « Bonjour » et « Comment ça va? », ou une salutation semblable, puis il a annoncé que nous étions là pour – qu’il était là pour discuter de quelque chose de très grave et qu’il voulait tout d’abord que le caporal Crowe enlève son ceinturon de service et ne touche à aucune de ses options d’intervention[53].

[158] Le caporal Collins se rappelait qu’à un moment donné, le sergent d’état-major Lambe a déclaré : « Non, c’est sérieux. Je ne plaisante pas. Tu dois enlever ton ceinturon de service[54] ».

[159] En outre, le caporal Collins a raconté dans son témoignage devant moi que, le 5 mars 2021, le sergent d’état-major Lambe l’avait regardé et lui avait dit [TRADUCTION] « Prends en note qu’il désobéit à un ordre[55] », puis qu’à ce moment-là [TRADUCTION] « Ian a reculé et a mis la main sur la crosse de son arme à feu[56] ». À ce moment-là, le sergent d’état-major Lambe a saisi la main du caporal Crowe et a retiré le pistolet de l’étui pour le lui remettre[57].

[160] Cette version des faits correspond également aux souvenirs du caporal Crowe. C’est lorsque le sergent d’état-major Lambe s’est tourné vers le caporal Collins et a prononcé les mots : [TRADUCTION] « Caporal Collins, prenez note que le caporal Crowe désobéit à un ordre[58] » que le caporal Crowe a compris qu’on lui donnait un ordre et qu’il a obtempéré.

[161] Sur la base des éléments de preuve dont je dispose, j’estime que le sergent d’état-major Lambe, dans son interaction initiale avec le caporal Crowe, n’avait pas formulé un ordre clair et précis. Je suis d’accord avec l’argument des représentants, selon lequel un « ordre » n’exige pas de dire « ceci est un ordre ». Cependant, les mots utilisés doivent être clairs et sans équivoques.

[162] Le caporal Crowe était déconcerté, il ne comprenait pas pourquoi son superviseur, qui venait à Sanirajak pour lui souhaiter un bon retour au travail et lui offrir son soutien et son aide, lui enjoignait en arrivant d’ôter son ceinturon de service sans lui donner aucune autre explication. C’est seulement lorsque le sergent d’état-major Lambe a affirmé lui-même qu’il ne plaisantait pas puis s’est tourné vers le caporal Collins pour lui dire que le caporal Crowe refusait d’obéir, que la directive est devenue claire et sans équivoque.

[163] Je suis également d’accord avec le représentant du membre visé pour dire que le contexte est important. D’après moi, l’ensemble de ce malheureux incident découle d’une mauvaise gestion de la situation.

[164] Par conséquent, l’autorité disciplinaire n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que la directive qui a été formulée était claire, sans équivoque et constituait donc un ordre.

Le défaut d’exécuter un ordre

[165] Il convient de souligner que l’ensemble de l’interaction, à partir du moment où le sergent d’état-major Lambe est entré dans le détachement, s’est rendu aux toilettes, a demandé au caporal Crowe d’enlever son ceinturon de service, a mis le pistolet et le ceinturon de service en sécurité et a ensuite eu la « conversation sérieuse », s’est déroulée en 12 minutes.

[166] Je constate que, dans ce court laps de temps, une fois que le caporal Crowe a compris qu’on lui donnait un ordre, il s’y est conformé.

[167] Par conséquent, je conclus que l’allégation 3 n’a pas été établie selon la prépondérance des probabilités.

ALLÉGATION 7 – MANQUE DE COURTOISIE

[168] Selon l’allégation 7, le 2 mars 2021 ou autour de cette date, la conduite du caporal Crowe envers toute personne n’aurait pas été empreinte de respect et de courtoisie, ce qui est contraire à l’article 2.1 du code de déontologie de la GRC.

[169] Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC, comme l’ont souligné les représentants de l’autorité disciplinaire dans leurs observations, prévoit ce qui suit : « La conduite des membres envers toute personne est empreinte de respect et de courtoisie[59] », ce qui signifie que les membres doivent rester respectueux et courtois envers les autres employés et les membres du public.

[170] Les comportements irrespectueux ou discourtois vont du langage obscène ou grossier jusqu’à l’insulte ou un comportement inapproprié.

