Déontologie
Informations sur la décision
Le 10 juillet 2024, un Avis d’audience disciplinaire a été signifié au gendarme Terrance Justin Sanford. L’avis contenait deux infractions présumées à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC : le gendarme Sanford aurait tenu des propos inappropriés à caractère sexuel et se serait exhibé devant deux autres membres.
Le 5 mai 2025, après avoir entendu six témoins, dont le gendarme Sanford, le comité de déontologie a conclu que les deux allégations étaient fondées.
Le 8 mai 2025, le comité de déontologie a entendu les observations des parties sur les mesures disciplinaires. Par la suite, le 9 mai 2025, le comité de déontologie a ordonné au gendarme Sanford de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié de la GRC.
Contenu de la décision
Protégé A
Dossier no 202333849
2025 DAD 09
Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante, la gendarme T.D., ou de l’un des témoins, le caporal B.G.
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Dans l’affaire d’une
audience disciplinaire tenue au titre de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10
Entre :
l’autorité disciplinaire désignée de la Division H
(Autorité disciplinaire)
et
le gendarme Terrance Justin Sanford
matricule 64309
(Membre visé)
|
DÉCISION DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE |
Sabine Georges et Jon Soltys
(Représentants de l’autorité disciplinaire)
Nasha Nijhawan
(Représentante du membre visé)
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE : Sandra Weyand
DATE : 17 juillet 2025
TABLE DES MATIÈRES
Détermination des faits établis
Évaluation de la crédibilité et de la fiabilité
Critère relatif à la conduite déshonorante
Définition de harcèlement sexuel
L’identité du membre a-t-elle été établie?
Les détails ont-ils bien eu lieu comme il est allégué?
La GRC a-t-elle un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à l’endroit du membre?
L’identité du membre a-t-elle été établie?
Les détails ont-ils bien eu lieu comme il est allégué?
La GRC a-t-elle un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à l’endroit du membre?
Son comportement constituait-il également du harcèlement sexuel?
Arguments des représentants de l’autorité disciplinaire
Arguments de la représentante du membre visé
Analyse des mesures disciplinaires
Éventail des mesures disciplinaires
RÉSUMÉ
Le 10 juillet 2024, un Avis d’audience disciplinaire a été signifié au gendarme Terrance Justin Sanford. L’avis contenait deux infractions présumées à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC : le gendarme Sanford aurait tenu des propos inappropriés à caractère sexuel et se serait exhibé devant deux autres membres.
Le 5 mai 2025, après avoir entendu six témoins, dont le gendarme Sanford, le comité de déontologie a conclu que les deux allégations étaient fondées.
Le 8 mai 2025, le comité de déontologie a entendu les observations des parties sur les mesures disciplinaires. Par la suite, le 9 mai 2025, le comité de déontologie a ordonné au gendarme Sanford de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il serait congédié de la GRC.
INTRODUCTION
[1] Le 5 décembre 2023, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 18 décembre 2023, j’ai été nommée au comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 [Loi sur la GRC].
[2] Le 10 juillet 2024, le gendarme Terrance Justin Sanford a reçu un avis d’audience disciplinaire daté du 17 juin 2024 ainsi que le dossier d’enquête. L’avis contient deux allégations de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, soit l’une pour avoir fait des commentaires inappropriés à caractère sexuel et l’autre, pour s’être exhibé devant deux autres membres.
[3] Le 8 août 2024, le gendarme Sanford a fourni ses réponses aux allégations, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291.
[4] Le 28 février 2025, j’ai rendu la Détermination des faits établis.
[5] L’audience disciplinaire s’est tenue en personne à Sydney (Nouvelle-Écosse) du 29 avril 2025 au 2 mai 2025. J’ai alors entendu les témoignages de six témoins, dont celui du gendarme Sanford.
[6] L’audience disciplinaire s’est ensuite poursuivie virtuellement. Le 5 mai 2025, j’ai rendu ma décision orale concernant les allégations, concluant au bien-fondé des allégations selon la prépondérance des probabilités.
[7] Le 8 mai 2025, j’ai entendu les observations des parties quant aux mesures disciplinaires et j’ai rendu ma décision de vive voix le 9 mai. J’ai alors ordonné au gendarme Sanford de démissionner dans les 14 jours suivant la date de la prononciation de ma décision orale, faute de quoi il serait congédié.
[8] La présente décision écrite intègre et approfondit ces décisions rendues de vive voix.
Ordonnance de non-publication
[9] Le 29 avril 2025, au début de l’audience disciplinaire, j’ai rendu une ordonnance interdisant la publication de l’identité de la plaignante aux termes de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, il est interdit de publier, de diffuser ou de transmettre de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’identifier la plaignante, la gendarme T.D.
[10] Le même jour, j’ai également rendu une ordonnance interdisant la publication de l’identité d’un des témoins. Par conséquent, il est interdit de publier, de diffuser ou de transmettre de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’identifier le caporal B.G.
ALLÉGATIONS
[11] Les allégations énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire sont les suivantes :
Énoncé détaillé commun à toutes les allégations
1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et vous travailliez à [détachement], dans la Division H, à titre d’enquêteur aux Services généraux.
Allégation 1 :
Entre le 1er décembre 2020 et le 11 décembre 2022 ou vers cette période, à [lieu] ou dans les environs, en Nouvelle-Écosse, le gendarme Terrance Justin Sanford s’est comporté de manière déshonorante, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.
Détails de l’allégation 1
2. Un jour, à [détachement], vous avez questionné la gendarme [T.D.] sur sa vie sexuelle avec son partenaire, en disant notamment : [TRADUCTION] « Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? » ou des mots en ce sens.
3. La gendarme [T.D.] a répondu en disant être satisfaite sexuellement par son partenaire. Vous avez alors répondu : [TRADUCTION]« Eh bien! Tu ne m’as pas encore baisé », ou des mots en ce sens. La gendarme [T.D.] a répondu sans ambiguïté : [TRADUCTION] « Eh bien, ça n’arrivera jamais ».
4. Durant un quart de nuit, vous travailliez avec la gendarme [T.D.] et vous l’avez amenée à [lieu], un endroit boisé et isolé. Vous avez coupé le moteur du véhicule de police et avez demandé à la gendarme [T.D.] : « Parking? ». Ce terme signifie le fait d’avoir des relations sexuelles dans une voiture garée. Elle a répondu « Non ».
5. Un jour, au [détachement], vous avez vu la gendarme [T.D.] tousser et vous lui avez dit : [TRADUCTION] « Viens ici, je vais te donner quelque chose avec quoi t’étouffer » ou des mots en ce sens, en faisant allusion à une fellation.
6. Une autre fois, au [détachement], vous avez vu la gendarme [T.D.] ramasser un document par terre et vous avez dit : [TRADUCTION] « Oui, c’est ça. Mets-toi à genoux », ou des mots en ce sens.
7. [Le caporal B.G.] a entendu cela et vous a averti que vous ne pouviez pas parler ainsi à la gendarme [T.D.]. La gendarme [T.D.] vous a aussi demandé directement de cesser de lui parler de cette manière.
8. Pendant un quart de nuit au [détachement], la gendarme [T.D.] tentait de se reposer. Vous êtes entré dans la pièce où elle se reposait et lui avez dit : [TRADUCTION] « La prochaine fois que tu voudras te reposer, pourrais-tu le faire avec moins de vêtements? », ou des mots en ce sens.
9. Un matin, vous avez remarqué que la gendarme [T.D.] avait renversé du café sur son pantalon et vous lui avez demandé : [TRADUCTION] « As-tu coulé partout sur ta jambe? », ou des mots en ce sens.
10. À une autre occasion, vous avez demandé à vos collègues : [TRADUCTION] « Avez-vous déjà pensé ce que ce serait que de baiser [la gendarme T.D.]? », ou des mots en ce sens.
11. Une autre fois, vous avez offert des raisins à la gendarme [T.D.] et, lorsqu’elle en a mangé, vous lui avez dit : [TRADUCTION] « Tu peux gérer deux boules dans ta bouche », ou des mots en ce sens, en faisant allusion à deux testicules.
12. [Détail retiré par l’autorité disciplinaire le 30 avril 2025.]
13. Votre comportement envers la gendarme [T.D.] a été tout à fait inapproprié. Ce comportement équivaut à du harcèlement sexuel et à une conduite déshonorante.
Allégation 2 :
Entre le 1er décembre 2020 et le 1er janvier 2022 ou vers cette période, à [lieu] ou dans les environs, en Nouvelle-Écosse, le gendarme Terrance Justin Sanford s’est comporté de manière déshonorante en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.
Détails de l’allégation 2
14. À une occasion, vous travailliez avec la gendarme [T.D.] et le caporal [B.G.] dans la salle commune lorsque vous avez fait référence à la taille de votre pénis en disant que celui-ci était votre [TRADUCTION] « troisième jambe ».
15. En réponse, le caporal [B.G.] a déclaré : [TRADUCTION] « Bon Dieu! J’en peux plus de t’entendre tout le temps parler de ta soi-disant grosse bite! »
16. [Le caporal B.G.], fatigué de vos commentaires sexuels importuns, a déclaré : [TRADUCTION] « Tais-toi ou prouve-le », dans l’espoir de vous faire enfin changer de sujet.
17. En guise de réponse, vous vous êtes levé, avez détaché votre ceinture, baissé votre pantalon et exposé votre pénis au caporal [B.G.] et à la gendarme [T.D.].
18. Votre comportement envers le caporal [B.G.] et la gendarme [T.D.] a été tout à fait inapproprié. Ce comportement équivaut à du harcèlement sexuel et à une conduite déshonorante.
[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]
Détermination des faits établis
[12] Le 28 février 2025, j’ai rendu la Détermination des faits établis. À la suite de l’audience disciplinaire, j’ai fourni d’autres constatations de fait, que je présenterai plus loin dans la présente décision.
[13] Les faits exposés dans la Détermination des faits établis sont les suivants :
-
Au moment des faits, le gendarme Sanford était membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et travaillait à [détachement], dans la Division H, à titre d’enquêteur aux Services généraux.
Faits se rapportant à l’allégation 1
-
Un jour, à [lieu du détachement], le gendarme Sanford a demandé à la gendarme [T.D.] : [TRADUCTION]
« Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? »
ou des mots en ce sens. -
Durant un quart de nuit, le gendarme Sanford travaillait avec la gendarme [T.D.] et l’a amenée à [lieu], un endroit boisé et isolé.
