Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contenait deux contraventions présumées au Code de déontologie de la GRC : la première en vertu de l’article 4.6 et la seconde en vertu de l’article 7.1. Il est allégué que le membre visé a accédé à une base de données de la GRC à des fins non autorisées et qu’il a utilisé les informations ainsi obtenues pour contacter des témoins pour des raisons personnelles.
Avant le début de l’audience disciplinaire, l’autorité disciplinaire a retiré la deuxième allégation. Les parties ont ensuite produit conjointement un exposé conjoint des faits, dans lequel le membre visé a admis l’allégation restante.
Le 10 mars 2025, le Comité de déontologie a rendu de vive voix sa décision, dans laquelle il indique que l’allégation est établie. L’affaire a fait l’objet d’une audience contestée sur les mesures disciplinaires.
Le 11 mars 2025, le Comité de déontologie a rendu sa décision de vive voix sur les mesures, imposant les mesures disciplinaires suivantes :
a. la confiscation de 10 jours de salaire, qui prendra la forme de la confiscation de 7 jours de solde et de 3 jours de congé annuel;
b. une rétrogradation au grade de sergent pour une période de 9 mois, à compter de la date à laquelle le membre visé reprend activement ses fonctions;
c. l’impossibilité pour le membre visé d’occuper un poste de niveau supérieur pendant la période de rétrogradation.

Contenu de la décision

Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité des témoins.

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AUDIENCE DISCIPLINAIRE

DANS L’AFFAIRE INTÉRESSANT LA

LOI SUR LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

ENTRE :

l’autorité disciplinaire désignée pour la Division K

Autorité disciplinaire

et

le sergent d’état-major, la sergente d’état-major

[Matricule XXXXX]

Membre visé

Décision du comité de déontologie

Colin Miller, Comité de déontologie

Le 21 mars 2025

Pierre Olivier Lemieux et Eric Blenkarn, représentants de l’autorité disciplinaire

John Benkendorf, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 1

INTRODUCTION 2

Ordonnance de non‑publication 5

ALLÉGATION ET FAITS ÉTABLIS 5

Décision sur l’allégation 8

MESURES DISCIPLINAIRES 9

Application du Guide sur les mesures disciplinaires 11

Analyse 13

Équilibre entre les intérêts 13

Facteurs de proportionnalité 14

Possibilité de réforme ou de réhabilitation 16

Effets sur le membre visé et sa famille 17

Parité (uniformité des décisions) 17

Dissuasion spécifique et générale 17

Conclusion 18

Proposition conjointe 18

Décision sur les mesures disciplinaires 21

CONCLUSION 22

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire contenait deux contraventions présumées au Code de déontologie de la GRC : la première en vertu de l’article 4.6 et la seconde en vertu de l’article 7.1. Il est allégué que le membre visé a accédé à une base de données de la GRC à des fins non autorisées et qu’il a utilisé les informations ainsi obtenues pour contacter des témoins pour des raisons personnelles.

Avant le début de l’audience disciplinaire, l’autorité disciplinaire a retiré la deuxième allégation. Les parties ont ensuite produit conjointement un exposé conjoint des faits, dans lequel le membre visé a admis l’allégation restante.

Le 10 mars 2025, le Comité de déontologie a rendu de vive voix sa décision, dans laquelle il indique que l’allégation est établie. L’affaire a fait l’objet d’une audience contestée sur les mesures disciplinaires.

Le 11 mars 2025, le Comité de déontologie a rendu sa décision de vive voix sur les mesures, imposant les mesures disciplinaires suivantes :

  1. la confiscation de 10 jours de salaire, qui prendra la forme de la confiscation de 7 jours de solde et de 3 jours de congé annuel;
  2. une rétrogradation au grade de sergent pour une période de 9 mois, à compter de la date à laquelle le membre visé reprend activement ses fonctions;
  3. l’impossibilité pour le membre visé d’occuper un poste de niveau supérieur pendant la période de rétrogradation.

INTRODUCTION

[1] Le 12 septembre 2022, Mme S.S. s’est plainte que sa fille, J.S., avait été agressée sexuellement par le fils du membre visé. Mme S.S. hésitait à porter plainte, sachant que l’accusé était le fils d’un membre de la GRC; elle a néanmoins déposé sa plainte. En conséquence, une enquête criminelle a été lancée et un fichier SIRP (Système d’incidents et de rapports de police) a été créé sans que l’identité des plaignants y soit inscrite, au cas où le fichier aurait été consulté de manière inappropriée.

[2] Le 13 septembre 2022, un indicateur a été ajouté au fichier SIRP afin de consigner l’identité de toute personne qui y accède. Des déclarations ont ensuite été obtenues de Mme S.S. et de J.S., et leurs informations personnelles ont été ajoutées au dossier SIRP.

[3] Le 14 septembre 2022, il a été constaté que le membre visé avait accédé au fichier SIRP à plusieurs reprises sans aucune raison opérationnelle.

[4] Le 5 octobre 2022, une enquête en vertu du Code de déontologie de la GRC a été lancée pour se pencher sur les actes du membre visé, en application du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R‑10 [Loi sur la GRC].

