Protégé A
Dossier 202333833
2025 DAD 07
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Dans l’affaire d’une
audience disciplinaire au titre de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10
Entre :
La caporale Coralie Wilkinson
Numéro de matricule 59188
(requérante)
et
L’autorité disciplinaire désignée pour la Division E
(intimée)
|
Décision du comité de déontologie Requête relative au respect des délais |
Trevor Martin
(représentant de la requérante)
Pierre-Olivier Lemieux
(représentant de l’autorité disciplinaire)
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE : Sandra Weyand
DATE : Le 4 juin 2025
INTRODUCTION
[1] La requérante fait l’objet d’une allégation de contravention à l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC pour avoir présenté des demandes de remboursement de dépenses inappropriées. Elle demande le rejet de l’allégation au motif que l’intimée a engagé la procédure d’audience disciplinaire après l’expiration du délai d’un an prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10. [Loi sur la GRC].
[2] Pour les motifs exposés ci-après, la requête est accueillie. Par conséquent, l’allégation à l’encontre de la requérante est rejetée pour cause de prescription.
CONTEXTE FACTUEL
[3] Le ou vers le 8 février 2019, la requérante a été promue au grade de caporal. Dans le cadre de cette promotion, elle a dû déménager de Prince George à Fort St. John, en Colombie-Britannique.
[4] Au moment de la promotion, le sergent d’état-major Parks était le commandant de l’unité de la requérante. Il a été remplacé par le surintendant (alors inspecteur) Ken Floyd en mars 2019.
[5] La requérante a présenté diverses demandes de remboursement de frais liés à son déménagement à Fort St. John ainsi qu’à ses déplacements entre son nouveau lieu de travail et son domicile à Prince George. Elle a également demandé le remboursement de plusieurs frais opérationnels engagés lorsqu’elle était en déplacement pour le travail.
[6] En ce qui concerne ses déplacements entre Fort St. John et Prince George, la requérante a informé le surintendant Floyd qu’elle avait conclu une entente avec le sergent d’état-major Parks. Cette entente lui permettait de continuer à résider à Prince George pendant qu’elle terminait son travail sur un dossier d’enquête délicat, même si son poste permanent l’obligeait à être à Fort St. John.
[7] Le 4 juin 2020, la requérante a déménagé de Prince George à Fort St. John.
[8] Le 29 juin 2020, la requérante a déposé une plainte pour harcèlement contre le surintendant Floyd.
[9] Le 9 décembre 2020, le surintendant en chef Michel Legault a été informé que la requérante aurait enfreint l’article 8.1 du code de déontologie et a ordonné une enquête en vertu de ce code. La lettre de mandat pour la tenue d’une enquête disciplinaire indique que le surintendant Floyd a été informé le 29 juin 2020 que la requérante aurait eu un comportement qui, s’il était établi, constituerait une violation du code de déontologie.
[10] Le 21 juin 2021, une demande de prolongation du délai dans cette affaire a été accueillie malgré l’opposition de la requérante. La date de prescription indiquée dans la demande de prolongation était le 29 juin 2020.
[11] Trois demandes supplémentaires de prolongation de délai ont été accueillies, la date limite finale étant fixée au 31 juillet 2023.
[12] Le 21 juillet 2023, l’avis à l’officier désigné a été signé.
[13] Le 14 août 2023, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC, j’ai été désignée « Comité de déontologie ».
[14] Le 16 mai 2024, l’avis d’audience disciplinaire a été signé. Il énonce l’allégation de la façon suivante :
[TRADUCTION] Allégation 1 : Entre le 7 janvier 2019 et le 10 août 2019, à Prince George, à Fort St. John ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [la requérante] a omis de fournir des comptes rendus complets, exacts et en temps opportun concernant l’exercice de ses responsabilités, en contravention de l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC.
[15] L’énoncé détaillé précise les modalités de l’affectation et de la réinstallation de la requérante, ainsi que les demandes de remboursement de frais qu’elle a présentées pendant la période visée.