[171] Dans les affaires disciplinaires de la GRC, afin de démontrer qu’il y a eu « manque de respect ou de courtoisie » et donc contravention à l’article 2.1 du code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre;
  2. l’action, le commentaire ou le comportement que le membre visé est censé avoir fait ou adopté;
  3. le fait qu’une personne raisonnable considérerait ce comportement comme irrespectueux ou discourtois.

La preuve relative à l’allégation 7

Le témoignage du gendarme MacDonald

[172] C’est le 2 mars 2021 que le gendarme MacDonald a interagi pour la première fois en qualité de policier avec le caporal Crowe, lorsque ce dernier s’est présenté au détachement pour récupérer ses options d’intervention.

[173] Le gendarme MacDonald a raconté qu’il se trouvait dans l’aire ouverte du détachement avec le gendarme de réserve MacKay quand il a entendu la porte arrière du détachement se fermer puis a vu le caporal Crowe arriver dans le couloir et entrer dans le casier des pièces à conviction, où il a récupéré son arme à feu et son ceinturon de service qui y étaient rangés.

[174] Le caporal Crowe est ensuite arrivé dans l’aire ouverte et aurait tenu les propos suivants, d’après le témoignage du gendarme MacDonald :

[TRADUCTION]

Il a dit : « J’ai reçu l’ordre de revenir au travail ». Désolé, il a plus exactement dit « c’est la P-L-O-T-T-E qui m’a ordonné de reprendre le travail immédiatement ». Il a épelé le mot. Et je lui ai demandé : « Qu’est-ce que tu as dit? », parce que je ne savais pas – je n’avais pas – ça n’avait pas de sens pour moi qu’il dise quelque chose comme ça. Il a donc répété : « Oui, c’est la P-L-O-T-T-E qui m’a ordonné de revenir au travail ». Il a épelé le mot. « La P-L-O-T-T-E m’a ordonné de reprendre le travail immédiatement[60] ».

[175] Les faits relatés par le gendarme MacDonald ont été corroborés par une déclaration écrite, datée du 2 mars 2021, du gendarme de réserve MacKay, document qui a été versé au dossier.

[176] En contre-interrogatoire, le gendarme MacDonald a déclaré qu’il avait signalé le commentaire du caporal Crowe au sergent d’état-major Lambe au téléphone, vers 9 h 30, le 3 mars 2021[61]. Ce jour-là, à 12 h 26, le gendarme MacDonald a transmis sa version de l’incident du 2 mars 2021 par message texte au sergent d’état-major Lambe[62].

[177] Cependant, en réinterrogatoire, le gendarme MacDonald a reconnu à la demande des représentants de l’autorité disciplinaire qu’il était « possible » qu’il ait communiqué avec le sergent d’état-major Lambe après 10 heures, le 3 mars 2021[63].

[178] Pour préciser ce point, j’ai ensuite interrogé directement le gendarme MacDonald sur la chronologie des événements de la matinée du 3 mars 2021. Le gendarme a répondu à mes questions directes sur le temps de déplacement nécessaire pour se rendre en voiture au Réseau d’alerte avancé (DEW) avec le gendarme de réserve MacKay, pour appeler un collègue à Iqaluit et ensuite appeler le sergent d’état-major Lambe. Le témoignage a établi que, dans le pire des cas, il aurait téléphoné au sergent d’état-major Lambe à 9 h 45, le 3 mars 2021.

Le témoignage du caporal Ian Crowe

[179] Le caporal Crowe a remis sa réponse aux allégations prévue au paragraphe 15(3) le 27 janvier 2023. Il a admis les points 44, 45 et 46 contenus dans l’avis d’audience disciplinaire.

[180] Dans sa réponse, le caporal Crowe informait le comité de déontologie qu’après avoir tenu des propos inappropriés et avoir appris le 5 mars 2021 que la surintendante principale Jones avait été informée de son langage offensant, il l’avait appelée et avait laissé des excuses sur sa boîte vocale. La surintendante principale Jones l’a rappelé pour lui dire qu’elle avait bien reçu ces excuses.