[5] Au cours de l’enquête criminelle, on a appris que le membre visé avait contacté plusieurs témoins. En conséquence, ces informations ont été portées à l’attention d’une autorité disciplinaire, qui a demandé que les actes du membre visé en ce qui a trait aux témoins fassent également l’objet d’une enquête.

[6] Le 30 mars 2023, le membre visé s’est vu signifier une lettre de mandat modifiée, qui comprenait une deuxième allégation à cet effet.

[7] Le 11 septembre 2023, l’autorité disciplinaire a soumis une demande de prorogation de délai en vertu du paragraphe 47.4(1) de la Loi sur la GRC à l’officier désigné, demandant une prolongation de la période de prescription pour la convocation d’une audience disciplinaire. Le 5 octobre 2023, l’officier désigné a accordé à l’autorité disciplinaire une prolongation jusqu’au 15 janvier 2024.

[8] Le 21 décembre 2023, l’autorité disciplinaire a signé un avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire. Le 22 décembre 2023, un Comité de déontologie a été créé en application du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada.

[9] L’avis d’audience disciplinaire a été signé par l’autorité disciplinaire le 10 avril 2024 et signifié au membre visé le 29 avril 2024, en même temps que le dossier d’enquête.

[10] Le 14 juin 2024, le membre visé a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Il a admis les deux allégations, y compris leurs détails; cependant, il a fourni des explications pour mettre en contexte les détails 17 et 18.

[11] Le 29 août 2024, à la suite de changements administratifs, j’ai été nommé à titre de comité de déontologie.

[12] Le 27 février 2025, une conférence préparatoire à l’audience s’est tenue, au cours de laquelle les parties ont indiqué qu’elles s’engageaient dans des discussions en vue d’une résolution. Plus précisément, le représentant du membre visé m’a informé qu’à la suite de l’enquête disciplinaire complémentaire, le membre visé n’admettait plus la deuxième allégation.

[13] Le 5 mars 2025, l’autorité disciplinaire a retiré la deuxième allégation. Les parties ont par la suite convenu que ce cas serait traité par vidéoconférence, étant donné que le membre visé était le seul témoin appelé à comparaître lors de la phase de l’audience sur les mesures disciplinaires.

[14] Le 7 mars 2025, j’ai reçu une proposition d’exposé conjoint des faits de la part des parties. Toutefois, une audience contestée concernant les mesures disciplinaires était toujours requise.

[15] Le 10 mars 2025, l’audience disciplinaire a débuté en mode virtuel.

[16] Au début de l’audience disciplinaire, les parties ont confirmé qu’elles souhaitaient que l’exposé conjoint des faits remplace les détails de l’allégation figurant dans l’avis d’audience disciplinaire. En conséquence, avec l’accord des parties, j’ai intégré l’exposé conjoint des faits dans la détermination des faits établis, comme indiqué dans la présente décision.

[17] Les parties ont également indiqué qu’elles étaient parvenues à un accord concernant la confiscation de salaire qui ferait partie des mesures disciplinaires proposées; toutefois, elles n’ont pas pu se mettre d’accord sur la durée de la rétrogradation proposée.

[18] Les 10 et 11 mars 2025, j’ai rendu de vive voix ma décision concernant l’allégation et celle concernant les mesures disciplinaires. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

Ordonnance de non‑publication

[19] En vertu de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, j’ordonne que soit interdite la publication ou la diffusion, de quelque façon que ce soit, de tout renseignement qui pourrait permettre d’établir l’identité des témoins.

[20] Afin de protéger l’identité du fils du membre visé, qui était mineur au moment de l’incident, l’identité du membre visé est également interdite de publication.

ALLÉGATION ET FAITS ÉTABLIS

[21] La détermination des faits établis se lit comme suit :

Allégation 1 : Entre le 13 septembre et le 15 septembre 2022, à [caviardé] ou à proximité de cette ville, dans la province de l’Alberta, [le membre visé] n’a pas utilisé les biens fournis par l’État seulement pour les fins et les activités autorisées dans l’exercice de ses fonctions, en contravention de l’article 4.6. du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits :

1. Les éléments de preuve pertinents montrent que [le membre visé] a utilisé à mauvais escient de l’équipement et des biens fournis par le gouvernement, notamment en accédant à la base de données [SIRP] de la GRC dans le cadre de l’enquête sur l’agression sexuelle impliquant [son] fils, pour des raisons personnelles.

2. [Le membre visé] n’était pas un agent impliqué dans l’enquête concernant [son] fils. Il n’avait aucune raison autorisée ou liée à ses fonctions pour accéder à la base de données SIRP de la GRC concernant l’enquête sur l’agression sexuelle impliquant [son] fils.

3. [Le membre visé] est membre de la GRC depuis décembre 2000 et travaille pour le [caviardé] depuis décembre 2012.