[16] Le 10 juin 2024, la requérante a reçu l’avis d’audience disciplinaire et a fourni les documents à divulguer.
[17] Le 26 juin 2024, avant de fournir la réponse à l’allégation conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)], le représentant de la requérante a demandé la divulgation des cahiers de notes de la requérante ainsi que des documents décrivant la procédure technique à suivre pour présenter et soumettre les demandes et les notes de frais relatives aux frais de déplacement et de déménagement.
[18] Le 31 octobre 2024, avant que la divulgation supplémentaire complète ne soit disponible, le représentant de la requérante a déposé une requête en suspension pour non-respect des délais en vue de suspendre l’allégation contre la requérante.
[19] Le 28 février 2025, le représentant de l’intimée a déposé sa réponse à la requête.
[20] Le 8 mai 2025, le représentant de la requérante a déposé sa réponse.
[21] Pour prendre ma décision, j’ai examiné tous les éléments du dossier écrit qui m’a été présenté.
RÉSUMÉ DES OBSERVATIONS ÉCRITES DES PARTIES
Observations du représentant de la requérante
[22] Le représentant de la requérante demande une déclaration selon laquelle l’intimée a contrevenu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC et que l’allégation soit rejetée au motif que l’audience disciplinaire n’a pas été engagée dans le délai prescrit d’un an.
[23] Le représentant de la requérante indique que le surintendant Floyd est l’autorité disciplinaire compétente dans la présente affaire. Il souligne que le surintendant Floyd est reconnu comme tel dans la lettre de mandat pour la tenue d’une enquête disciplinaire.
[24] Le représentant de la requérante conteste ensuite le moment où le surintendant Floyd a initialement pris connaissance des incidents en cause. À cet égard, il souligne que le surintendant Floyd a admis avoir eu des discussions avec la requérante au sujet d’une demande de remboursement de frais en avril 2019, au cours desquelles il a traité la question de manière informelle.
[25] Le représentant de la requérante fait valoir que les documents divulgués jusqu’à présent précisent que le surintendant Floyd a pris connaissance d’une violation apparente du code de déontologie en avril ou en mai 2019. Il souligne en particulier les éléments suivants :
-
Un courriel daté du 18 avril 2019, envoyé par le caporal Smith, sous-officier du bureau régional de Williams Lake, au surintendant Floyd, faisant référence à une demande de remboursement de frais qui fait partie de la présente affaire relevant du code de déontologie. La correspondance remet en question la légitimité de la demande de remboursement et demande des éclaircissements.
-
Une conversation qui a eu lieu le 3 mai 2019 entre le surintendant Floyd et le caporal Bandurak, avec qui la requérante travaillait sur le dossier d’enquête spéciale, concernant des préoccupations relatives aux demandes de remboursement de frais de la requérante.
-
Un courriel daté du 6 mai 2019, dans lequel le surintendant Floyd a demandé à la requérante de donner la priorité à son rôle de chef d’équipe, et de quitter son rôle d’enquêteuse, précisant qu’elle ne devait soumettre [TRADUCTION]
« aucune demande de remboursement pour son travail à Prince George, sauf en cas de déplacement approuvé »
.
[26] Le représentant de la requérante fait valoir que, d’après les courriels et les déclarations du caporal Smith et du caporal Bandurak, le surintendant Floyd disposait, au printemps 2019, de suffisamment d’informations pour croire qu’il semblait y avoir une violation du code de déontologie.
[27] En outre, le représentant de la requérante affirme que toute révision des documents par le surintendant Floyd après le dépôt de la plainte pour harcèlement en juin 2020 par la requérante aurait constitué un réexamen des informations dont il disposait déjà auparavant.
[28] Selon le représentant de la requérante, le critère relatif à ce qui déclenche le délai de prescription pour une audience disciplinaire est peu élevé et il a été atteint plus tôt que ce qui est indiqué dans la lettre de mandat pour la tenue d’une enquête disciplinaire, compte tenu des diverses conversations que le surintendant Floyd a eues au printemps 2019 au sujet des demandes de remboursement de frais de la requérante.