[181] Quand il a témoigné devant moi, le caporal Crowe a mentionné qu’une enquête disciplinaire avait été ouverte contre lui en juillet 2020 sur la base d’allégations formulées par un subalterne, le gendarme Richards.

[182] À la suite de ces allégations, le caporal Crowe avait été temporairement réaffecté à des tâches administratives au Détachement d’Iqaluit jusqu’en octobre 2020, date à laquelle il a été autorisé à retourner au Détachement de Sanirajak pour y effectuer des tâches administratives en attendant l’issue de l’enquête disciplinaire.

[183] À un moment donné, il a été avisé qu’une rencontre disciplinaire aurait lieu le 2 mars 2021 entre lui-même et la commandante de la Division V.

[184] Le caporal Crowe s’est exprimé comme suit à l’audience disciplinaire :

[TRADUCTION]

Étrangement, j’avais très hâte de m’asseoir avec la surintendante principale Amanda Jones et de lui donner ma version de ce qui s’était produit aux dates visées par ces allégations. C’était la seule fois, depuis que j’avais été informé du déclenchement du processus disciplinaire, que quelqu’un me demandait vraiment ce qui s’était passé ce jour-là, à part mon conseiller juridique et mon syndicat. J’étais donc extrêmement content d’avoir cette occasion. J’étais en congé et impatient, car j’étais conscient qu’une fois le problème résolu, je reprendrais le travail rapidement en attendant d’éventuelles sanctions[64].

[185] La rencontre disciplinaire s’est déroulée virtuellement; la surintendante principale Jones se trouvait à Iqaluit et le caporal Crowe était assis dans sa cuisine à Sanirajak. Selon le caporal Crowe, la surintendante principale Jones a lu les allégations, puis l’a autorisé à s’exprimer. À l’audience disciplinaire, le caporal Crowe a affirmé ce qui suit :

[TRADUCTION]

J’avais déjà en tête les grandes lignes de ce que je voulais dire et de ce qui s’était passé ce jour-là. J’ai dit tout ce que j’avais à dire à l’autorité disciplinaire. Je crois avoir parlé durant sept minutes environ – entre sept et dix minutes. J’ai dit ce que j’avais besoin de dire. L’autorité disciplinaire m’a remercié et m’a dit : [TRADUCTION] « Donnez-moi environ une heure pour prendre une décision, puis je reviens[65] ».

[186] Le caporal Crowe a affirmé qu’il était convaincu, à la lumière des éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête, que la surintendante principale Jones estimerait qu’aucune des allégations formulées contre lui n’avait été établie selon la prépondérance des probabilités.

[187] Après environ une heure, la rencontre virtuelle a repris et la surintendante principale Jones a annoncé que toutes les allégations étaient à son avis établies. Elle a précisé que, même après avoir pris en considération le point de vue du caporal Crowe sur les événements, elle croyait la version du gendarme Richards et de son épouse.

[188] La surintendante principale Jones a immédiatement imposé une peine financière équivalente à deux jours de solde et a ordonné au caporal Crowe de rédiger un essai sur l’implication de la GRC dans l’abattage de chiens de traîneau inuits 70 années auparavant.

[189] Le caporal Crowe a déclaré que cette sanction lui avait donné l’impression [TRADUCTION] « d’être carrément méprisé – d’être renvoyé à l’école élémentaire et traité comme un enfant[66] ».

[190] La surintendante principale Jones a également informé le caporal Crowe qu’il devait reprendre immédiatement ses fonctions de commandant du Détachement de Sanirajak. Il s’est rendu sans attendre au détachement pour prendre son arme à feu et aviser le gendarme MacDonald qu’il retournerait au travail.

[191] Le caporal Crowe a admis avoir tenu des propos inappropriés lorsqu’il est entré dans le détachement et a expliqué :

[TRADUCTION]

[…] c’était comme si j’exprimais à un ami ma déception et ma frustration totales face au processus et à ce que j’ai vu comme un léger manque de respect de la part de la surintendante principale Jones dans ses sanctions, et je lui disais à quel point je n’avais pas eu l’impression que c’était positif et professionnel d’être traité comme un enfant[67].