4. Le 12 septembre 2022, Mme S.S. a déposé une plainte alléguant que sa fille avait été agressée sexuellement par le fils du [membre visé]. Le dossier SIRP 2022-[XXXXXXX] a été créé et la gendarme [J.S.] a été désignée comme enquêteur principal. Le 13 septembre 2022, [Mme S.S.] a fait une déclaration à la police.

5. L’agression sexuelle présumée impliquant le fils [du membre visé] et sa petite amie de l’époque se serait produite au cours d’une fête où il était en état d’ébriété. [Le membre visé] craignait qu’il se soit passé quelque chose étant donné l’état d’ébriété de son fils et lui a demandé d’appeler un certain nombre de ses amis qui n’étaient pas en état d’ébriété à ce moment-là.

6. Les témoins potentiels contactés sont L.H., I.S. et J.B. L.H. et I.S. Ils n’ont pas été informés que [le membre visé] écoutait les appels; toutefois, au cours de la conversation avec J.B., [le membre visé] a demandé à J.B. ce dont il se souvenait de cette nuit-là.

7. Les 13 et 14 septembre 2022, à l’aide de [son] ordinateur portable fourni par la GRC, [le membre visé] a accédé au dossier SIRP 2022-[XXXXXXX]. Il a notamment accédé aux informations suivantes :

a) l’onglet Personne qui a conduit [le membre visé] à l’écran de déclaration de la victime;

b) l’onglet Incident qui a conduit [le membre visé] à l’écran Implications;

c) le rapport général d’incident qui a conduit [le membre visé] au rapport général de la gendarme [J.S.];

d) le rapport complémentaire pour le rapport Zebra sur la protection de l’enfance;

e) le registre des contacts;

f) les entrées « Personnes »;

g) l’onglet Implication et l’onglet Contact.

8. Le 13 septembre 2022, [le membre visé] a envoyé un courriel à la gendarme [J.S.] pour l’informer qu’il avait noté qu’un dossier SIRP avait été créé et que [son] fils serait disponible pour discuter de cette fausse allégation d’agression sexuelle. Selon la gendarme [J.S.], elle n’a pas répondu au courriel du [membre visé] et l’a transmis à l’inspecteur [K.M.].

9. Le 14 septembre 2022, [le membre visé] a appelé la gendarme [J.S.] sur son téléphone portable à 8 h 36 et à 10 h 08; toutefois, elle n’a pas répondu à [ses] appels.

10. Le même jour, [le membre visé] a contacté le sergent [K.K.] pour lui signaler qu’il avait consulté le dossier SIRP 2022-[XXXXXXX] et qu’il allait en parler à [son] supérieur.

11. Le 15 septembre 2022, le surintendant [D.W.] a reçu un SMS du [membre visé] l’informant qu’il avait une question urgente à régler. [Le membre visé] l’a informé qu’il avait accédé au dossier SIRP 2022-[XXXXXXX]. Le surintendant [D.W.] a conseillé [au membre visé] de ne pas accéder au dossier SIRP et de ne pas contacter l’enquêteur.

12. Le même jour, [le membre visé] a rencontré l’inspecteur [K.M.] pour l’informer de l’implication de [son] fils dans une agression sexuelle potentielle. [Le membre visé] voulait que [son] fils fasse une déclaration avant qu’une décision finale ne soit prise quant à la possibilité de déposer des accusations criminelles. [Le membre visé] a fourni une clé USB contenant un enregistrement entre [son] fils et l’ex-petite amie de ce dernier.

13. L’inspecteur [K.M.] a fait part de ses préoccupations concernant le fait que le [membre visé] avait consulté le dossier SIRP. [Le membre visé] a confirmé qu’il avait consulté le dossier pour vérifier l’état d’avancement de l’enquête et a indiqué qu’il n’avait pas pu s’empêcher de consulter le dossier d’enquête.

14. Le 23 novembre 2022, [le membre visé] et la gendarme [J.S.] ont eu une conversation téléphonique au sujet de la déclaration de [son] fils et de la possibilité que le dossier soit soumis à l’examen de la Couronne. Après leur conversation, [le membre visé] a envoyé un courriel à la gendarme [J.S.] pour s’excuser d’avoir été brusque au téléphone et a expliqué qu’il ne supportait pas bien toute cette situation. [Il] a déjà été diagnostiqué comme souffrant d’un syndrome de stress post-traumatique.

15. Le 26 novembre 2022, la GRC a terminé les entretiens avec les témoins potentiels dans le cadre de l’enquête sur l’agression sexuelle.

16. Le 1er décembre 2022, l’avocat du fils [du membre visé], [M. D.E.], a contacté un certain nombre de témoins à la suite du dépôt par la victime d’une demande d’ordonnance restrictive à l’encontre du fils [du membre visé].

17. En juin 2023 ou aux alentours de cette date, le bureau du procureur de la Couronne a décidé de retirer les accusations criminelles portées contre le fils du [membre visé].