Observations du représentant de l’intimée
[29] Le représentant de l’intimée ne conteste pas que le surintendant Floyd est l’autorité disciplinaire compétente en l’espèce et que la connaissance du moment où il disposait de suffisamment d’informations pour croire qu’une violation du code de déontologie avait été commise est pertinente.
[30] En outre, le représentant de l’intimée fait valoir que la connaissance requise pour déclencher le mécanisme de prescription dépasse l’existence de simples soupçons, sans toutefois aller jusqu’à la possession d’informations crédibles et convaincantes[1].
[31] Le représentant de l’intimée souligne que toutes les discussions que le surintendant Floyd a eues en avril 2019 étaient des conversations informelles visant à obtenir des informations supplémentaires, étant donné que le surintendant Floyd était nouveau dans ses fonctions, et qu’il ne considérait pas que l’affaire justifiait une enquête au titre du code de déontologie à ce moment-là.
[32] De plus, le représentant de l’intimée explique que le surintendant Floyd n’avait aucun contrôle sur le processus de recherche d’un logement et sur les frais de déménagement de la requérante, car ceux-ci sont gérés par un service distinct des dépenses opérationnelles. Il affirme donc que le surintendant Floyd n’était pas au courant de tous les détails entourant les demandes de remboursement de la requérante et que ses légères préoccupations ne constituaient pas plus que de simples soupçons.
[33] Le représentant de l’intimée affirme que le dépôt par la requérante d’une plainte pour harcèlement contre le surintendant Floyd l’a incité à examiner certaines demandes de remboursement de frais et certaines interactions mentionnées dans la plainte. Il soutient en outre que ce n’est qu’après cet examen que l’étendue des demandes de remboursement de frais douteuses et irrégulières a été dévoilée.
[34] Le représentant de l’intimée indique également que cette dernière souhaite retirer de l’avis d’audience disciplinaire toute référence aux dépenses liées au voyage 1400269671, car celles-ci ont été réglées à l’amiable par le surintendant Floyd.
MOTIFS DE LA DÉCISION
[35] La présente décision porte uniquement sur la question préliminaire de savoir si le délai prescrit pour intenter une audience disciplinaire a été respecté. Par conséquent, je ne me prononcerai pas sur les faits, le droit ou tout autre élément pertinent pour déterminer si la requérante a enfreint le code de déontologie.
[36] Le délai de prescription pour convoquer une audience disciplinaire commence à courir dès que l’autorité disciplinaire chargée d’enquêter sur la faute présumée en a connaissance. À cet égard, le paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC prévoit ce qui suit :
Prescription
(2) L’autorité disciplinaire ne peut convoquer une audience, relativement à une contravention au code de déontologie qui aurait été commise par un membre, plus d’un an après que la contravention et l’identité du membre en cause ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête. [Je souligne.]
[37] Il est donc nécessaire de déterminer qui était l’autorité disciplinaire chargée de mener l’enquête sur le comportement de la requérante au titre du code de déontologie et à quel moment cette personne a eu connaissance des violations présumées du code par la requérante.
[38] Une politique, soit au chapitre XII.1 « déontologie » du Manuel d’administration (version du 22 janvier 2019) définit la procédure à suivre lorsqu’une autorité disciplinaire a connaissance d’une violation présumée du code de déontologie. L’article 6.8.1 décrit les responsabilités de l’autorité disciplinaire comme suit :
6.8.1. Autorité disciplinaire
6. 8. 1. 1. Lorsque l’autorité disciplinaire croit qu’un membre a ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, elle tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention.
6. 8. 1. 2. L’autorité disciplinaire qui ouvre une enquête doit le faire dès que possible par écrit et en consultation avec le conseiller divisionnaire en déontologie […]. La lettre de mandat pour la tenue d’une enquête relevant du code de déontologie (ann. XII-1-10) doit citer la contravention alléguée au code de déontologie et préciser l’objet et l’étendue de l’enquête.