Conclusions relatives à l’allégation 7

[192] Le caporal Crowe a admis avoir qualifié la surintendante principale Jones de [TRADUCTION] « P-L-O-T-T-E ». Peu après, il a appelé la surintendante principale pour s’excuser d’avoir utilisé ce terme.

[193] Le représentant du membre visé était d’accord avec les représentants de l’autorité disciplinaire pour dire que le mot est offensant et misogyne. Toutefois, il a fait valoir que l’article 2.1 du code de déontologie ne vise pas ce genre de situation. Il a soutenu que je devais évaluer ce commentaire à la lumière des circonstances – le caporal Crowe a prononcé le mot sous le coup de l’émotion, alors qu’il était profondément déçu que la surintendante principale Jones ait jugé établies les deux allégations d’infractions disciplinaires formulées contre lui. Il a communiqué sa frustration dans l’intimité du détachement à un ami de confiance, le gendarme MacDonald. Le caporal Crowe n’avait pas l’intention que son commentaire sorte des quatre murs du détachement, ou qu’il soit transmis ou communiqué à la surintendante principale Jones.

[194] En réfutation, les représentants de l’autorité disciplinaire ont souligné qu’il n’était pas pertinent de savoir si le caporal Crowe avait ou non l’intention de transmettre le commentaire à la surintendante principale Jones. Ils ont soutenu qu’il avait lancé cette insulte devant le gendarme MacDonald et aussi le gendarme de réserve MacKay, qui n’était pas un ami.

[195] À l’instar des représentants de l’autorité disciplinaire, je crois que l’intention du caporal Crowe n’a rien à voir avec la question que je dois trancher et que le caporal a fait ce commentaire devant une personne autre que celui qu’il croyait à l’époque être un « ami de confiance ».

[196] L’aveu du caporal Crowe, qui admet avoir utilisé le terme offensant à l’endroit de la surintendante principale Jones, concorde avec les documents dont je dispose, le témoignage du gendarme MacDonald et la déclaration du gendarme de réserve MacKay.

[197] Il est bien établi que les policiers sont assujettis à des normes de conduite plus élevées que le grand public. Les membres de la GRC doivent se conformer à leur code de déontologie, qu’ils soient en service ou non. En l’occurrence, le commentaire en question a été entendu sur le lieu de travail, par deux collègues, et a été prononcé par le commandant de détachement.

[198] Les deux premiers éléments du critère d’analyse d’une infraction à l’article 2.1 du code de déontologie, soit l’identité du membre et la nature du commentaire que le caporal Crowe est censé avoir fait, ne sont pas contestés.

[199] La troisième partie du critère servant à établir qu’il y a eu manquement à l’obligation de respect ou de courtoisie énoncée à l’article 2.1 du code de déontologie requiert une réponse à la question suivante : « Une personne objective et raisonnable dans la communauté considérerait-elle que ce commentaire est irrespectueux ou discourtois? »

[200] J’estime qu’une personne raisonnable, informée du commentaire et connaissant les réalités du travail policier en général et des réalités du travail à la GRC en particulier, jugerait que ce commentaire est répréhensible en raison de son caractère irrespectueux et discourtois.

[201] Par conséquent, j’estime que le commentaire du caporal Crowe était incontestablement grossier, sexiste et discourtois. Par conséquent, je conclus que l’allégation 7 est établie selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[202] Comme j’ai conclu que l’allégation 7 était établie, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, je dois « imposer une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence de circonstances atténuantes ou aggravantes[68] ».

Les principes juridiques applicables

[203] Le rapport de Ceyssens et Childs[69] décrit cinq principes fondamentaux à suivre pour établir une mesure disciplinaire à la suite d’une conclusion d’inconduite.

[204] Le premier principe énoncé est le suivant : « Une mesure disciplinaire doit pleinement obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires de la police[70] ». En outre, lorsque vient le temps de déterminer la sanction appropriée, ces objectifs supposent un équilibre entre divers intérêts, dont ceux « du public, de la GRC en tant qu’employeur, du membre à traiter équitablement et de ceux qui sont touchés par l’inconduite en cause[71] ».

[205] Je souligne que les pouvoirs accordés à un policier sont considérables; le public est en droit de s’attendre à ce que les membres de la GRC respectent les normes éthiques et professionnelles les plus élevées.