Faits se rapportant à l’allégation 2
-
À une occasion, le gendarme Sanford travaillait avec la gendarme [T.D.] et le caporal [B.G.] dans la salle commune. La conversation a dérivé sur la taille du pénis du gendarme Sanford.
-
Le caporal [B.G.] a déclaré : [TRADUCTION]
« Bon Dieu! J’en peux plus de t’entendre tout le temps parler de ta soi-disant grosse bite! »
-
En réponse, le gendarme Sanford s’est levé, a défait sa ceinture et a baissé son caleçon, exposant une partie de son pénis.
Éléments de preuve
[14] Le dossier dont je dispose contient le Rapport d’enquête sur le Code de déontologie, y compris ses annexes, ainsi que la réponse du gendarme Sanford aux allégations au titre du paragraphe 15(3), y compris des photos et des textos à l’appui de sa réponse.
[15] Lors de l’audience disciplinaire, j’ai entendu les témoignages oraux de la gendarme T.D., du caporal B.G. et du gendarme Wesley Shanahan à l’appui des arguments de l’autorité disciplinaire, ainsi que ceux du gendarme Aaron Brown, de Mme Christina Sanford et du gendarme Sanford à l’appui des arguments du membre visé.
[16] Pour parvenir à mes conclusions sur les allégations, j’ai examiné ma Détermination des faits établis conjointement avec le dossier et les témoignages oraux reçus lors de l’audience disciplinaire.
Évaluation de la crédibilité et de la fiabilité
[17] Cette affaire repose en grande partie sur une évaluation de la crédibilité. Comme le souligne la représentante du membre visé, lorsqu’il existe deux versions contradictoires d’un même incident, il faut déterminer laquelle des deux est la plus crédible.
[18] Pour évaluer la crédibilité d’un témoin, je dois me demander s’il dit la vérité et si son témoignage est digne de foi (c’est-à-dire si le témoin est en mesure de percevoir correctement ce qu’il a observé et de s’en souvenir). Il m’arrive parfois de conclure que le témoignage d’un témoin est sincère, mais non fiable. De plus, je peux accepter une partie ou la totalité de la déposition d’un témoin sur un point donné ou bien l’écarter.
[19] La Cour d’appel de la Colombie-Britannique souligne qu’on ne peut pas évaluer un témoignage uniquement en fonction du comportement du témoin, c’est-à-dire sur le fait que ce dernier semble dire la vérité. Le juge des faits doit plutôt déterminer si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances.
[20] Enfin, la question de savoir si le récit du témoin a une « apparence de vraisemblance » est subjective, mais, pour y répondre, il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve.
[21] La Cour suprême du Canada note qu’une conclusion selon laquelle une partie est crédible peut fort bien être décisive, parce que le fait de « croire une partie suppose explicitement ou non que l’on ne croit pas l’autre sur le point important en litige »[1].
[22] C’est particulièrement le cas lorsque le défendeur nie en bloc les allégations, comme c’est le cas dans la présente affaire en ce qui concerne la plupart des détails.
[23] Pour évaluer la crédibilité de chaque témoin, j’ai pris en considération plusieurs facteurs énoncés dans la jurisprudence, notamment :
-
la capacité et l’occasion du témoin d’avoir observé les événements en cause;
-
la capacité du témoin de se souvenir de ces événements;
-
la capacité du témoin de ne pas se laisser influencer par son intérêt à se souvenir de ces événements;
-
les incohérences internes et externes dans le témoignage du témoin, ou en d’autres termes, si son témoignage a changé au fil du temps;
-
si le témoignage du témoin concorde avec d’autres preuves ou s’il les contredit, en particulier les preuves indépendantes ou incontestées;
-
si le témoignage du témoin semble déraisonnable, improbable ou peu probable;
-
le comportement du témoin pendant son témoignage (ce qui doit être abordé avec circonspection).
[24] Je vais présenter mon évaluation de la crédibilité et de la fiabilité de chaque témoin avant de procéder à une analyse complète des allégations.
Caporal B.G.
[25] Le caporal B.G. a été très direct et précis dans son témoignage concernant l’allégation 2. Il n’avait pas beaucoup à dire au sujet de l’allégation 1, déclarant souvent [TRADUCTION] « je ne me souviens pas »
. Il n’a pas caché être un ami proche du gendarme Sanford. Cela dit, je ne pense pas qu’il ait adapté son témoignage de manière à favoriser son ami. Cependant, je n’ai pas non plus trouvé qu’il cherchait à se souvenir des commentaires faits par le gendarme Sanford lorsqu’on lui a posé des questions insistantes. Il a simplement répondu rapidement qu’il ne s’en souvenait pas. Dans l’ensemble, j’ai trouvé son témoignage sur les éléments qu’il a pu partager crédible et fiable.
Gendarme Shanahan
[26] Le gendarme Shanahan a pris son temps pour répondre aux questions qui lui ont été posées et semblait fournir ses réponses au mieux de ses capacités, déclarant [TRADUCTION] « je ne me souviens pas »
lorsque c’était le cas.
[27] La représentante du membre visé souhaite que je conclue que son témoignage n’est pas fiable parce qu’il a pris son temps à répondre. Je ne suis pas d’accord.
[28] J’ai trouvé que le gendarme Shanahan était attentif pendant son témoignage, prenant soin de se souvenir avec précision de tout incident ou commentaire. Bien qu’on l’ait pressé sur la question de son souvenir personnel des faits, il a confirmé ce dont il se souvenait. Il faut reconnaître en sa faveur qu’il n’a pas formulé de suppositions et qu’il a été cohérent tout au long de ses déclarations.
[29] La représentante du membre visé a également dit de lui qu’il était un témoin très influençable, en faisant précisément référence au fait que l’enquêteur de l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave lui avait suggéré qu’il avait entendu une remarque précise plutôt que de s’en être souvenu personnellement. Comme je l’expliquerai plus en détail dans mon analyse de ce point particulier, je ne partage pas cette conclusion. J’ai trouvé le témoignage du gendarme Shanahan crédible et fiable.
Gendarme Brown
[30] Je ne mentionne que brièvement le gendarme Brown étant donné que, bien qu’il ait témoigné pendant la phase des allégations de l’audience, il n’a fourni aucune preuve directe concernant les détails exposés dans l’Avis d’audience disciplinaire. Il a toutefois fourni des preuves de moralité sans détour, et je l’ai trouvé crédible et fiable à cet égard.
Madame Sanford
[31] En ce qui concerne le témoignage de Mme Sanford, je souligne que j’accorde très peu de crédit à ses déclarations lorsque celles-ci portent sur des incidents et de l’information qui lui ont été rapportés par son mari.
[32] J’ai toutefois trouvé Mme Sanford crédible et fiable, car elle m’a semblé sûre d’elle, éloquente et ferme. Par conséquent, lorsque son témoignage portait sur sa connaissance directe des événements ou sur la personnalité de son mari, je l’ai accepté.
Gendarme Sanford
[33] Le gendarme Sanford a nié d’emblée la plupart des allégations. De plus, il a parfois semblé privilégier sa propre protection. Par exemple, il a catégoriquement affirmé tout dire à son épouse. Cependant, lorsqu’il a raconté l’incident durant lequel il s’est exhibé (allégation 2), on lui a demandé s’il avait dit à son épouse avoir davantage participé à la discussion que ce qu’il lui avait affirmé précédemment, et il a alors admis ne pas l’avoir fait. Cette omission m’inquiète beaucoup, car cela révèle que le gendarme Sanford semble choisir une version des faits plus avantageuse pour lui lorsqu’il raconte les incidents.
[34] J’ai constaté qu’il minimisait sa responsabilité quant à ses actions et que son langage corporel et son ton changeaient pendant le contre-interrogatoire. De plus, il semblait parfois irrité; par exemple, à un moment donné, il a déclaré avec exaspération en avoir assez que les représentants de l’autorité disciplinaire reviennent toujours sur le même point[2].
[35] En outre, j’ai constaté que le gendarme Sanford ne semblait pas comprendre la gravité des allégations le concernant. Je l’ai vu rire lorsque le caporal B.G. témoignait au sujet de certains commentaires et blagues qui avaient été faits au détachement.
[36] J’ai trouvé que le gendarme Sanford s’exprimait bien et était sûr de lui. Cela dit, je l’ai trouvé émotif, ce qui se comprend vu la situation périlleuse dans laquelle il se trouve et des commentaires ou des actions qu’il a racontés et qui ont déclenché chez lui des traumatismes passés. Dans l’ensemble, je l’ai trouvé crédible, mais je m’interroge sur la fiabilité de son témoignage.
Gendarme T.D.
[37] J’ai trouvé que la gendarme T.D. était calme et posée pendant son témoignage difficile et chargé d’émotion. Je l’ai trouvée sincère et honnête. Elle semblait attentive, écoutait les questions et y répondait de manière exhaustive. Elle est restée respectueuse tout au long de l’audience et n’a pas flanché lors du contre-interrogatoire. Son langage corporel est resté le même pendant l’interrogatoire principal et le contre-interrogatoire. J’ai trouvé qu’elle était éloquente et qu’elle faisait de son mieux pour se souvenir des incidents et répondre aux questions.
[38] La représentante du membre visé a suggéré que l’incapacité de la gendarme T.D. à préciser les dates nuisait à sa crédibilité, tout comme d’autres incohérences dans son témoignage. À cet égard, la représentante du membre visé a mentionné qu’il y avait eu des changements dans ses déclarations au fil du temps.
[39] Les représentants de l’autorité disciplinaire, quant à eux, soulignent que les souvenirs d’un témoin n’ont pas besoin d’être parfaits. De plus, ils ont déclaré qu’il serait injuste d’imposer un tel fardeau à un plaignant, compte tenu de la capacité normale de l’être humain à se souvenir et à reconstituer les faits.
[40] Dans le cas de la gendarme T.D., elle a dû fournir plusieurs déclarations au cours des dernières années. Certains enquêteurs étaient plus minutieux que d’autres et avaient des styles d’interrogation différents. De plus, la gendarme T.D. a eu droit à des délais différents pour réfléchir aux détails de chacun des incidents présumés.