[…]
6. 8. 1. 5. L’autorité disciplinaire continue d’évaluer, à mesure qu’elle reçoit de nouveaux renseignements, si un processus disciplinaire demeure nécessaire.
6. 8. 1. 6. L’autorité disciplinaire qui ouvre une enquête est responsable de l’administration et de la gestion de celle-ci et doit veiller à ce qu’elle soit conclue dans les délais prévus dans la lettre de mandat pour la tenue d’une enquête relevant du code de déontologie.
[…]
6. 8. 1. 8. Un addenda à la lettre de mandat pour la tenue d’une enquête relevant du code de déontologie peut s’avérer nécessaire dans le cas où l’autorité disciplinaire apprend l’existence d’une contravention au code de déontologie dont il n’est pas fait mention dans la lettre de mandat signifiée initialement au membre visé. Une copie de l’addenda doit être transmise au membre visé.
[…] [Je souligne.]
Analyse
[39] Dans cette optique, je dois déterminer qui est l’autorité disciplinaire compétente en l’espèce, ainsi que le moment où elle a pris connaissance de l’identité de la requérante et de l’infraction alléguée.
Qui est l’autorité disciplinaire?
[40] Conformément au paragraphe 2(3) de la Loi sur la GRC, le commissaire a le pouvoir de désigner des autorités disciplinaires. Le commissaire a exercé ce pouvoir au paragraphe 2(1) des CC (déontologie) et désigné les personnes suivantes comme autorités disciplinaires à l’égard d’un membre relevant de leur autorité :
2 (1) […]
a) les membres commandant un détachement et les personnes qui relèvent directement d’un officier ou d’une personne occupant un poste de direction équivalent;
b) les officiers ou les personnes occupant un poste de direction équivalent; et
c) les officiers commandant une division.
[41] Par conséquent, il incombe aux différents niveaux d’autorités disciplinaires dans la chaîne de commandement d’un membre visé d’enquêter ou de faire en sorte que les allégations fassent l’objet d’une enquête afin de déterminer si elles constituent une violation du code de déontologie. Cela est reconnu au chapitre XII.1.4.1.1 du Manuel d’administration, qui traite de l’évaluation des informations alléguant une violation du code de déontologie :
4.1.1. Lorsqu’on apprend qu’un membre aurait enfreint une disposition du code de déontologie,
l’autorité disciplinaire au niveau le plus approprié par rapport au membre visé doit recevoir et étudier l’information dans le but d’évalueret de déterminer les meilleurs moyens de traiter l’incident, ce qui peut comprendre le renvoi au prochain niveau d’autorité disciplinaire lorsqu’il est clairement établi, le cas échéant, que la contravention alléguée ne peut être traitée adéquatement par le présent niveau d’autorité disciplinaire. [Je souligne.]
[42] Il est important de souligner que ce n’est pas nécessairement la connaissance de l’autorité disciplinaire qui a amorcé l’audience disciplinaire qui déclenche le calcul du délai de prescription dans un cas particulier, mais plutôt la connaissance de l’autorité disciplinaire dans la chaîne de commandement du membre visé qui a initialement reçu l’information selon laquelle le membre aurait enfreint le code de déontologie.
[43] De plus, le paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC prévoit ce qui suit :
Enquête
40 (1) Lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire d’un membre que celui-ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, elle tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention. [Je souligne.]
[44] Aucune des parties ne conteste que le surintendant Floyd était l’autorité disciplinaire de la requérante et que c’est lui qui a initialement reçu l’information selon laquelle la requérante aurait enfreint le code de déontologie. Après examen du dossier, je confirme que le surintendant Floyd est l’autorité disciplinaire compétente en l’espèce.
[45] Dans le cas présent, le litige porte essentiellement sur le moment où le surintendant Floyd a pris connaissance des faits. Il est donc nécessaire de déterminer à quel moment le surintendant Floyd a obtenu suffisamment d’informations pour conclure que la requérante avait apparemment enfreint une disposition du code de déontologie.
Quand l’autorité disciplinaire a-t-elle pris connaissance de l’identité de la requérante et des infractions alléguées?