18. Le procureur de la Couronne chargé du dossier a déclaré que « il semble y avoir eu interférence par le [parent] de l’accusé, qui est un agent de la GRC et qui a parlé à la plupart des témoins avant que l’enquêteur ne les entende ». J’ai examiné cette question et, bien qu’il puisse être approprié que [le membre visé] soit enquête [sic] pour [son] ingérence, je ne peux pas dire qu’[il] ait conseillé à qui que ce soit de protéger [son] fils. Au contraire, il a été indiqué qu’il a dit à chacune des personnes de rencontrer la police et de dire la vérité sur ce qu’elles avaient vu.

19. En fin de compte, [le membre visé] a, à d’autres occasions, dit à divers témoins potentiels de coopérer avec la police, de dire la vérité et de ne pas défendre [son] fils. Ces personnes ont été contactées avant que la victime ne dépose sa plainte auprès de la GRC.

[22] Après avoir pris connaissance de l’allégation et de la détermination des faits établis, le membre visé a admis l’allégation. Les parties ont choisi de ne pas présenter d’autres observations sur l’allégation.

Décision sur l’allégation

[23] Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir l’allégation selon la prépondérance des probabilités. Concrètement, cela signifie que l’autorité disciplinaire doit établir qu’il est plus probable que le contraire que le membre visé a contrevenu à l’article 4.6 du Code de déontologie.

[24] L’article 4.6 du Code de déontologie de la GRC stipule que les membres « utilisent les biens et le matériel fournis par l’État seulement pour les fins et les activités autorisées ».

[25] En outre, le Guide sur les mesures disciplinaires (version du 14 novembre 2024), à la page 225, fournit le commentaire suivant :

[…]

Les membres de la GRC se voient confier de nombreux types d’informations personnelles, confidentielles et classifiées et sont tenus de respecter le serment du secret de la GRC à tout moment. Il est crucial pour l’intégrité de la GRC et des partenaires policiers, et essentiel pour faire respecter la loi, que les informations privilégiées soient protégées contre une utilisation ou une divulgation incorrecte.

[…]

[26] Pour établir une allégation en vertu de l’article 4.6 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre visé;
  2. que le membre visé a utilisé de l’équipement ou des biens émis par le gouvernement;
  3. que le membre visé a utilisé l’équipement ou les biens pour une activité ou un objectif qui n’était pas autorisé ou opérationnel.

[27] Compte tenu de l’aveu du membre visé, son identité n’est pas remise en question.

[28] De plus, le deuxième élément du critère est rempli. Le membre visé a admis l’allégation. En outre, les éléments de preuve versés au dossier, qui comprennent une vérification du SIRP, démontrent clairement que le membre visé a utilisé son ordinateur portable fourni par la GRC pour accéder au dossier du SIRP.

[29] Enfin, le membre visé n’était pas un enquêteur dans le dossier criminel contre son fils, ni un membre de l’unité d’enquête. Compte tenu de l’absence de toute raison opérationnelle d’accéder au dossier, ainsi que de l’aveu du membre visé, j’estime qu’il a utilisé le matériel de la GRC à des fins non autorisées.

[30] Par conséquent, j’estime que l’allégation est établie selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[31] Au titre de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, j’ai l’obligation d’imposer « des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du Code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[32] Pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées à imposer, j’examinerai si la proposition conjointe partielle doit être acceptée, y compris la durée de la rétrogradation requise. Pour ce faire, je commencerai par appliquer les cinq principes fondamentaux qui guident l’évaluation du caractère adéquat d’une mesure disciplinaire, comme indiqué dans le Guide sur les mesures disciplinaires, à la page 20.

[33] Le premier principe fondamental stipule que les mesures disciplinaires « doivent pleinement obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires contre la police », ce qui exige d’atteindre un équilibre entre quatre intérêts : 1) l’intérêt public; 2) l’intérêt de la GRC en tant qu’employeur; 3) l’intérêt du membre visé à être traité équitablement; et 4) l’intérêt des parties touchées par l’inconduite, le cas échéant. (Guide sur les mesures disciplinaires, à la page 20)

[34] Les alinéas 36.2b) et c) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada mettent en évidence ce principe :

36.2 La présente partie a pour objet :

[…]

b) de prévoir l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et renforce les normes de conduite élevées que les membres sont censés observer;

c) de favoriser la responsabilité et la responsabilisation des membres pour ce qui est de promouvoir et de maintenir la bonne conduite au sein de la Gendarmerie;

[35] La Cour suprême du Canada a également souligné l’importance de l’intérêt public en déclarant que « [l]es organismes disciplinaires ont pour objectifs de protéger le public, de réglementer leur profession respective et de préserver la confiance du public à l’égard de ces professions ».[1]

[36] Les deuxième et troisième principes prévoient que les mesures correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu, et que la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue doit être imposée. Toutefois, ces deux principes ne seront pas respectés si la confiance du public ou l’efficacité organisationnelle est compromise (Guide des mesures de conduite, pages 24 et 25).

[37] Le quatrième principe est que les mesures disciplinaires imposées doivent être proportionnelles à la nature et aux circonstances de la contravention. Pour ce faire, le comité de déontologie doit déterminer les considérations pertinentes en matière de proportionnalité et déterminer si elles peuvent être atténuantes, aggravantes ou neutres. Le comité de déontologie doit les soupeser et les pondérer de façon appropriée en tenant compte des circonstances du cas et des quatre objectifs du processus de traitement des plaintes et de discipline de la police. (Guide sur les mesures disciplinaires, à la page 25)

[38] Le cinquième principe est que les policiers doivent respecter une norme de conduite plus rigoureuse. (Guide sur les mesures disciplinaires, à la page 29).