[206] Comme deuxième principe, il faut privilégier des mesures éducatives et correctives, s’il y a lieu[72].

[207] Le troisième principe est la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue; toutefois, cette présomption est réfutée dans les cas où l’intérêt public ou d’autres facteurs précis doivent prévaloir.

[208] Selon le quatrième principe, tel qu’il a été énoncé par la Cour suprême du Canada et les cours d’appel, une norme de conduite plus élevée s’applique aux policiers[73].

[209] Enfin, le cinquième principe est celui de la proportionnalité ou de la parité des sanctions[74]. Il oblige le comité de déontologie à recenser les « facteurs de proportionnalité pertinents », à évaluer ensuite chaque facteur de proportionnalité en tant que facteur atténuant, aggravant ou neutre et, enfin, à soupeser ou à apprécier de manière appropriée ces diverses considérations.

[210] Le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il ne soit pas normatif, vise à favoriser la parité des sanctions. Toutefois, il s’agit d’un « guide » qui doit donc être interprété au regard de l’évolution des normes sociales qui sont établies par la jurisprudence ou les politiques et lois applicables.

[211] Par ailleurs, bien que je ne sois pas liée par les décisions antérieures en matière disciplinaire, ces décisions peuvent fournir des indications quant aux sanctions appropriées pour une catégorie particulière de comportement.

Analyse des mesures disciplinaires

[212] Je commencerai par définir l’éventail des mesures appropriées, puis je passerai en revue les facteurs atténuants et aggravants. Je présenterai ensuite brièvement ma conclusion.

[213] En ce qui concerne l’éventail approprié de mesures disciplinaires, j’ai pris connaissance des arguments des représentants ainsi que de la jurisprudence présentée. J’estime que l’inconduite du caporal Crowe se situe au bas de l’échelle de gravité et que l’éventail approprié des sanctions applicables dans son cas s’étend d’un avertissement à une pénalité financière se situant entre 1 et 3 jours de solde.

Les facteurs aggravants

[214] Le mot « aggravation » est défini comme suit dans les dictionnaires :

[TRADUCTION]

Toute circonstance entourant la perpétration d’un crime ou d’un délit qui exacerbe la culpabilité ou la gravité ou amplifie les conséquences, et qui s’ajoute aux éléments essentiels du crime ou du délit lui-même[75] […]

[215] J’accepte seulement deux des quatre facteurs aggravants énoncés par les représentants de l’autorité disciplinaire :

  1. Premièrement, la nature du commentaire lui-même, soit l’utilisation d’un terme indigne d’un professionnel, offensant et misogyne à l’endroit de la commandante de la Division V.

  2. Deuxièmement, le fait que le caporal Crowe, en qualité de commandant de détachement, a fait ce commentaire au détachement devant deux subalternes.

Le facteur neutre

[216] Je rejette l’argument des représentants de l’autorité disciplinaire selon lequel le fait que la surintendante principale Jones ait conclu, le 2 mars 2021, que deux infractions au code de déontologie avaient été établies contre le caporal Crowe constituait un facteur aggravant.

[217] Je rappelle que ces conclusions et les mesures disciplinaires imposées font l’objet d’un appel. Par conséquent, je considère cette inconduite antérieure comme un facteur neutre.

Les facteurs atténuants

[218] Je souligne que ces facteurs ne servent pas à justifier ou à excuser l’infraction, mais qu’ils peuvent être pris en considération, par souci d’équité envers le membre visé, afin de réduire la sévérité de la sanction imposée et d’ainsi sanctionner l’inconduite comme il se doit.

[219] Premièrement, le caporal Crowe a admis sa faute à la première occasion dans le cadre du processus disciplinaire. De même, il a pris les devants pour communiquer avec la surintendante principale Jones et s’excuser de ses commentaires inappropriés dans les jours qui ont suivi son inconduite.

[220] Deuxièmement, le caporal Crowe possède des antécédents professionnels supérieurs à la moyenne, ce dont témoignent ses évaluations annuelles, et une éthique de travail exceptionnelle.