[46] Pour déterminer quand le délai de prescription prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC a commencé à courir, je dois répondre à la question suivante : une personne raisonnable aurait-elle conclu qu’il y avait suffisamment d’informations pour croire qu’il semblait y avoir une violation du code de déontologie?[2]
[47] D’une part, le représentant de la requérante fait valoir que la connaissance requise de la violation alléguée a été acquise au cours du mois d’avril ou de mai 2019. D’autre part, le représentant de l’intimée soutient que la connaissance requise n’a été acquise que le 29 juin 2020.
[48] Conformément au paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC et au chapitre XII.I.6.8.1.1 du Manuel d’administration, l’autorité disciplinaire a l’obligation d’enquêter ou de faire en sorte qu’une enquête soit menée sur toute allégation de violation d’une disposition du code de déontologie.
[49] Une autorité disciplinaire n’a pas besoin de disposer de tous les détails d’une infraction présumée pour déclencher le délai de prescription. Conformément au chapitre XII.I.6.8.1.1 du Manuel d’administration, elle doit seulement disposer d’informations suffisantes pour « croire » qu’il semble y avoir une infraction au code de déontologie. La décision de l’autorité disciplinaire quant à l’opportunité ou non de mandater une enquête ne modifie en rien le délai de prescription d’un an pour engager une audience disciplinaire. Conformément au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC, ce délai commence à courir lorsque l’autorité disciplinaire a connaissance de la violation présumée et de l’identité du membre qui est présumé l’avoir commise.
[50] Il suffit que l’autorité disciplinaire dispose de « suffisamment d’information pour avoir des motifs raisonnables de croire qu’une contravention au code de déontologie avait apparemment été commise »
[3].
[51] Le dossier indique que le surintendant Floyd a initialement été informé d’une demande de remboursement de frais inhabituelle dans un courriel du caporal Smith daté du 18 avril 2019. Plus précisément, le caporal Smith a conseillé au surintendant Floyd d’examiner la demande de remboursement de frais de la requérante pour le voyage 1400269671 afin de déterminer la nature de l’entente entre la requérante et le sergent d’état-major Parks, car la requérante demandait le remboursement de frais opérationnels alors qu’elle était en déplacement pour le travail à Prince George.
[52] À la même date, le surintendant Floyd a noté qu’[TRADUCTION]« il semble qu’elle ait réclamé des frais pour son séjour à [Prince George], mais aussi des frais de déplacement à Dawson/[Fort St. John]… ce qui suggère qu’elle était en déplacement pour les deux »
[4].
[53] Le surintendant Floyd a ensuite contacté le sergent-chef Begg, officier responsable du bureau du personnel du district nord, afin d’obtenir des précisions sur les modalités de travail de la requérante entre Prince George et Fort St. John, soulignant qu’[TRADUCTION]« elle a déclaré des dépenses à Prince George comme si elle travaillait principalement à [Fort St.] John et des frais de déplacement vers [Fort St.] John, qui serait son “domicile” »
[5].
[54] Le 25 avril 2019, le sergent d’état-major Begg a conseillé au surintendant Floyd de demander des documents concernant les instructions reçues du sergent d’état-major Parks et a déclaré que si ces documents ne pouvaient être produits, la requérante serait renvoyée à Fort St. John ou pourrait faire l’objet d’une enquête pour abandon de poste en vertu du code de déontologie[6].
[55] Le 6 mai 2019, aucune preuve d’une entente préalable avec le sergent d’état-major Parks n’ayant été trouvée, le surintendant Floyd a affirmé à la requérante qu’aucune autre demande de remboursement ne serait acceptée à moins que le déplacement n’ait été approuvé[7].