Application du Guide sur les mesures disciplinaires

[39] Dans leurs observations, les parties ont noté que des changements ont été apportés au Guide sur les mesures disciplinaires en novembre 2024. En outre, ils ont débattu de la version du guide qui s’applique à l’inconduite du membre visé, étant donné qu’elle s’est produite en 2022, alors que la version précédente de 2014 était en vigueur.

[40] La version de 2024 du Guide sur les mesures disciplinaires s’écarte de la version de 2014 en ce qu’elle modifie la section du Code de déontologie sous laquelle l’utilisation à mauvais escient des bases de données de la GRC tombe. En outre, elle adopte une position plus rigoureuse à l’égard de ce type de faute, qu’elle assimile à un abus de confiance.

[41] Comme l’a noté le représentant du membre visé, dans la version de 2014 du Guide sur les mesures disciplinaires, l’utilisation à mauvais escient des bases de données de la GRC était incluse dans la section 4.6 du Code de déontologie, alors que dans la version de 2024, elle relève de la section 9.1. Cette modification permet d’envisager des conséquences plus graves pour les infractions à cet article.

[42] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que l’inconduite du membre en question devait être examinée à la lumière de la version actuelle, étant donné que plusieurs rapports publiés au cours des dernières années soulignent la nécessité d’accroître l’obligation de rendre compte des membres de la police.

[43] En outre, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait référence à une décision de 2016 de la Cour d’appel du Québec,[2] dans laquelle une position très ferme a été adoptée en ce qui concerne l’utilisation non autorisée des bases de données de la police. Il a fait valoir que le membre visé aurait dû être conscient des changements apportés au chapitre de la déontologie, en particulier en ce qui concerne l’utilisation à mauvais escient des dossiers de la police.

[44] À l’inverse, le représentant du membre visé a fait valoir que l’inconduite devait être examinée en fonction du contexte en vigueur au moment où elle a été commise. Il a ajouté qu’il n’y a aucune mention d’un caractère rétrospectif dans la version de 2024 du Guide sur les mesures disciplinaires. Il a suggéré que la publication de la version de 2024 a marqué un tournant net. Par conséquent, en s’appuyant sur les décisions de diverses tribunes, y compris la décision du Comité de déontologie de la GRC dans l’affaire Murchie,[3] il serait injuste pour le membre visé de se voir imposer des mesures disciplinaires qui n’étaient même pas envisagées au moment où il a commis l’inconduite.

[45] Tout d’abord, je voudrais souligner le rôle du Guide sur les mesures disciplinaires. Qu’il s’agisse de la version de 2014 ou de la version de 2024, il s’agit essentiellement d’un guide. Le Guide sur les mesures disciplinaires est une référence utile pour déterminer la gamme appropriée de sanctions pour une catégorie particulière de comportement, ainsi que pour assurer la parité des sanctions. Toutefois, à aucun moment, une autorité disciplinaire ou, plus précisément, un Comité de déontologie n’a été entravé par les recommandations que le guide contient lors de la prise de décision sur les mesures disciplinaires.

[46] Deuxièmement, je note que les changements apportés aux lignes directrices en matière de sanctions dans certains des cas mentionnés par le représentant du membre visé résultaient de modifications législatives, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. En outre, il est fait référence aux cas où le décideur n’est pas un expert dans le domaine concerné, ce qui, une fois encore, n’est pas le cas ici.

[47] Troisièmement, l’intention derrière le Guide sur les mesures disciplinaires était de disposer d’un document évolutif pouvant être modifié pour refléter les normes et les attentes de la société. Malheureusement, le processus de mise à jour du document a pris plus de temps qu’il n’aurait été souhaitable.

[48] Enfin, j’estime que l’adoption d’une position à l’égard des mesures disciplinaires faisant totalement fi des pratiques ou des décisions antérieures aboutirait à un résultat inéquitable. Par conséquent, j’utiliserai la version de 2024 du Guide sur les mesures disciplinaires comme référence pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées tout en gardant à l’esprit l’évolution des attentes de la société depuis l’inconduite du membre visé.

Analyse

Équilibre entre les intérêts

[49] Le public s’attend à ce que les membres de la GRC, à qui des pouvoirs exceptionnels pour faire respecter les lois dans notre société ont été accordés, respectent la loi non seulement dans leur vie professionnelle, mais aussi dans leur vie privée. Par conséquent, le public a tout intérêt à ce que les informations obtenues par la police dans le cadre de ses fonctions officielles ne soient utilisées qu’aux fins pour lesquelles elles ont été recueillies.

[50] La nature même du travail de la police exige que les membres aient accès à des informations très sensibles ou personnelles. Ainsi, ces informations doivent être traitées avec le plus grand soin et la plus grande confidentialité.