[41] Plus précisément, la gendarme T.D. a fourni des déclarations couvrant une période de deux années et demie. Il n’est pas déraisonnable qu’elle ait réfléchi davantage à chaque incident au fil du temps. Parallèlement, les souvenirs s’estompent, de sorte que l’on peut se rappeler plus de détails, mais avec moins de précision.
[42] La gendarme T.D. a expliqué que les différents entretiens avaient mis l’accent sur différents éléments. Par exemple, l’entretien mené par l’Équipe d’intervention en cas d’incident grave était axé sur le fondement de l’allégation 2. Ainsi, la gendarme T.D. n’a pas fourni, à ce moment-là, autant de détails sur les propos présumés tenus que lorsqu’elle a rédigé son rapport d’incident pour le processus du Centre indépendant de résolution des plaintes de harcèlement, qui était beaucoup plus détaillé en ce qui concerne le contexte de chaque commentaire présumé.
[43] De plus, la gendarme T.D. a expliqué qu’elle n’avait pas pris de notes, qu’elle vivait beaucoup de stress et qu’elle était en dépression durant la période qui a suivi les incidents, lorsqu’on lui a demandé de se souvenir des événements.
[44] La gendarme T.D. a été honnête en disant que ses interprétations étaient fondées sur ses expériences et sa perception des choses et qu’elle ne pouvait pas confirmer les véritables intentions du gendarme Sanford. Elle était disposée à envisager d’autres interprétations des événements, ce qui va à l’encontre de ses propres intérêts et vient renforcer sa crédibilité.
[45] Finalement, je dois décider si le témoignage de la gendarme T.D. a été cohérent sur les questions essentielles. Je conclus qu’il l’a été. Elle s’est souvenue de détails précis concernant les éléments fondamentaux, et ces détails sont restés cohérents au fil du temps. Je conclus que les incohérences ou les incertitudes concernant des dates précises ou des détails mineurs sont de nature secondaire. J’estime que la gendarme T.D. a été un témoin crédible et fiable.
[46] La représentante du membre visé a suggéré que la gendarme T.D. avait peut-être été influencée par son petit ami pour soulever les allégations. Or, je trouve cela purement spéculatif. Je reconnais, comme l’a souligné la représentante du membre visé, que l’enquête dans ce dossier présente des insuffisances, et j’en tiendrai compte lorsque j’examinerai si l’autorité disciplinaire s’est acquittée du fardeau de la preuve qui lui incombait. Toutefois, je n’accepte pas l’idée que la gendarme T.D. a été guidée par quelqu’un ou quelque chose d’autre que ses propres expériences lorsqu’elle a introduit cette affaire. On ne m’a présenté aucune preuve qui suggérerait le contraire.
[47] En conséquence, au vu de l’ensemble des éléments de preuve dont je dispose, lorsque je n’ai que les témoignages divergents des gendarmes Sanford et T.D. sur une allégation donnée, j’accorde la préférence au témoignage de la gendarme T.D. Je rappelle que les éléments de preuve fournis doivent néanmoins être clairs, cohérents et convaincants, et qu’ils peuvent être contestés par des preuves documentaires ou d’autres éléments de preuve contraires.
Analyse
Critère relatif à la conduite déshonorante
[48] Selon l’article 7.1 du Code de déontologie, « [l]es membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie »
. Cela signifie que les membres, qu’ils soient en service ou non, sont tenus de réfléchir à la manière dont leurs actions et leurs comportements peuvent nuire à leur crédibilité et à la confiance du public envers la GRC.
[49] Pour satisfaire au critère relatif à la conduite déshonorante selon le paragraphe 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :
-
l’identité du membre;
-
les détails des allégations qui constituent les comportements allégués;
-
si une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et de celles de la GRC en particulier, serait d’avis que la conduite du membre visé est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, compte tenu des attentes raisonnables de la collectivité à l’égard du comportement des policiers;
-
si le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un motif légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.
[50] Pour établir les actes constituant le comportement allégué, il faut démontrer que les faits particuliers essentiels aux allégations se sont bel et bien produits. Il n’est pas nécessaire d’établir chaque détail; il suffit que les faits démontrés satisfassent au critère de la conduite déshonorante.
[51] La question de savoir si un comportement est déshonorant relève du droit et doit être tranchée dans le contexte précis et compte tenu de toutes les circonstances de l’affaire. En outre, le terme « déshonorant », vu son sens naturel et courant, doit être appliqué en relation avec les obligations et devoirs particuliers de la profession.
[52] Il incombe à l’autorité disciplinaire de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’allégation est fondée. Selon la Cour suprême du Canada, « […] la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités […] »
[3].
[53] Avant de me pencher sur les allégations, je tiens à souligner que, bien que les contraventions au Code de déontologie aient été qualifiées de manquements à l’article 7.1, l’autorité disciplinaire a également précisé que les actes allégués constituaient du harcèlement sexuel, intégrant ainsi des éléments du critère prévu à l’article 2.1 du Code de déontologie dans l’analyse. Toutefois, je n’ai pas besoin de conclure que les contraventions alléguées constituent du harcèlement sexuel pour établir les allégations en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie.
[54] De plus, la formulation des allégations rend l’analyse quelque peu fastidieuse. À l’avenir, j’encourage l’autorité disciplinaire à analyser en profondeur les faits de chaque affaire afin d’identifier la section appropriée du Code de déontologie dans laquelle inscrire une allégation. Le harcèlement sexuel en milieu de travail constitue une allégation à part entière et n’est généralement pas utilisé pour accroître la gravité des actes dans le cadre d’une analyse au titre de la section 7.1, comme cela a été présenté ici. Néanmoins, j’intégrerai la composante de harcèlement sexuel dans mon évaluation, étant donné qu’elle est présentée ainsi dans les détails.
Définition de harcèlement sexuel
[55] Compte tenu de la composante de harcèlement sexuel, je souhaite définir ce qu’est le harcèlement sexuel avant de me lancer dans l’analyse des allégations.
[56] Au moment des faits, la politique applicable de la GRC était en cours de mise à jour afin de refléter les modifications apportées au Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2 (Code canadien du travail). De plus, le chapitre XII.8 du Manuel d’administration de la GRC, « Enquêtes relatives aux plaintes de harcèlement et règlement », a été abrogé en janvier 2021 et remplacé par le chapitre 2.1, « Politique de prévention, d’enquête et de résolution des situations de harcèlement et de violence au travail », à la fin de juillet 2021.
[57] Bien que le chapitre 2.1 du Manuel d’administration ne soit entré en vigueur que le 30 juillet 2021, le Code canadien du travail s’appliquait à la GRC en tant qu’employeur sous réglementation fédérale depuis janvier 2021.
[58] Puisque les incidents en question se sont produits entre le début de 2021 et décembre 2022, la définition de harcèlement sexuel figurant au chapitre 2.1. du Manuel d’administration, à la section 2.1.25 (version du 30 juillet 2021) peut servir. Elle se lit comme suit :
2. 1. 25. Harcèlement sexuel : tout comportement, commentaire, geste ou contact à caractère sexuel susceptible d’offenser ou d’humilier un employé ou pouvant, pour des motifs raisonnables, être perçu par cet employé comme une condition de nature sexuelle nécessaire pour obtenir un emploi, une promotion ou pour suivre un programme de formation.
[59] La définition donnée au chapitre 2.1 du Manuel d’administration constitue un bon indicateur de la manière dont le harcèlement sexuel peut être défini dans le contexte du Code canadien du travail. Cela dit, étant donné que la politique n’était pas en vigueur au moment où les incidents présumés se sont produits, je tiendrai également compte des définitions établies à l’époque par le Conseil du Trésor ainsi que de la jurisprudence existante.
[60] De plus, le Conseil du Trésor et la GRC ont également accepté la définition du harcèlement sexuel en milieu de travail formulée par la Cour suprême du Canada :
[…] le harcèlement sexuel en milieu de travail peut se définir de façon générale comme étant une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour les victimes du harcèlement[4].
[61] Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (version de novembre 2014), à la page 13, précise en outre ce qui suit à propos du harcèlement sexuel :
[…] tout comportement, commentaire, geste ou contact à caractère sexuel susceptible d’offenser ou d’humilier un employé ou pouvant, pour des motifs raisonnables, être perçu par cet employé comme une condition de nature sexuelle nécessaire pour obtenir un emploi, une promotion ou pour suivre un programme de formation. […]
[62] De plus, je note que la jurisprudence, comme les décisions Foerderer[5] et CUPE[6], indique clairement que l’absence d’intention de nuire ne dégage pas la personne de sa responsabilité.
[63] De manière générale, les détails qui constituent les comportements allégués sont que le gendarme Sanford a fait plusieurs commentaires inappropriés à la gendarme T.D. ou à son sujet et qu’il s’est exhibé au détachement. En appliquant le critère de l’article 7.1 du Code de déontologie, j’examinerai chaque incident allégué tel qu’il est décrit dans l’Avis d’audience disciplinaire afin de déterminer si les actes se sont produits tels qu’ils sont allégués.
Allégation 1 :
L’identité du membre a-t-elle été établie?
[64] L’identité du gendarme Sanford n’est pas remise en question. Par conséquent, le premier volet du critère à appliquer relativement à une conduite déshonorante est rempli pour l’allégation 1.
Les détails ont-ils bien eu lieu comme il est allégué?
[65] Le détail 2, qui décrit le premier incident, concerne la seule déclaration que le gendarme Sanford admet avoir faite. Plus précisément, le gendarme Sanford a demandé à la gendarme T.D. : [TRADUCTION] « Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? »
Bien qu’il admette avoir posé cette question, le gendarme Sanford remet en question le contexte dans lequel il l’a fait et, plus précisément, le fait que la question ait été de nature sexuelle.
[66] Le gendarme Sanford explique que cette remarque a été faite lors de sa toute première conversation avec la gendarme T.D. Il précise que les deux avaient discuté de leur expérience respective à la Division Dépôt, ce qui avait incité la gendarme T.D. à donner plus de détails sur sa relation épisodique avec son petit ami, son orientation sexuelle et son infidélité dans le cadre de cette relation, ses problèmes de santé mentale, ainsi que le fait qu’elle et son petit ami s’étaient rencontrés lors d’une relation sexuelle à trois.