[56] Le caporal Bandurak a également approché le surintendant Floyd le 3 mai 2019 pour lui faire part de ses préoccupations concernant les demandes de remboursement de frais de la requérante relatives au dossier d’enquête spéciale sur lequel ils travaillaient ensemble. Le surintendant Floyd a précisément noté que le caporal Bandurak avait soulevé des préoccupations quant à [TRADUCTION] « l’honnêteté et l’intégrité de la requérante concernant les demandes qu’elle soumettait »
.[8]
[57] À la fin mai 2019, le surintendant Floyd a discuté avec la requérante d’une demande de paiement d’heures supplémentaires qu’elle avait présentée lors de sa réaffectation. La requérante a expliqué qu’elle ne connaissait pas les politiques en vigueur et a soumis une nouvelle demande auprès des autorités compétentes[9]. Dans sa déclaration, le surintendant Floyd a dit : [TRADUCTION] « vous savez, il [il] semble y avoir une certaine continuité dans [dans] les circonstances dans lesquelles elle a présenté des demandes auxquelles elle n’avait pas droit dans certains cas [
sic tout au long du texte] »
[10].
[58] Le 24 mai 2019, le surintendant Floyd a envoyé un courriel à l’ensemble de l’unité pour rappeler les attentes en matière de contrôle des dépenses et d’autorisations par le commandant de l’unité[11].
[59] Le représentant de l’intimée fait valoir qu’il n’y avait aucune raison d’ouvrir une enquête au titre du code de déontologie alors que la requérante avait assumé ses responsabilités et corrigé ses demandes de remboursement. Je pourrais être d’accord avec cette affirmation après la première révélation de dépenses douteuses en avril 2019. Cependant, lorsque la requérante a également présenté des demandes de remboursement douteuses liées à son travail sur le dossier d’enquête spécial dont le caporal Bandurak a parlé au surintendant Floyd le 3 mai 2019, et lorsque le surintendant Floyd s’est entretenu à nouveau avec la requérante à la fin du mois de mai 2019 afin de rectifier une demande de remboursement d’heures supplémentaires, il disposait certainement de suffisamment d’informations pour croire raisonnablement qu’il y avait une violation potentielle du code de déontologie qui nécessitait une enquête plus approfondie. À cet égard, je souligne en particulier la reconnaissance par le surintendant Floyd qu’il [TRADUCTION] « semblait y avoir une continuation de [de] [sic] circonstances dans lesquelles [la requérante] présentait des réclamations auxquelles elle n’avait pas droit dans certains cas »
et le fait qu’il déclare que des questions d’« honnêteté et d’intégrité »
avaient été soulevées.
[60] De plus, je suis d’accord avec le représentant de la requérante sur le fait que le courriel envoyé par le surintendant Floyd au sergent d’état-major Begg le 18 avril 2019 expose précisément la teneur de l’allégation portée contre la requérante, à savoir qu’elle [TRADUCTION] « a déclaré des dépenses à Prince George comme si elle travaillait principalement à [Fort St.] John et des frais de déplacement vers [Fort St.] John, qui serait son “domicile” »
[12]. Le surintendant Floyd a donné plus de détails dans un échange de courriels ultérieur avec le gendarme Cox, de l’intégrité financière du Groupe fédéral des crimes graves et du crime organisé, expliquant qu’il considérait les dépenses d’avril 2019 comme une [TRADUCTION] « double facturation »[13].
[61] Le surintendant Floyd a eu plusieurs conversations au sujet des demandes de remboursement de frais de la requérante et de leur légitimité au printemps 2019. La validité éthique des demandes a été spécifiquement soulevée à ce moment-là, ce qui m’empêche donc de conclure que le surintendant Floyd n’avait pas envisagé la possibilité ni constaté l’apparence d’une violation du code de déontologie. En effet, le caporal Smith et le caporal Bandurak ont tous deux fait part de leurs soupçons au surintendant Floyd[14]. Il était donc de son devoir d’approfondir la question à ce moment-là.
[62] En fait, lorsque le surintendant Floyd a appris par le caporal Bandurak que la requérante réclamait des frais de déplacement pour son travail à Prince George, il a indiqué qu’il était déjà au courant des problèmes liés aux demandes de remboursement de frais[15].