[221] Troisièmement, d’après tous les témoignages, le caporal Crowe a perdu momentanément son sang-froid ou cédé à un accès de colère qui ne lui ressemblait pas du tout. J’accepte l’argument du représentant du membre visé selon lequel le caporal Crowe a perdu son calme parce qu’il avait été profondément déçu d’apprendre que deux allégations d’inconduite avaient été établies contre lui. Ces facteurs n’excusent pas son comportement mais il reste que, comme l’a fait remarquer le représentant du membre visé, le contexte est important.

[222] Quatrièmement, je suis convaincue que le risque de récidive est minime.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[223] Lorsque je soupèse les facteurs aggravants et les circonstances atténuantes, que je considère l’impact du processus disciplinaire sur le caporal Crowe et le fait que, à mon avis, cette affaire n’aurait jamais dû être portée devant un comité de déontologie, je conclus que la mesure disciplinaire appropriée est un avertissement, ce que constitue la présente décision.

[224] En outre, si j’avais le pouvoir de le faire, je recommanderais fortement que le caporal Crowe soit transféré hors de la Division V, car cet environnement ne lui a pas apporté de soutien et ne lui a pas permis de s’épanouir ou d’être apprécié pour son dévouement et son engagement à l’égard de la GRC.

[225] Pour conclure, je me sens obligée de faire un commentaire sur la manière dont les procédures en l’espèce ont été menées. Tout juste avant la présentation des observations sur les allégations, les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont demandé de retirer six des huit allégations.

[226] Je constate qu’à partir du moment où j’ai été nommée au comité de déontologie, en juin 2022, il y a eu six conférences préparatoires. Tout au long du processus, j’ai interrogé les représentants de l’autorité disciplinaire au sujet de la suffisance des éléments de preuve contenus dans le dossier. Malgré tout, ils ont insisté pour présenter les huit allégations.

[227] Lorsqu’il est engagé en tant que représentant de l’autorité disciplinaire, le rôle d’un avocat n’est pas principalement de chercher à obtenir une conclusion de contravention au code de déontologie, mais bien de veiller à ce que justice soit faite.

[228] Je fais miens les propos du président Annetts :

[62] Dans le contexte des audiences disciplinaires de la GRC, cela signifie que l’autorité disciplinaire doit continuellement évaluer les éléments de preuve pour veiller à ce qu’il y ait une probabilité raisonnable que l’on établisse qu’une infraction au Code de conduite a été commise. Sinon, on doit mettre fin à la poursuite. Il n’est pas approprié qu’une autorité disciplinaire évite cette responsabilité et qu’elle laisse le comité de déontologie tirer cette conclusion inévitable[76].

[229] Le retrait de six allégations sur huit après la phase de dépôt des allégations, en raison de l’insuffisance de la preuve, laisse croire qu’une telle évaluation n’a pas été faite, et il s’agit là, franchement, d’une façon inappropriée de fonctionner.

CONCLUSION

[230] J’impose par la présente :

  • Un avertissement prévu à l’alinéa 3(1)a) des Directives du commissaire (déontologie), DORS/2014-291.

[231] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’alinéa 23(1)b) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[232] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de la décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au caporal Crowe, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

Le 23 octobre 2024

Louise Morel

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] Le gendarme Rodney MacDonald a pris sa retraite de la GRC avant l’audience disciplinaire de novembre 2023. Cela dit, il sera désigné par son grade au moment des incidents tout au long de la présente décision.

[2] Le sergent d’état-major Denis Lambe a été promu au grade d’inspecteur avant l’audience disciplinaire de novembre 2023. Cela dit, il sera désigné par son grade au moment des incidents tout au long de la présente décision.

[3] Comme six des huit allégations ont été retirées après que cette version modifiée a été rédigée et remise aux représentants, je n’exposerai que les faits relatifs aux allégations 3 et 7.

[4] F H c McDougall, 2008 CSC 53 [McDougall] au para 46.

[5] R c REM, 2008 CSC 51 au para 65.

[6] McDougall, au para 75.

[7] Faryna c Chorny, (1952) 2 DLR 354 à la p 357.

[8] McDougall, au para 58.

[9] Pièce 3 du représentant de l’autorité disciplinaire – Rapport d’enquête daté du 7 mars 2021.