[67] En ce qui concerne ce dernier point, le gendarme Sanford a déclaré que la gendarme T.D. lui avait demandé si son épouse et lui avaient déjà eu des relations sexuelles à trois. Il affirme avoir interprété cette question comme une proposition de la gendarme T.D. de se joindre à lui et à son épouse pour une relation sexuelle à trois. Le gendarme Sanford ajoute qu’il ne voulait pas aborder ce sujet et qu’il a tenté de détourner la conversation en demandant : [TRADUCTION] « Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? ».
Il explique que cette remarque faisait référence au fait que la gendarme T.D. abordait plusieurs sujets et passait du coq à l’âne. Il admet également que la gendarme T.D. avait répondu qu’elle était sexuellement satisfaite par son petit ami.
[68] La gendarme T.D. confirme que les deux parlaient de leur expérience à la Division Dépôt, ainsi que de sa situation amoureuse et des relations sexuelles à trois. Elle admet avoir été très ouverte et avoir partagé des détails personnels avec le gendarme Sanford et d’autres personnes en général. Elle déclare que le gendarme Sanford lui avait demandé si son petit ami était beaucoup plus âgé qu’elle, et qu’elle lui avait répondu qu’il avait environ 20 ans de plus qu’elle. Le gendarme Sanford lui a ensuite demandé si son petit ami parvenait à la suivre, ce qu’elle a interprété comme une référence sexuelle à laquelle elle a donc répondu en disant qu’il était le meilleur amant qu’elle ait jamais eu et que cela ne posait aucun problème.
[69] Bien que les deux récits divergent légèrement sur les détails exacts de la conversation, les deux s’accordent pour dire qu’ils parlaient de la relation de la gendarme T.D. avec son petit ami et que la conversation contenait des références sexuelles, le gendarme Sanford et la gendarme T.D. ayant tous deux confirmé que le sujet des relations sexuelles à trois avait été abordé.
[70] J’ai déjà établi en tant que fait avéré que le commentaire [TRADUCTION] « Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? »
a été prononcé, et le gendarme Sanford l’a admis. Je constate que les récits des gendarmes Sanford et T.D. concernant cette conversation font tous deux référence à des sujets à caractère sexuel et qu’ils s’accordent pour dire que la réponse de la gendarme T.D. à la question posée était que son petit ami était son meilleur amant à vie, ce qui corrobore l’interprétation de la gendarme T.D. selon laquelle la question du gendarme Sanford portait sur la capacité de son petit ami à suivre son rythme sur le plan sexuel.
[71] Je constate en outre que, compte tenu des sujets dont ils discutaient, la question pouvait très bien être interprétée comme étant de nature sexuelle. En fait, si l’on considère que le récit du gendarme Sanford sur les détails de la conversation est véridique, il a interprété la question de la gendarme T.D. (à savoir s’il avait déjà eu des relations sexuelles à trois avec son épouse) comme une proposition sexuelle de sa part, même s’il a admis qu’elle ne lui a jamais demandé ouvertement si lui et son épouse voulaient avoir des relations sexuelles avec elle. Il a déclaré avoir fait cette déduction en raison du type de conversation qu’ils avaient, à savoir une conversation à caractère sexuel. Par conséquent, je ne vois pas comment il pourrait ne pas comprendre pourquoi la gendarme T.D. a interprété sa question [TRADUCTION] « Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? »
comme une référence sexuelle.
[72] Par conséquent, je conclus que le détail 2 est établi.
[73] Le détail 3 découle de la même conversation décrite au détail 2. Plus précisément, le détail allègue que le gendarme Sanford a ajouté : [TRADUCTION] « Eh bien! Tu ne m’as pas encore baisé »
, ou des mots en ce sens, ce à quoi la gendarme T.D. a répondu : [TRADUCTION] « Eh bien, ça n’arrivera jamais »
.
[74] Le gendarme Sanford nie avoir fait ce commentaire additionnel.
[75] Je préfère le témoignage de la gendarme T.D. à propos de cette conversation. Je trouve que cela correspond à la première partie de la discussion. D’après l’ensemble des éléments de preuve, il est plus probable que le gendarme Sanford ait répondu par une déclaration de ce genre après que la gendarme T.D. a affirmé que son petit ami était le meilleur amant qu’elle ait jamais eu.
[76] Par conséquent, je conclus que le détail 3 est établi selon la prépondérance des probabilités.
[77] Le détail 4 concerne un quart de nuit durant lequel le gendarme Sanford travaillait avec la gendarme T.D. et l’a emmenée dans une zone boisée et isolée. J’ai déjà établi cet élément comme un fait dans ma Détermination des faits établis. Le détail précise ensuite que le gendarme Sanford a coupé le moteur du véhicule de police lorsqu’ils sont arrivés dans la zone boisée, puis a demandé à la gendarme T.D. « Parking? », ce à quoi elle a répondu par la négative.
[78] On m’a expliqué que le terme « parking » fait référence à des actes sexuels menés dans une voiture garée.
[79] Le gendarme Sanford nie avoir fait des déclarations se rapportant au « parking ». Il dit avoir mené la gendarme T.D. à un endroit où il avait déjà effectué des arrestations lors de patrouilles ordinaires. Il dit ne pas avoir arrêté le véhicule ni avoir suggéré le « parking ».
[80] La gendarme T.D. explique que le gendarme Sanford l’a emmenée dans la zone boisée, a stoppé le véhicule, est sorti du véhicule pour uriner et, lorsqu’il est revenu dans la voiture, lui a demandé « Parking? », ce qu’elle a interprété comme une allusion sexuelle étant donné que la voiture était déjà garée et que c’était ainsi qu’elle comprenait cette expression.
[81] Il n’y avait aucun autre témoin présent qui puisse corroborer les témoignages des deux parties. Cependant, dans ce cas-ci, je dispose de preuves documentaires montrant les coordonnées GPS du véhicule de police ainsi que la vitesse à laquelle il roulait et l’heure à laquelle il roulait à cette vitesse.
[82] Selon cette preuve indépendante, la voiture s’est arrêtée dans la zone boisée pendant 32 secondes, ce qui est probablement trop court pour permettre à quelqu’un de sortir du véhicule, d’uriner, puis de revenir pour poser la question à propos du « Parking », comme l’affirme la gendarme T.D. Je trouve donc peu plausible l’affirmation de la gendarme T.D. et je considère comme plus probable celle du gendarme Sanford, qui dit avoir brièvement montré le secteur à la gendarme T.D. avant de faire demi-tour pour se rendre à leur prochaine destination.
[83] Par conséquent, je ne dispose pas de preuves suffisamment claires, convaincantes et probantes pour conclure que le détail 4 est établi.
[84] Je passe maintenant aux détails 5, 6 et 9, que j’aborderai ensemble.
[85] Le détail 5 indique qu’un jour, au détachement, le gendarme Sanford a vu la gendarme T.D. tousser et lui a dit [TRADUCTION] « Viens ici, je vais te donner quelque chose avec quoi t’étouffer »
. Le détail 6 indique qu’à une autre occasion, la gendarme T.D. ramassait un document par terre et le gendarme Sanford lui a alors dit : « Oui, c’est ça. Mets-toi à genoux »
. Le détail 9 fait référence à une occasion où la gendarme T.D. avait renversé du café sur sa jambe et où le gendarme Sanford lui a demandé [TRADUCTION] « As-tu coulé partout sur ta jambe? ».
[86] Le gendarme Sanford nie catégoriquement les trois détails. Aucun témoin n’était présent lorsque ces commentaires auraient été faits, ou aucun témoin ne se souvient de les avoir entendus. Je ne dispose pas non plus de preuves accessoires corroborant ou infirmant la version des faits de la gendarme T.D., qui a expliqué devant moi le contexte dans lequel chacun des commentaires a été formulé. Son récit était clair et convaincant et n’a pas été contesté lors du contre-interrogatoire.
[87] J’ai déjà indiqué que, dans l’ensemble, je préférais la version des faits de la gendarme T.D. Ainsi, en l’absence de preuves contraires, je conclus que les commentaires mentionnés dans les détails ont bien été prononcés comme il est allégué.
[88] Le détail 8 fait référence à un quart de nuit au cours duquel le gendarme Sanford est entré dans un bureau où la gendarme T.D. se reposait et lui a dit : [TRADUCTION] « La prochaine fois que tu voudras te reposer, pourrais-tu le faire avec moins de vêtements? »
[89] La gendarme T.D. explique que cet incident s’est produit très tard dans la nuit. Elle était fatiguée et est allée s’allonger dans le bureau du caporal, qui était vide. Elle déclare que le gendarme Sanford était entré dans le bureau sans frapper ni prévenir et qu’elle avait eu l’impression qu’il essayait de la surprendre dévêtue. Elle précise qu’elle portait son uniforme au complet, y compris ses bottes.
[90] Le gendarme Sanford explique qu’un appel avait été reçu et qu’il était entré dans le bureau parce que la gendarme T.D. ne répondait pas à l’appel de service ni aux coups frappés à la porte. Il affirme qu’elle avait retiré son ceinturon, son gilet pare-balles, ses bottes et son pantalon d’uniforme, et qu’elle ne portait qu’un caleçon long. Il a en outre expliqué que les commentaires concernant l’état de déshabillage de la gendarme T.D. étaient liés au fait qu’elle n’était pas prête à exercer ses fonctions pendant son quart de travail.
[91] Les deux membres se souviennent du contexte de cet incident de manière suffisamment similaire, bien qu’ils ne s’accordent pas sur la façon dont la gendarme T.D. était habillée pendant qu’elle se reposait et sur le commentaire précis fait par le gendarme Sanford. Il suffit de dire que les deux s’accordent pour dire que le commentaire du gendarme Sanford concernait la façon dont la gendarme T.D. était habillée. Que ce soit pour faire allusion à son indisponibilité à répondre à un appel ou pour toute autre raison, le gendarme Sanford a fait un commentaire sur la quantité de vêtements que portait la gendarme T.D. En ce qui concerne ce qui a été dit exactement, j’ai déjà indiqué que je préférais le témoignage de la gendarme T.D. lorsqu’il n’y a pas de témoin et que les deux récits divergent.
[92] Par conséquent, je considère que la version des faits décrite dans le détail 8 s’est déroulée comme il est allégué. Je considère donc que le détail 8 est établi.
[93] Au détail 10, il est allégué que le gendarme Sanford a demandé à deux collègues : [TRADUCTION] « Avez-vous déjà pensé ce que ce serait que de baiser [la gendarme T.D.]? »
[94] Le gendarme Sanford nie d’emblée avoir posé cette question.