[63] Le surintendant Floyd n’avait pas besoin d’être au courant de tous les détails, il devait simplement être informé de l’identité du membre et de la nature générale de l’infraction apparente. Il ressort clairement du dossier qu’au plus tard à la fin du mois de mai 2019, le surintendant Floyd avait une connaissance suffisante, en tant qu’autorité disciplinaire, d’une apparence d’infraction au code de déontologie. Une enquête aurait dû être ouverte à ce moment-là afin de déterminer toute l’étendue du problème.
[64] Je suis également d’accord avec le représentant de la requérante sur le fait que, pour que le surintendant Floyd « examine » les demandes de remboursement de frais de la requérante et ses interactions avec elle après le dépôt de la plainte pour harcèlement à son encontre, il devait en avoir connaissance auparavant. Je comprends la position du représentant de l’intimée selon laquelle le surintendant Floyd n’était peut-être pas au courant des frais de recherche d’un logement et de déménagement de la requérante, et je conviens que seul cet examen aurait permis de découvrir ces informations. Cependant, comme mentionné, le surintendant Floyd disposait de suffisamment d’informations avant cet examen, et une enquête menée au moment où il a initialement pris connaissance de la violation potentielle du code de déontologie aurait permis de mettre au jour toute préoccupation concernant d’autres demandes de remboursement de frais.
[65] Par conséquent, je conclus que le surintendant Floyd disposait, à la fin du mois de mai 2019, de suffisamment d’informations pour savoir que la requérante semblait avoir enfreint le code de déontologie en présentant des demandes de remboursement de frais inappropriées. Je conclus donc que le délai de prescription pour l’allégation en l’espèce a commencé à courir au plus tard le 31 mai 2019.
[66] Je conviens qu’en l’espèce l’autorité disciplinaire de niveau III a demandé et obtenu plusieurs prolongations du délai de prescription concernant l’allégation figurant dans l’avis à l’officier désigné, daté du 21 juillet 2023. Toutefois, aucune prolongation du délai entre mai 2019 et le 29 juin 2020 n’a jamais été accordée, malgré les observations de la requérante à cet égard. La première prolongation du délai a été accordée le 21 juin 2021, soit plus de deux ans après la date de déclenchement du délai de prescription du 31 mai 2019.
DÉCISION
[67] Après avoir examiné attentivement le dossier, je conclus que l’audience disciplinaire visant la requérante a été intentée après l’expiration du délai d’un an prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC. Il incombait à l’intimée de prouver que le délai prescrit avait été respecté en l’espèce; toutefois, je conclus qu’elle ne s’est pas acquittée de ce fardeau.
[68] De ce fait, la requête est accueillie et l’allégation contre la requérante est rejetée.
[69] Par conséquent, je n’ai pas à me prononcer sur la demande de l’intimée visant à retirer certains éléments de l’avis d’audience disciplinaire.
DIRECTIVES
[70] Conformément au paragraphe 25(2) des CC (déontologie), la présente décision prend effet dès qu’une copie est signifiée à la requérante.
[71] La présente décision constitue une décision définitive et met fin à la procédure engagée contre la requérante.
[72] Il est rappelé aux parties que l’article 45.11 de la Loi sur la GRC énonce les dispositions relatives à l’appel de la présente décision. De plus, les règles régissant un tel appel sont énoncées dans les Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.
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Le 4 juin 2025 |
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Sandra Weyand Comité de déontologie |
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Date |
[1] La commandante de la Division K et la gendarme Michelle Phillips, 2018 DARD 20 [Phillips], au paragraphe 204.
[2] Philips, au paragraphe 191; Gendarme Cameron Lang, 2024 DAD 02, au paragraphe 57.
[3] Phillips, au paragraphe 208.
[4] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 1912.
[5] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 2146.
[6] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 2147.
[7] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 2158.
[8] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 2175.
[9] Déclaration de Ken Floyd - juin 2021, page 9.
[10] Déclaration de Ken Floyd - juin 2021, page 9.
[11] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 2341.
[12] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 1912.
[13] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, page 2334.
[14] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, pages 1976 et 1886.
[15] Documents provenant du rapport supp. combiné-expurgé, pages 2175 et 1878.