[51] De même, la GRC, en tant qu’employeur, a la responsabilité de maintenir la confiance du public envers l’organisation.

[52] Au cours des dernières années, divers rapports sur la GRC ont été publiés et ont attiré l’attention des médias, créé un manque de confiance dans nos communautés et terni la réputation de l’organisation. Pour rétablir cette confiance, la GRC doit démontrer qu’elle tient ses membres responsables de leurs actes lorsqu’ils contreviennent au Code de déontologie.

[53] Les intérêts du membre visé doivent également être pris en compte. Il doit bénéficier des droits prévus par l’équité procédurale, y compris le droit d’être entendu. De surcroît, puisqu’il est probable que le résultat d’un processus administratif, comme le processus disciplinaire de la GRC, ait des répercussions importantes sur la vie personnelle ainsi que la carrière du membre visé, je dois garder à l’esprit les objectifs de correction et de réhabilitation de ce processus.

[54] Dans le présent cas, il n’y a pas de personne affectée spécifique, car rien n’indique que Mme S.S. ou sa fille soient au courant de cette infraction. Néanmoins, il convient de mentionner qu’une telle inconduite pourrait avoir un effet dissuasif sur les personnes qui ont été victimes d’un crime.

Facteurs de proportionnalité

[55] Le Guide sur les mesures disciplinaires fournit une liste non exhaustive de facteurs à prendre en compte pour déterminer la proportionnalité. J’ai estimé que les facteurs suivants étaient pertinents dans les circonstances du présent cas et j’ai indiqué si ces facteurs devaient être considérés comme atténuants, aggravants ou neutres.

Intérêt public

[56] Comme je l’ai indiqué précédemment, le public a tout intérêt à pouvoir croire avec confiance que les personnes en position d’autorité n’abuseront pas de cette autorité. Par conséquent, je considère que l’utilisation par le membre en question de son statut de membre de la GRC pour accéder à une base de données de documents protégés constitue un facteur aggravant.

Gravité de l’inconduite

[57] Les représentants ont beaucoup insisté sur la manière dont la gravité de l’inconduite commise par le membre visé devrait être perçue. Comme j’ai déjà abordé cette question dans la présente décision, je me contenterai de noter que je considère qu’il s’agit d’une infraction grave, ce qui constitue un facteur aggravant.

Reconnaissance de la gravité de l’inconduite (remords)

[58] Lors de son témoignage, le membre visé a déclaré qu’au moment où il a accédé au SIRP, il n’a pas considéré cela comme particulièrement grave, notant que de nombreuses personnes avaient consulté le dossier. Cependant, il s’est depuis instruit et a pris conscience de la gravité de ses actes et de l’impact qu’ils peuvent avoir sur la GRC. En outre, il a honte d’avoir agi d’une manière qui pourrait nuire à la réputation de la Gendarmerie.

[59] Toutefois, dans ses observations finales, le représentant du membre visé a noté qu’au moment où le membre visé a accédé au dossier, celui-ci ne contenait pas beaucoup d’informations et qu’il n’a pas divulgué ces informations, si ce n’est que pour confirmer qu’une plainte avait été déposée. Peu importe que le dossier ait contenu ou pas beaucoup d’informations ou que le membre visé n’ait pas divulgué ces informations, il a tout de même agi en fonction de ces informations.

[60] De plus, le simple fait que certains témoins aient été informés par le fils du membre visé que ce dernier avait accédé au dossier a un effet préjudiciable. Compte tenu de la réticence initiale de Mme S.S. et de ses filles à signaler le cas, en raison de leur inquiétude quant au statut du membre visé au sein de la GRC, je considère qu’il s’agit d’un facteur aggravant.

Invalidité et autres considérations pertinentes

[61] Au cours de son témoignage, le membre visé a parlé de son syndrome de stress post-traumatique et des symptômes qui en découlent. Toutefois, je n’ai reçu aucune information médicale démontrant que l’état de santé du membre visé avait contribué à son inconduite. Je comprends que des allégations criminelles de cette nature concernant un enfant puissent causer un stress et une inquiétude considérables à tout parent. Toutefois, en l’absence de tout lien de causalité entre l’inconduite et l’état du membre visé, je considère qu’il s’agit d’un facteur neutre.

Antécédents professionnels

[62] D’une part, les lettres de soutien extrêmement positives que le membre visé a fournies qui ont été rédigées par ses collègues suggèrent qu’il est apprécié et respecté, qu’il a un bon esprit d’équipe, qu’il se surpasse et qu’il est un membre extrêmement compétent. En outre, l’évaluation de rendement qu’il a soumise indique également qu’il est très performant et qu’il constitue un atout pour l’équipe.

[63] D’autre part, je note qu’il a déjà fait l’objet de deux mesures disciplinaires, dont une infraction à la section 3.2 du Code de déontologie pour avoir abusé de sa position d’autorité. Étant donné que l’inconduite résulte également d’un abus de pouvoir, je constate que même les références élogieuses des collègues et des membres de la communauté ne peuvent pas atténuer le comportement du membre visé. J’estime par conséquent qu’il s’agit d’un facteur neutre.