[10] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, témoignage du caporal Collins, page 55, lignes 17 à 24.

[11] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, témoignage du gendarme MacDonald, page 54, ligne 24, et page 55, ligne 6.

[12] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, pages 11 à 13.

[13] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 20, lignes 16 à 25.

[14] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 21, ligne 21, et page 22, ligne 13.

[15] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 32, lignes 5 à 7.

[16] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 33, ligne 25, et page 34, ligne 3.

[17] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 40, lignes 4 à 5.

[18] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 33, lignes 1 à 11.

[19] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 34, lignes 12 à 17.

[20] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 35, lignes 1 à 19.

[21] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 37, lignes 5 à 15.

[22] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 80, lignes 1 à 11.

[23] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 184, lignes 22 à 25.

[24] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, pages 177 et 178.

[25] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 205.

[26] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 205, lignes 16 à 23.

[27] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 228, lignes 4 à 19.

[28] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 234, lignes 21 à 25.

[29] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 36, lignes 19 à 22, et page 37, lignes 3 à 5.

[30] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 55, ligne 19.

[31] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 57, lignes 4 à 12.

[32] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 60, lignes 10 à 13

[33] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 60, lignes 16 à 17.

[34] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 62, lignes 1 à 24.

[35] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 106, lignes 1 à 5.

[36] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 106, lignes 15 à 19.

[37] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 114, lignes 4 à 11.

[38] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 180, ligne 15, jusqu’à la page 181, ligne 1.

[39] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 195, lignes 8 à 17.

[40] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 200, ligne 23, jusqu’à la page 201, ligne 7.

[41] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 201, lignes 7 à 12.

[42] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 200, lignes 11 à 21.

[43] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 72, ligne 24, jusqu’à la page 73, ligne 15.

[44] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 74, lignes 1 à 10.

[45] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 191, ligne 12, jusqu’à la page 192, ligne 15.

[46] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 194, lignes 2 à 11.

[47] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 195, lignes 3 à 7.

[48] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 195, lignes 18 à 22.

[49] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 197, lignes 6 à 8.

[50] Pièce 3 du représentant de l’autorité disciplinaire – Rapport d’enquête daté du 7 mars 2021.

[51] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 1, 27 novembre 2023, page 32, lignes 5 à 17.

[52] Carnet du gendarme R MacDonald, note du 5 mars 2021.

[53] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 57, lignes 2 à 11.

[54] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 57, lignes 14 à 15.

[55] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 60, lignes 16 à 17.

[56] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 60, lignes 19 à 20.

[57] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 62, lignes 8 à 11.

[58] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 195, lignes 18 à 22.

[59] Guide des mesures disciplinaires, novembre 2014, page 14.

[60] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 2, 28 novembre 2023, page 167, lignes 7 à 15.

[61] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 35, lignes 6 à 13.

[62] Pièce 1 du représentant du membre visé – Recueil de documents du membre visé, onglet 2.

[63] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 99, ligne 7, jusqu’à la page 100, ligne 9.

[64] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 169, ligne 19, jusqu’à la page 170, ligne 5.

[65] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 170, ligne 20, jusqu’à la page 171, ligne 2.

[66] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 172, lignes 7 à 15.

[67] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, 29 novembre 2023, page 174, lignes 13 à 18.

[68] Guide des mesures disciplinaires, novembre 2014, page 4.

[69] Paul Ceyssens et W Scott Childs, Phase 1 – Rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, daté du 24 février 2022 [le rapport de Ceyssens et Childs].

[70] Rapport de Ceyssens et Childs, page 21, paragraphe 4.1.

[71] Le commandant de la Division K et le gendarme Ryan Deroche, 2022 DAD 13 au para 82.

[72] Loi sur la GRC, art 36.2e).

[73] Montréal (Ville) c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48 aux para 33 et 86.

[74] Rapport de Ceyssens et Childs, page 27, paragraphe 7.1.

[75] D’après la définition anglaise du terme « aggravation » dans le Black's Law Dictionary, 2nd Edition, 4 novembre 2011, en ligne à https://thelawdictionary.org/aggravation/.

[76] Commandant de la Division E et Inspecteur Sukhjit Manj, 2019 DARD 20 au para 62.

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