[95] Les preuves montrent que les collègues à qui cette question a été posée étaient le caporal B.G. et le gendarme Shanahan. Le gendarme Shanahan se souvient que cette question a été posée, tandis que le caporal B.G. a déclaré dans son témoignage qu’il ne s’en souvenait pas.
[96] Je considère que le gendarme Shanahan n’a aucun motif de fabriquer des preuves. De plus, j’ai déjà discuté des contestations de la représentante du membre visé à l’égard du témoignage de ce dernier dans mon analyse de la crédibilité de ce témoin.
[97] Je suis d’avis que le gendarme Shanahan se souvient personnellement d’avoir entendu le gendarme Sanford poser cette question. Je trouve excessif de suggérer que le gendarme Shanahan a adopté cette version des faits après que quelqu’un lui a dit qu’il avait bel et bien entendu cette conversation. Compte tenu de la nature et de la gravité de la déclaration, je ne pense pas que le gendarme Shanahan aurait dit qu’elle avait été prononcée s’il ne se souvenait pas réellement de l’avoir entendue. Lorsqu’on lui a posé des questions insistantes sur ce point durant son témoignage, le gendarme Shanahan a confirmé se souvenir d’avoir entendu cette question lui être posée.
[98] Ainsi, je conclus que le détail 10 est établi selon la prépondérance des probabilités.
[99] Enfin, le détail 11 fait référence à une occasion où le gendarme Sanford a offert des raisins à la gendarme T.D. et où, lorsqu’elle les a mangés, il aurait dit : [TRADUCTION] « Tu peux gérer deux boules dans ta bouche. »
[100] La gendarme T.D. explique que le gendarme Sanford avait apporté un contenant de raisins au détachement, qu’elle en avait pris deux, les avait mis dans sa bouche et les avait mâchés, et que le gendarme Sanford avait réagi en prononçant cette remarque. Elle a ajouté qu’elle avait interprété le tout comme faisant allusion à deux testicules.
[101] Dans sa réponse écrite aux allégations, le gendarme Sanford déclare ne pas avoir fait cette remarque. Toutefois, durant son témoignage oral à l’audience, il a dit se souvenir d’une occasion où la gendarme T.D. mangeait des raisins et où il lui avait fait remarquer qu’elle en mettait trop dans sa bouche à la fois, car elle les mâchait grossièrement. Il a ajouté avoir parlé du jeu « chubby bunny », dans lequel on met autant de guimauves que possible dans sa bouche, et avoir comparé cela à la façon dont la gendarme T.D. mangeait les raisins.
[102] Comme dans les détails précédents, les gendarmes Sanford et T.D. se souviennent tous deux d’une situation donnée et de commentaires prononcés, mais pas exactement de la même façon; ils s’entendent toutefois pour dire qu’il était question de raisins dans la bouche. D’après mon évaluation de la crédibilité et de la fiabilité, je préfère la version des faits de la gendarme T.D. et, par conséquent, je conclus que le commentaire a été fait comme il est allégué.
[103] Par conséquent, je conclus que le détail 11 est établi.
[104] Pour résumer mes conclusions concernant le deuxième volet du critère prévu à l’article 7.1 concernant l’allégation 1, je conclus que l’autorité disciplinaire a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que les détails 2, 3, 5, 6, 8, 9, 10 et 11 sont établis. J’examinerai le détail 13 lors de mon analyse du troisième volet.
Une personne raisonnable considérerait-elle les agissements du gendarme Sanford comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la GRC?
[105] Avant d’aborder le critère de la personne raisonnable, je vais me pencher sur la composante « harcèlement sexuel » alléguée au détail 13.
[106] Pour que je puisse conclure qu’il y a eu harcèlement sexuel, il me faut établir que les commentaires du gendarme Sanford étaient non sollicités, qu’ils ont offensé ou humilié la gendarme T.D. et qu’ils étaient de nature sexuelle.
[107] La représentante du membre visé a déclaré que le gendarme Sanford est marié, heureux en ménage et père de famille, et qu’il n’a jamais eu de sentiments romantiques pour la gendarme T.D. À cet égard, je note que les représentants de l’autorité disciplinaire n’ont pas à prouver l’intention ou une réelle intention romantique.
[108] Tout au long de son témoignage, la gendarme T.D. a mentionné que les commentaires du gendarme Sanford l’avaient humiliée, rabaissée et offensée.
[109] Pour contester son interprétation des commentaires formulés, la représentante du membre visé a interrogé la gendarme T.D. de manière à suggérer qu’il fallait faire la distinction entre un [TRADUCTION] « énergumène » qui ne sait pas se comporter en société et une personne qui cherche activement à établir un contact sexuel. Autrement dit, les commentaires formulés peuvent être inappropriés, mais ne sont pas nécessairement à caractère sexuel.
[110] À cet égard, je réitère qu’il n’est pas nécessaire de prouver l’intention ou une véritable intention romantique.
[111] De plus, je m’inspire de l’arrêt Nguyen, auquel m’ont renvoyée les représentants de l’autorité disciplinaire, et je constate que le gendarme Sanford n’a rien fait pour vérifier son impression selon laquelle la gendarme T.D. accueillait favorablement ses commentaires. Il a présumé que ses actions étaient bien accueillies, considérant l’absence de réponse contraire initiale de la gendarme T.D. comme un acquiescement.
[112] Comme il est indiqué dans l’arrêt Foerderer, [TRADUCTION] « il incombe à ceux qui initient ou participent à un comportement de s’assurer qu’il est bien accueilli par les personnes visées »
[7]. Le gendarme Sanford avait l’obligation de s’assurer que son comportement était bien accueilli. Au lieu de cela, il s’est appuyé sur des présomptions erronées fondées sur des opinions dépassées et stéréotypées. Il n’a pas mis à profit sa formation, a ciblé une collègue junior et a nui à l’environnement de travail de la gendarme T.D. par les commentaires qu’il a faits à son égard ou à son sujet.
[113] Les commentaires inappropriés du gendarme Sanford, même s’ils ont été faits sur le ton de l’humour ou de la plaisanterie, démontrent un grave manque de jugement et sont incompatibles avec les devoirs et responsabilités d’un membre de la GRC, selon l’article 37 de la Loi sur la GRC et les directives claires du commissaire concernant la conduite acceptable en milieu de travail.
[114] Par conséquent, je conclus que les commentaires attribués au gendarme Sanford étaient malvenus et ont offensé et humilié la gendarme T.D.
[115] Le critère de la personne raisonnable est utilisé pour déterminer si les commentaires étaient de nature sexuelle.
[116] Comme indiqué, les commentaires précis, formulés sur une période de plusieurs mois, sont les suivants : [TRADUCTION] « Ton petit ami arrive-t-il à te suivre? »; « Eh bien! Tu ne m’as pas encore baisé. »; « Viens ici, je vais te donner quelque chose avec quoi t’étouffer. »; « Oui, c’est ça. Mets-toi à genoux. »; « La prochaine fois que tu voudras te reposer, pourrais-tu le faire avec moins de vêtements? »; « As-tu coulé partout sur ta jambe? »; « Avez-vous déjà pensé ce que ce serait que de baiser [la gendarme T.D.]? »; et « Tu peux gérer deux boules dans ta bouche. »
[117] Deux des commentaires font ouvertement allusion à un acte sexuel. Les autres font allusion à la sexualité, en évoquant la fellation, les testicules et l’éjaculation féminine. Ainsi, j’estime qu’une personne raisonnable considérerait ces commentaires comme étant de nature sexuelle.
[118] Il est essentiel que les interactions des membres avec le public, leurs collègues et d’autres personnes soient respectueuses, professionnelles et contribuent à renforcer la confiance du public envers des services de police crédibles et dignes de confiance. Bien que la perfection ne soit pas la norme, le public s’attend à ce qu’un membre, qu’il soit en service ou non, fasse preuve du plus haut niveau de professionnalisme dans ses interactions avec le public et ses collègues.
[119] Le fait que d’autres personnes ne sont pas gênées par ces commentaires et les considèrent comme des blagues ou comme faisant partie de la culture du milieu de travail n’est pas un indicateur permettant d’établir que les commentaires sont appropriés.
[120] Je suis consciente que le gendarme Sanford n’avait peut-être pas l’intention que ses commentaires soient perçus de la manière dont l’a fait la gendarme T.D.; toutefois, une telle intention n’est pas pertinente pour établir qu’il y a eu conduite déshonorante et harcèlement sexuel. Le critère à appliquer est celui de la personne raisonnable et objective.
[121] Je suis d’avis qu’une personne raisonnable, compte tenu de l’ensemble des circonstances, jugerait que les commentaires faits par le gendarme Sanford, en particulier à une collègue subalterne, sont tout à fait inappropriés et constituent du harcèlement sexuel.
[122] Compte tenu de toutes les conclusions susmentionnées, je conclus en outre qu’une personne raisonnable, au fait de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et de celles de la GRC en particulier, serait d’avis que la conduite du gendarme Sanford est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC. Par conséquent, le troisième volet du critère est rempli.
La GRC a-t-elle un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à l’endroit du membre?
[123] Étant donné que les commentaires ont été faits pendant le service, je conclus que la conduite est suffisamment liée aux fonctions et aux devoirs du gendarme Sanford et que la GRC a un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit. Par conséquent, le quatrième volet du critère à appliquer relativement à une conduite déshonorante est rempli.
[124] Par conséquent, je conclus que l’allégation 1 est établie.
Allégation 2 :
L’identité du membre a-t-elle été établie?
[125] Comme il a déjà été mentionné, l’identité du gendarme Sanford n’est pas remise en question. Par conséquent, le premier volet du critère à appliquer pour l’allégation 2 est rempli.
Les détails ont-ils bien eu lieu comme il est allégué?
[126] Le gendarme Sanford reconnaît le gros des détails de cette allégation, mais conteste le contexte précis dans lequel le comportement allégué s’est produit. Au bout du compte, il admet que les actes étaient inappropriés et constituent une conduite déshonorante, mais il ne croit pas qu’ils constituent du harcèlement sexuel.