Possibilité de réforme ou de réhabilitation

[64] Compte tenu du comportement du membre visé pendant le processus disciplinaire et du fait qu’il a exprimé des regrets, les deux représentants ont indiqué qu’il était peu probable que le membre visé récidive. Je suis d’accord. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur atténuant.

Effets sur le membre visé et sa famille

[65] Le membre visé a parlé de l’impact que l’accusation portée contre son fils a eu sur sa vie. Cependant, il n’a pas spécifiquement indiqué les conséquences de son inconduite sur sa vie, ni l’impact que l’imposition de diverses mesures pourrait avoir sur lui et sa famille. J’estime donc qu’il s’agit d’un facteur neutre.

Parité (uniformité des décisions)

[66] La décision Murchie a été citée à plusieurs reprises par les parties en lien avec le principe de parité. Toutefois, les faits de ce cas sont différents de ceux du présent cas. J’estime que l’ampleur du mauvais usage par le gendarme Murchie est pire que celui du membre visé. Cela dit, j’estime que le rôle du membre visé en tant que sous-officier supérieur et chef d’équipe dans une unité spécialisée pose problème. Non seulement il aurait dû connaître la gravité de ses actes, mais il aurait été censé, de par sa position, veiller à ce que les membres sous son commandement remplissent également leurs obligations. Je conclus donc qu’il s’agit d’un facteur aggravant.

Dissuasion spécifique et générale

[67] Compte tenu du comportement du membre visé pendant le processus disciplinaire et qu’il a exprimé des regrets, j’estime que la nécessité d’un effet dissuasif particulier est limitée dans le présent cas. Toutefois, comme l’a fait remarquer le membre visé lors de son témoignage, les membres de la GRC ne semblent toujours pas « comprendre ». L’utilisation des bases de données de la police à des fins non autorisées est beaucoup trop fréquente, ce qui a incité la GRC à adopter une position sévère à l’égard de ce type d’inconduite. Par conséquent, j’estime qu’en général une mesure de dissuasion est tout de même requise. Il s’agit donc d’un facteur aggravant.

Confiance du public envers les services de police

[68] Comme je l’ai dit au membre visé lors de son témoignage, et comme il l’a reconnu, une inconduite de cette nature peut avoir pour effet de dissuader les personnes concernées de se manifester pour signaler des infractions, en particulier celles qui sont de nature extrêmement délicate. Notamment, les plaignants dans l’affaire criminelle dont il est ici question étaient réticents à aller de l’avant avec leur plainte sachant que le membre visé était un membre haut gradé de la GRC. Les personnes qui ont subi un préjudice de la part d’autres membres de notre société doivent être sûres que les infractions qu’elles signalent seront traitées de manière confidentielle. Autrement dit, elles doivent se sentir en sécurité. Selon moi, il n’y a rien de plus essentiel dans la relation entre la communauté et la police que le fait que nos citoyens ne se contentent pas de penser qu’ils sont en sécurité, mais qu’ils se sentent réellement en sécurité. Je conclus donc qu’il s’agit d’un facteur aggravant.

Conclusion

[69] En comparant les différentes considérations à la lumière du contexte factuel de ce cas et des quatre objectifs de la procédure de plainte et de discipline de la police, la proportionnalité penche en faveur de l’aggravation.

[70] Comme je l’ai indiqué au début de mon intervention, le public attend des agents de police qu’ils respectent des normes comportementales plus élevées, en particulier ceux qui occupent des postes de haut niveau.

Proposition conjointe

[71] Les parties proposent conjointement la confiscation de 10 jours de salaire. Le représentant de l’autorité disciplinaire demande également une rétrogradation pour une période d’un an, tandis que le représentant du membre visé suggère une rétrogradation pour une période de trois mois seulement. En outre, les parties ont convenu que le membre visé ne sera pas autorisé à occuper un poste de niveau supérieur pendant la durée de la rétrogradation. En raison du désaccord sur la durée, je considérerai qu’il s’agit d’une proposition conjointe partielle.

[72] En ce qui concerne la rétrogradation, le représentant de l’autorité disciplinaire demande que, si j’estime qu’elle doit être d’une durée d’un an ou plus, le membre visé soit également transféré.

[73] Lorsqu’un Comité de déontologie reçoit une proposition conjointe, les circonstances dans lesquelles il lui est loisible de rejeter les mesures proposées sont très restreintes.

[74] En général, les cours de justice et les tribunaux administratifs comme celui-ci ne refusent pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public. Le seuil pour le critère de l’intérêt public est très élevé. La Cour suprême du Canada a reconnu la valeur des discussions de conciliation et a déclaré qu’on ne doit pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe.

[75] En outre, le critère de l’intérêt public a également été appliqué dans le contexte de la discipline professionnelle[4] et par le commissaire de la GRC.[5]

[76] Le critère de l’intérêt public est expliqué à la page 34 du Guide sur les mesures disciplinaires :

[…]

Les propositions conjointes sont régies par le critère de l’intérêt public, qui exige que les comités de déontologie acceptent une proposition conjointe, sauf lorsque la proposition conjointe est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou serait contraire à l’intérêt public.