[127] En ce qui concerne le critère, les détails qui constituent le comportement allégué sont que le gendarme Sanford a exposé une partie de son pénis dans la salle commune du détachement. La conversation qui a précédé l’incident a fait l’objet de nombreuses discussions, et les versions de la gendarme T.D. et du gendarme Sandford divergent considérablement. J’aborderai les détails de cette allégation dans leur ensemble pour traiter du contexte général contesté par le gendarme Sanford.
[128] Le gendarme Sanford allègue que la gendarme T.D. et le caporal B.G. se trouvaient dans la salle commune du détachement et consultaient un site web proposant des jouets sexuels sur leurs cellulaires personnels. Il affirme que la gendarme T.D. lui a montré une photo d’un jouet sexuel et lui a demandé si c’était bien celui que son épouse possédait, et qu’il a tenté d’esquiver la question en répondant que son épouse n’en avait pas besoin.
[129] Le gendarme Sanford explique dans sa réponse écrite aux allégations que le caporal B.G. le taquinait au sujet de la taille de son pénis et l’incitait activement à montrer son pénis durant une conversation déjà très sexualisée.
[130] La gendarme T.D. rapporte que le caporal B.G. et le gendarme Sanford parlaient d’un rendez-vous médical du gendarme Sanford au cours duquel le médecin avait qualifié la taille de son pénis de « troisième jambe ».
[131] Le récit du caporal B.G. diffère aussi, mais fait également référence au commentaire sur la « troisième jambe » et corrobore le récit de la gendarme T.D. selon lequel ils ne regardaient pas un site web de jouets sexuels, et que c’est le gendarme Sanford qui avait abordé le sujet de la taille de son pénis.
[132] En fin de compte, les trois membres s’accordent pour dire que la conversation a dérivé sur la taille du pénis du gendarme Sanford, et ce dernier admet avoir exposé son pénis.
[133] Je considère que la raison pour laquelle le gendarme Sanford a détaché sa ceinture, baissé son pantalon et exposé une partie de son pénis n’a pas d’importance. Il ne nie pas l’avoir fait. Que la conversation ait dérivé sur le pénis du gendarme Sanford à la suite d’un commentaire qu’il a fait ou parce que le caporal B.G. et la gendarme T.D. étaient déjà en train de parler de jouets sexuels, cela ne change rien au fait que le gendarme Sanford a jugé approprié, à ce moment-là, de s’exhiber.
[134] Le gendarme Sanford, dans son témoignage, et la représentante du membre visé, dans sa déclaration, ont beaucoup insisté sur le fait que le gendarme Sanford se souvenait que le caporal G.B. et la gendarme T.D. l’avaient encouragé à exposer son pénis, affirmant qu’ils avaient même chanté qu’ils voulaient le voir. Cela ne correspond ni à la version des faits du caporal B.G. ni à celle de la gendarme T.D. Aucun d’eux n’a mentionné avoir activement encouragé le gendarme Sanford à s’exhiber. Au contraire, tous deux se souviennent de manière cohérente que le caporal B.G. a déclaré qu’il en avait assez d'entendre le gendarme Sanford parler incessamment de sa [TRADUCTION] « grosse bite »
et que le caporal B.G. a ensuite ajouté [TRADUCTION] « tais-toi ou prouve-le »
. Le gendarme Sanford confirme également que le caporal B.G. a fait ces déclarations et suggère même avec insistance que les paroles « tais-toi ou prouve-le » du caporal B.G. constituaient une mise au défi et que cela revenait à lui demander de s’exhiber.
[135] Je suis d’avis que, bien que le gendarme Sanford admette cette allégation et, à ce titre, assume une certaine responsabilité pour sa conduite, son récit minimise son comportement et constitue une tentative d’excuser ses actes. De même, les arguments avancés par la représentante du membre visé selon lesquels peu de gens étaient au courant de cet incident au détachement, car les trois membres impliqués n’en avaient pas parlé par la suite et ne faisaient que plaisanter, tous les trois ayant participé à la discussion, constituent une tentative visant à minimiser l’inconduite et à détourner l’attention de sa gravité.
[136] On a également beaucoup parlé de la mesure dans laquelle le pénis du gendarme Sanford a été exposé. Sur ce point, je suis d’accord avec la représentante du membre visé et je considère que cela n’est absolument pas pertinent. Les détails de l’allégation ne mentionnent pas si le pénis du gendarme Sanford a été complètement ou partiellement exposé, et je n’ai pas à me prononcer à ce sujet. Il me suffit de conclure qu’une partie du pénis du gendarme Sanford a été montrée au caporal B.G. et à la gendarme T.D. Il ne fait aucun doute que cela s’est produit.
[137] À ce titre, je conclus que les actes décrits à l’allégation 2 se sont produits tel qu’il est allégué, ce qui satisfait au deuxième volet du critère prévu à l’article 7.1 du Code de déontologie.
Une personne raisonnable considérerait-elle les agissements du gendarme Sanford comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la GRC?
[138] En ce qui concerne le troisième volet du critère, je constate que le comportement du gendarme Sanford n’était pas justifié et qu’il a choqué à la fois la gendarme T.D. et le caporal B.G. Les répercussions des actes du gendarme Sanford sur ses deux collègues étaient prévisibles et ont donné lieu à des accusations criminelles, qui ont toutefois été retirées par la suite. De plus, le gendarme Sanford reconnaît lui-même dans sa réponse écrite aux allégations que sa conduite a été inappropriée et déshonorante.
[139] Compte tenu des conclusions ci-dessus, j'estime qu’une personne raisonnable, au fait de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et de celles de la GRC en particulier, serait d’avis que la conduite du gendarme Sanford, qui s’est exhibé devant des collègues dans la salle commune d’un détachement alors qu’il était en service, était tout à fait inapproprié et susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.
La GRC a-t-elle un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à l’endroit du membre?
[140] Enfin, le quatrième volet du critère à appliquer prévu à l’article 7.1 est également rempli. Étant donné que l’incident s’est produit tandis que le gendarme Sanford se trouvait au détachement, en uniforme et en service, la GRC a un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.
[141] Ainsi, je conclus que ses actes constituent une conduite déshonorante.
Son comportement constituait-il également du harcèlement sexuel?
[142] Je vais maintenant évaluer si les actes du gendarme Sanford décrits à l’allégation 2 constituent également du harcèlement sexuel selon la définition du harcèlement sexuel énoncée précédemment.
[143] Je note que le gendarme Sanford a lui-même qualifié le contexte dans lequel l’allégation 2 s’est produite de [TRADUCTION] « hautement sexualisé »
dans sa réponse écrite aux allégations. La conversation portait sur la taille de son pénis et sur sa capacité à satisfaire son épouse sur le plan sexuel. Je suis d’avis que le gendarme Sanford a exposé son pénis pour prouver sa taille au caporal B.G. et à la gendarme T.D. et aussi pour prouver qu’il est capable de donner du plaisir sexuel à quelqu’un.
[144] De plus, étant donné que les interactions entre la gendarme T.D. et le gendarme Sanford avaient souvent un caractère sexuel, la gendarme T.D. aurait très certainement perçu cet acte du gendarme Sanford comme étant de nature sexuelle.
[145] La gendarme T.D. a témoigné devant moi qu’elle ne souhaitait pas voir le pénis du gendarme Sanford et que cet incident l’avait offensée et humiliée. Elle a déclaré avoir retourné sa chaise dès qu’elle s’était rendu compte que le gendarme Sanford s’était exhibé. Par conséquent, rien ne laisse penser qu’elle ait accueilli favorablement ce geste.
[146] Le caporal B.G a déclaré que, même si l’incident ne l’avait pas perturbé, il l’avait quand même trouvé choquant et malvenu.
[147] Je considère qu’une personne raisonnable trouverait inacceptable qu’un membre de la GRC s’exhibe dans des locaux de la GRC tandis qu’il est en service et en uniforme.
[148] Le gendarme Sanford aurait dû savoir que son comportement pouvait être offensant. Il a suivi de la formation sur le harcèlement et a reçu de nombreuses communications de la direction de la GRC sur le sujet, et il aurait donc dû savoir que ce type de comportement est inacceptable en milieu de travail. Le gendarme Sanford aurait dû savoir que le fait de s’exhiber pouvait être dégradant, humiliant, offensant ou causer préjudice.
[149] Par conséquent, je suis convaincue, après avoir examiné l’ensemble des preuves, que le comportement décrit dans le cadre de l’allégation 2 constitue du harcèlement sexuel à l’égard de la gendarme T.D. et du caporal BG.
[150] J’estime que les deux allégations énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire sont fondées.
MESURES DISCIPLINAIRES
[151] Ayant conclu que les allégations sont établies, j’ai l’obligation d’imposer, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au titre du Guide des mesures disciplinaires de la GRC (version du 14 novembre 2024), à la page 19, « des mesures disciplinaires justes, équilibrées et cohérentes »
. Selon l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, j’ai l’obligation d’imposer « des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions […] et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives »
.
[152] Le Guide des mesures disciplinaires de la GRC de 2024 souligne que cinq principes servent de fondement au processus d’élaboration d’une mesure disciplinaire appropriée. Bien que cette version du Guide soit entrée en vigueur en novembre dernier et qu’elle n’était donc pas en vigueur au moment où l’Avis à l’officier désigné a été signé et où l’Avis d’audience disciplinaire a été signifié dans cette affaire, comme l’a souligné la représentante du membre visé, les principes énoncés dans le Guide sont utilisés depuis un certain temps déjà par les comités de déontologie dans leurs analyses. Par conséquent, aucune partie ne conteste le fait que ma décision sera fondée sur ces cinq principes fondamentaux.
[153] Le premier de ces principes est le fait que la détermination d’une sanction appropriée suppose, à la base, un équilibre entre quatre objectifs ou intérêts, à savoir 1) l’intérêt du public, 2) l’intérêt de la GRC en tant qu’employeur, 3) l’intérêt du membre visé à être traité équitablement et 4) l’intérêt des personnes touchées par l’inconduite en cause.
[154] Je tiens à souligner plus particulièrement le premier objectif, qui est l’intérêt public, c’est-à-dire assurer des normes de conduite élevées dans les services de police et la confiance du public à l’égard de ces services.
[155] Je note que les pouvoirs accordés à un policier sont considérables et, par conséquent, le public s’attend à juste titre à ce que les membres de la GRC respectent les normes éthiques et professionnelles les plus élevées.