Pour rejeter une proposition conjointe, les mesures disciplinaires proposées doivent être si éloignées des circonstances de l’inconduite et du membre que leur acceptation amènerait des personnes raisonnables et informées, conscientes de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de promouvoir la certitude dans les discussions sur la résolution, à croire que le bon fonctionnement du processus disciplinaire s’est rompu.

[…]

[77] Pour déterminer si les mesures disciplinaires proposées par les parties sont contraires à l’intérêt public, je dois déterminer l’étendue appropriée des mesures possibles.

[78] Le Guide sur les mesures disciplinaires, à la page 229, recommande que l’utilisation à mauvais escient des bases de données de la police entraîne des mesures disciplinaires allant de la confiscation de 5 à 10 jours de salaire pour les cas plus légers, jusqu’au licenciement pour les cas les plus graves.

[79] Par conséquent, j’estime que les mesures disciplinaires proposées par les parties - la confiscation de 10 jours de salaire et une rétrogradation temporaire - se situent dans la fourchette des mesures acceptables et ne portent pas atteinte à l’intérêt public.

[80] Compte tenu de mes conclusions concernant les cinq principes fondamentaux, j’estime que l’inconduite du membre visé passe des cas légers aux cas intermédiaires pour les mesures proposées. Le Guide sur les mesures disciplinaires, à la page 229, suggère d’imposer comme mesures la confiscation de 10 à 15 jours de salaire et/ou l’inadmissibilité à toute promotion pendant une période non spécifiée. En conséquence, j’accepte la proposition de confisquer 10 jours de salaire.

[81] En ce qui concerne la période de rétrogradation, j’ai examiné les positions des parties et je suis arrivé aux conclusions suivantes : une rétrogradation pour une période de trois mois est à peine perceptible et peut être considérée comme un simple inconvénient, tandis qu’une rétrogradation pour une période d’un an est excessive et peut entraîner des problèmes de ressources humaines pour la Gendarmerie.

[82] Par conséquent, j’estime que la rétrogradation doit être plus qu’une période transitoire. Elle doit être suffisante pour permettre au message concernant l’inconduite du membre visé de trouver écho auprès de lui et des autres, sans pour autant perturber inutilement sa carrière. Par conséquent, j’estime qu’une rétrogradation au grade de sergent pour une période de neuf mois, en plus de la confiscation du salaire, constitue une réponse suffisante à l’inconduite du membre visé.

Décision sur les mesures disciplinaires

[83] J’ai pris en considération la préférence pour l’imposition de mesures correctives, le cas échéant, et la présomption de la disposition la moins onéreuse. Toutefois, en considérant l’ensemble des circonstances, j’ai conclu que ces principes devraient être réfutés.

[84] Comme il s’agit d’un sous-officier supérieur d’une unité spécialisée, avec plus de 20 ans de service à la GRC, qui a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour des infractions au Code de déontologie de la GRC, j’estime que les mesures imposées doivent être proportionnelles à la gravité de l’inconduite.

[85] En conséquence, j’ordonne que les mesures disciplinaires suivantes soient imposées au membre visé :

  1. la confiscation de 10 jours de salaire, qui prendra la forme de la confiscation de 7 jours de solde et de 3 jours de congé annuel;
  2. une rétrogradation au grade de sergent pour une période de 9 mois, à compter de la date à laquelle le membre visé reprend activement ses fonctions;
  3. l’impossibilité pour le membre visé d’occuper un poste de niveau supérieur pendant la période de rétrogradation.

[86] Malgré ma conclusion concernant la neutralité des antécédents professionnels du membre visé, je note qu’il semble avoir une grande expertise dans son domaine et qu’il a fait preuve d’un engagement important envers ses collègues et la Gendarmerie en général. Si je n’avais pas tenu compte de ces facteurs, les mesures imposées auraient été plus sévères.

CONCLUSION

[87] L’allégation est établie et les mesures disciplinaires susmentionnées sont imposées.

[88] Je tiens toutefois à souligner au membre visé que toute infraction subséquente au Code de déontologie sera examinée de près par l’autorité disciplinaire appropriée et pourrait mener à son congédiement de la Gendarmerie.

[89] J’espère que le membre visé tirera des leçons de cette expérience et ne répétera pas les mêmes erreurs à l’avenir.

[90] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au membre visé, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014289.

 

 

Le 21 mars 2025

Colin Miller

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] Law Society of Saskatchewan c Abrametz, 2022 CSC 29, au paragraphe 53.

[2] Fraternité des policiers et policières de Saint‑Jean‑sur‑Richelieu inc. c. Saint‑Jean‑sur‑Richelieu (Ville de), 2016 QCCA 1086

[3] Autorité disciplinaire désignée de la Division E et Murchie, 2024 DAD 08, paragraphe 223.

[4] Rault v Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19.

[5] Gendarme Coleman et agent approprié, Division F, (2018) 18 A.D. (4th) 270 [Coleman].

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