[156] La Cour suprême du Canada a souligné l’importance de l’intérêt public en déclarant que « les organismes disciplinaires ont pour but de protéger le public, de réglementer la profession et de préserver la confiance du public dans la profession »[8].
[157] Le deuxième principe fondamental utilisé pour élaborer une mesure disciplinaire adaptée est la prévalence des mesures disciplinaires éducatives et correctives, le cas échéant.
[158] Le troisième principe est la présomption voulant que la mesure la moins sévère soit retenue; toutefois, cette présomption est réfutée dans les cas où l’intérêt public ou d’autres facteurs précis doivent prévaloir.
[159] Le quatrième principe est celui de la proportionnalité ou de la parité des sanctions. Il comprend trois éléments : 1) l’identification des facteurs de proportionnalité pertinents; 2) l’évaluation du caractère atténuant, aggravant ou neutre des facteurs de proportionnalité cernés; et 3) la mise en équilibre ou la pondération de ces considérations.
[160] Enfin, le cinquième principe fondamental est que les policiers sont soumis à des normes de conduite plus strictes, principalement parce qu’ils occupent une position de confiance dans la société et qu’ils sont donc tenus de respecter « la plus haute norme de moralité »[9].
[161] Le Guide des mesures disciplinaires de 2024, comme la version précédente, n’est pas normatif, mais vise à promouvoir la parité des sanctions. Il doit être lu dans le contexte de l’évolution des normes sociales, tel qu’il a été établi par la jurisprudence ou les politiques et lois applicables.
[162] Par ailleurs, bien que je ne sois pas liée par les décisions antérieures relatives à la conduite, celles-ci peuvent fournir des indications concernant les sanctions appropriées pour une catégorie particulière de comportements.
Position des parties
Arguments des représentants de l’autorité disciplinaire
[163] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont réitéré que l’autorité disciplinaire demandait que le gendarme Sanford démissionne de la GRC dans un délai de 14 jours.
[164] À l’appui de cette position, les représentants de l’autorité disciplinaire ont présenté les valeurs fondamentales renouvelées de la GRC et les façons dont le gendarme Sanford ne les a pas respectées, à l’exception d’une.
[165] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont ensuite exposé certains des facteurs que je dois prendre en considération pour déterminer la sanction appropriée, à savoir la nature et la fréquence de l’inconduite, le fait que le gendarme Sanford reconnaisse ou non sa responsabilité, le caractère persistant de l’inconduite et ses répercussions sur la gendarme T.D. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont conclu que les commentaires étaient persistants, que l’inconduite était de nature sexuelle, que le gendarme Sandford n’avait pas assumé l’entière responsabilité de ses actes et que les répercussions sur la gendarme T.D. étaient graves. Ils ont également expliqué que la remarque de la gendarme T.D., à savoir [TRADUCTION] « Eh bien, cela n’arrivera jamais »
, lors de sa première conversation avec le gendarme Sanford, indiquait clairement qu’elle n’était pas ouverte à ce genre de commentaires.
[166] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait valoir qu’il n’y avait aucune preuve selon laquelle ce détachement était un environnement particulièrement grossier et que, même si l’on ne peut pas s’attendre à ce que les jurons et la vulgarité soient complètement éliminés, « les comportements ou expressions déplacés fondés sur le genre ne peuvent pas être tolérés »
[10]. De plus, les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait valoir que le fait d’exposer ses parties intimes sur le lieu de travail [TRADUCTION] « ne devrait jamais se produire ». Cela, associé aux commentaires à caractère sexuel adressés à la gendarme T.D. sur une période d’un an, signifie que les actions du gendarme Sanford ne répondent pas aux exigences d’un environnement de travail sûr que la GRC est tenue de créer pour tous ses employés. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont ajouté que, même si seule l’allégation 2 avait été établie, le congédiement serait encore la mesure appropriée.
[167] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont concédé qu’aucune conclusion défavorable ne peut être tirée du refus du gendarme Sanford de reconnaître les faits et de son absence d’excuses. Cependant, ils m’ont demandé de prendre en considération le fait qu’il avait rejeté la responsabilité sur le caporal B.G. et la gendarme T.D. au lieu d’assumer ses responsabilités, et qu’il avait même ri et plaisanté durant son témoignage à l’audience disciplinaire.
[168] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont laissé entendre que le potentiel de réadaptation du gendarme Sanford est faible. Tout en précisant que les faits de la décision Brudlo[11] sont distincts de ceux de la présente affaire, les représentants de l’autorité disciplinaire l’ont citée pour appuyer l’affirmation selon laquelle l’exposition des parties génitales ne devrait jamais se produire en milieu de travail. En outre, ils ont fait valoir que cette décision appuyait leur argument selon lequel le gendarme Sanford avait une compréhension erronée du harcèlement sexuel et ne semblait pas comprendre l’incidence de ses actes.
[169] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont attiré mon attention sur d’autres décisions du comité de déontologie, notamment la décision Fulcher[12], à laquelle ils m’ont toutefois demandé d’accorder un poids minimal étant donné qu’elle concernait une proposition conjointe de mesures disciplinaires. Ils ont aussi fait référence aux décisions du comité de déontologie dans les affaires Reid[13] et Nguyen, soulignant les similitudes et les différences entre la présente affaire et ces décisions. Plus précisément, ils ont déclaré qu’il y avait des similitudes frappantes entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire Reid. Dans cette dernière, des commentaires à caractère sexuel et discriminatoire avaient été adressés à des membres subalternes et le comité de déontologie avait estimé que, même s’ils avaient été faits en plaisantant, cela témoignait d’un manque de jugement et était incompatible avec les devoirs et responsabilités d’un membre de la GRC. Précisons que l’incidence dans l’affaire Reid est semblable à l’incidence en l’espèce. Au bout du compte, les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait valoir que des commentaires inappropriés, même en l’absence de contact physique, peuvent constituer un motif raisonnable de congédiement. Ils ont en outre soutenu, en se référant à l’affaire Nguyen, que la parité doit être interprétée dans le contexte de l’évolution des normes sociales, comme établi par la jurisprudence ou les politiques et les lois applicables. L’affaire Nguyen se distingue par ailleurs par le fait que les commentaires reprochés avaient été formulés en une seule journée et lors d’un événement précis, tandis qu’en l’espèce, ils ont été formulés sur une plus longue période.
[170] De même, les représentants de l’autorité disciplinaire ont examiné les décisions figurant dans le cahier de textes faisant autorité de la représentante du membre visé et m’ont fait part de leur avis sur leur applicabilité. Comme ils l’ont souligné, la plupart d’entre elles sont sans rapport avec la présente affaire ou ont été soumises à l’étape des allégations, de sorte qu’elles ne sont que d’une aide limitée en ce qui concerne les mesures à prendre.
[171] Je mentionnerai qu’en ce qui concerne la décision Caram[14], les représentants de l’autorité disciplinaire ont souligné qu’il y avait dans cette affaire de nombreuses informations médicales établissant un lien de causalité direct avec le comportement du membre visé, ajoutant qu’aucune information médicale de ce genre n’avait été fournie en l’espèce. De plus, la décision Caram concerne un seul incident de manque de respect et d’impolitesse survenu un soir, en dehors des heures de travail. Il n’y avait donc pas de lien direct avec le lieu de travail, comme c’est le cas ici, et le membre visé dans la décision Caram avait admis toutes les allégations.
[172] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait référence à la déclaration de la victime de la gendarme T.D., dans laquelle elle dit que les actes du gendarme Sanford ont été extrêmement humiliants et ont ébranlé sa confiance au travail. Elle est désormais mécontente, déprimée et stressée, ce qui a des répercussions durables sur sa santé mentale et physique. Les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont demandé d’accorder une grande importance à ce facteur.
[173] Par ailleurs, ils ont fait valoir que le fait de demander la démission du gendarme Sanford n’est pas une mesure punitive, mais plutôt la reconnaissance de l’évolution de la GRC en réponse et conformément aux attentes du public et aux préoccupations croissantes concernant le harcèlement sexuel au sein de l’organisation. Ils ont ajouté que les évaluations du rendement et la lettre d’appui présentées par la représentante du membre visé avaient un certain poids.
Arguments de la représentante du membre visé
[174] La représentante du membre visé a fait valoir qu’une sanction moins sévère que le congédiement serait appropriée au vu des faits de l’affaire. Plus précisément, elle a soutenu que les mesures suivantes seraient les plus appropriées :
-
une sanction financière équivalant à 45 jours de travail (dont 25 jours de salaire et 20 jours d’indemnité de congé);
-
l’obligation de travailler sous étroite surveillance pour une période de un an, ce qui s’inscrirait dans le cadre des mesures de réadaptation et d’éducation prévues par les mesures disciplinaires;
-
toute formation que je jugerais appropriée;
-
une restriction des fonctions pendant une période de trois ans afin de garantir qu’il n’y ait aucun contact entre le gendarme Sanford et la gendarme T.D. (la représentante du membre visé a fait remarquer que le gendarme Sanford avait déjà été transféré, mais qu’une surveillance supplémentaire des quarts de travail serait souhaitable, étant donné que les deux membres travaillent dans une zone rurale peu peuplée);
-
l’ordre d’écrire des lettres d’excuses à la gendarme T.D. et au caporal B.G.
[175] La représentante du membre visé a fait valoir que ces mesures seraient appropriées, mieux adaptées aux faits de l’affaire et constitueraient une mise en garde suffisante pour montrer qu’aucun comportement de ce type ne serait toléré.
[176] La représentante du membre visé a souligné que tous les détails de l’Avis d’audience disciplinaire n’avaient pas été établis et que, dans le spectre de l’inconduite sexuelle, les actes du gendarme Sanford ne se situaient pas à l’extrémité la plus grave, étant donné que les attouchements sexuels et autres menaces à l’intégrité sexuelle d’une personne font partie du même spectre et constituent sans aucun doute l’extrémité la plus grave de cette gamme. À cet égard, elle a souligné que la décision Nguyen était la seule affaire présentée par l’autorité disciplinaire qui ne concernait pas des attouchements physiques. De plus, elle m’a rappelé que la décision Nguyen n’avait pas donné lieu à un congédiement.
[177] La représentante du membre visé a reconnu que la conduite du gendarme Sanford relevait de la catégorie des cas graves prévue à l’article 7.1 du Code de déontologie. Elle a toutefois formulé une mise en garde concernant le harcèlement sexuel et le fait que l’autorité disciplinaire n’a pas formulé les allégations en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie.
[178] La représentante du membre visé m’a rappelé que le gendarme Sanford était lui-même un policier subalterne et n’occupait pas un poste d’autorité par rapport à la gendarme T.D. Elle a souligné le fait que la relation entre le gendarme Sanford et la gendarme T.D. n’était ni négative ni abusive et que le gendarme Sanford manifestait souvent de l’empathie et du soutien envers la gendarme T.D., ce que cette dernière avait reconnu dans son témoignage.
[179] La représentante du membre visé a souligné que ce contexte était un élément important à prendre en considération, tout comme le fait que le gendarme Sanford a reconnu que s’il avait su que ses commentaires étaient mal accueillis, il n’aurait pas participé aux blagues.
[180] La représentante du membre visé a soutenu que le gendarme Sanford n’avait aucune intention malveillante, mais que c’était plutôt ses compétences sociales qui faisaient défaut. Il a de la difficulté avec le langage imprécis, le contexte social, l’apprentissage en général et le sens de l’humour pince-sans-rire qui peut être mal compris. Bien que l’intention ne soit pas un facteur dans la détermination du bien-fondé des allégations, la représentante du membre visé a fait valoir que, en matière de sanctions, la façon dont le gendarme Sanford évolue dans le monde est pertinente et c’est précisément pour cette raison que des mesures correctives et éducatives seraient appropriées.
[181] La représentante du membre visé a souligné l’importance d’un élément factuel dans cette affaire, à savoir que le gendarme Sanford n’avait jamais été clairement informé d’une limite qu’il avait par la suite enfreinte. Elle a précisé que, si elle soulevait ce point, ce n’était pas pour suggérer que la gendarme T.D. aurait dû être plus claire, mais pour indiquer qu’il ne s’agissait pas d’un cas où le comportement avait été abordé par un supérieur ou un autre membre senior de manière à donner au gendarme Sanford l’occasion de corriger son comportement, de montrer qu’il était désolé et qu’il pouvait faire mieux.
[182] La représentante du membre visé a souligné qu’en ce qui concerne l’allégation 2, le gendarme Sanford n’a jamais prétendu que ses actions avaient été appropriées. Bien qu’il ait exercé son droit de contester les faits, il a toujours admis avoir dépassé les bornes et avoir agi de manière déplacée.
[183] La représentante du membre visé a examiné d’autres décisions antérieures rendues par des comités de déontologie et des tribunaux. Elle m’a notamment renvoyée aux affaires Fulcher, Caram, Flodell[15] et Pulsifer[16]. Elle a souligné qu’aucune de ces décisions n’avait abouti à un congédiement, même si, à son avis, elles concernaient des infractions plus graves.
[184] La représentante du membre visé a expressément souligné qu’il m’était possible de reconnaître la gravité de l’inconduite sexuelle sans pour autant renvoyer le gendarme Sanford, comme ce fut le cas dans l’affaire Caram[17]. Elle a ajouté que le comité de déontologie dans l’affaire Flodell avait également procédé à cette analyse indépendante, même si une proposition conjointe sur les mesures à prendre avait été soumise au comité de déontologie.
[185] La représentante du membre visé a introduit l’affaire Pulsifer, soulignant que la conduite la plus grave dans cette affaire, à savoir une agression sexuelle, n’avait pas entraîné de renvoi et qu’une sanction financière avait été jugée appropriée.
[186] La représentante du membre visé a aussi évoqué l’affaire Reid, dans laquelle le sergent Reid a été renvoyé. Elle a souligné que les faits de cette affaire étaient plus graves en raison des commentaires répétés au quotidien, du fait que le sergent Reid avait été explicitement invité à cesser son comportement, ainsi que de son grade et de sa fonction de supervision.
[187] La représentante du membre visé a présenté quelques autres cas où des fautes graves de nature sexuelle avaient été commises et où le congédiement n’avait pas été ordonné. De plus, les sanctions étaient similaires à celles suggérées par la représentante du membre visé en l’espèce[18].
[188] La représentante du membre visé a également distingué l’affaire Brudlo présentée par les représentants de l’autorité disciplinaire sur le plan des faits. Plus précisément, elle a souligné que dans cette affaire, c’étaient les effets cumulatifs, à savoir une condamnation criminelle suivie de commentaires inappropriés, qui avaient amené le décideur à conclure à l’absence de potentiel de réadaptation. La représentante du membre visé a ajouté qu’en l’espèce, le gendarme Sanford n’avait fait l’objet d’aucune mesure disciplinaire antérieure et qu’il n’avait pas eu l’occasion de démontrer que l’éducation n’était pas une option.
[189] La représentante du membre visé a évoqué le témoignage de Mme Sanford, qui a déclaré que son mari n’était pas lui-même au moment de l’incident où il s’était exhibé et que cet incident avait précédé le moment où il avait consulté un médecin et où il avait reçu un diagnostic de TSPT.
[190] En ce qui concerne l’incidence sur la gendarme T.D., la représentante du membre visé m’a recommandé de déterminer dans quelle mesure son stress et ses problèmes de santé mentale pouvaient être attribués aux allégations formulées dans la présente affaire, par opposition à d’autres éléments auxquels elle était confrontée au même moment. Cet argument a également été présenté dans l’affaire Caram[19].
[191] Dans l’ensemble, la représentante du membre visé a souligné que les mesures devaient être réparatrices et correctives, le cas échéant, et que le présent cas justifiait de telles mesures. Selon elle, il serait insensé d’inclure le principe de l’occasion d’apprentissage dans le Guide des mesures disciplinaires de 2024 si, par la suite, on ne donnait pas au membre visé l’occasion d’apprendre. Elle a en outre souligné que l’impact sur le gendarme Sanford avait été considérable, compte tenu notamment de la couverture médiatique erronée de son accusation criminelle, qui a ensuite été retirée, et de la durée du processus disciplinaire. Elle a fait valoir que le gendarme Sanford pouvait continuer à être un membre productif de la GRC si on lui donnait la chance de démontrer qu’il avait tiré les leçons de son erreur.
Analyse des mesures disciplinaires
[192] Je commencerai mon analyse en définissant l’éventail des mesures appropriées. Je passerai ensuite en revue les facteurs atténuants, aggravants et neutres dans cette affaire. J’expliquerai enfin la façon dont j’ai soupesé ces facteurs en tenant compte des intérêts du public, de la GRC, du membre visé (le gendarme Sanford) et des personnes touchées pour parvenir à ma décision.
Éventail des mesures disciplinaires
[193] En ce qui concerne l’éventail approprié des mesures disciplinaires, j’ai pris en considération les arguments avancés par les représentants ainsi que les cas présentés pour étayer leur position. Je note également que le Guide des mesures disciplinaires de 2024 prévoit toute une gamme de mesures disciplinaires pour les cas relevant de l’article 7.1 du Code de déontologie.
[194] Après avoir examiné tout ce qui précède, je conclus que les sanctions en l’espèce, qui concernent la formulation de commentaires à caractère sexuel sur une période de plus d’un an et l’exhibition des parties génitales, se situent dans la partie supérieure de l’éventail approprié des mesures disciplinaires (confiscation du salaire pour une période d’au moins 20 jours combinée à d’autres mesures pouvant aller jusqu’au congédiement). Je note que les deux parties conviennent que les mesures disciplinaires prévues pour un cas grave s’appliquent dans cette affaire.
Facteurs atténuants
[195] Je considère comme circonstance atténuante le fait que le gendarme Sanford n’ait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires et qu’il ait reçu plusieurs fois des félicitations pour son travail au cours de sa carrière à la GRC, comme en témoignent les registres de rendement qui m’ont été remis. Cela dit, j’accorde un poids limité à ce facteur, étant donné que le gendarme Sanford comptait à peine cinq années de service lorsqu’il a été suspendu.
[196] Comme on peut le lire dans la lettre de recommandation fournie par le gendarme Sanford, celui-ci est apprécié et fait preuve d’un dévouement évident envers son travail de policier et le service à la communauté. Son épouse le décrit comme un partenaire excellent, honnête et solidaire. Le gendarme Brown a également fait l’éloge du caractère et des compétences du gendarme Sanford en tant que membre de la GRC. J’accepte ces témoignages de moralité et ces références comme circonstances atténuantes.
[197] Bien que je n’aie pas reçu de preuves médicales, j’ai entendu des témoignages indiquant que le gendarme Sanford souffre du trouble de stress post-traumatique et qu’il a des difficultés d’apprentissage et de compréhension des signaux sociaux. Je considère qu’il s’agit là d’un facteur atténuant. Cependant, cette atténuation est limitée par le fait que je n’ai reçu aucune preuve selon laquelle ces diagnostics médicaux et psychologiques seraient à l’origine de son comportement.
[198] Je retiens également, à titre de circonstance atténuante, l’incidence de la procédure disciplinaire et les conséquences de l’inconduite sur le gendarme Sanford et sa famille.
[199] Même si je conviens que le gendarme Sanford n’a jamais nié que l’incident d’exhibition avait été déplacé, j’ai déjà conclu qu’il a tenté de minimiser son implication et de rejeter la faute sur la gendarme T.D. et le caporal B.G. Par conséquent, bien que cela m’ait été présenté comme une circonstance atténuante, je considère son aveu à cet égard comme un facteur neutre.
Facteurs aggravants
[200] Tout d’abord, il y a la gravité de l’inconduite. Le comportement déshonorant du gendarme Sanford était de nature sexuelle et constituait du harcèlement sexuel, ce qui est un facteur aggravant important. De plus, lorsque le harcèlement s’étend à un comportement criminel (même si les accusations criminelles sont retirées), cela devient encore plus aggravant. Dans le cas présent, un processus criminel a été engagé, mais il a ensuite été retiré.
[201] En outre, un comportement qui se répète et qui cause une détresse psychologique importante à la personne touchée doit être considéré comme un facteur aggravant important.
[202] Dans le cas présent, l’inconduite a été commise à l’endroit d’une jeune recrue. Même si le gendarme Sanford était lui-même un policier subalterne, la gendarme T.D. l’était davantage, car elle était encore en période de probation au moment des faits. Elle était également la seule femme présente, ce qui ajoute à la gravité de la situation. De plus, comme l’inconduite s’est étendue sur une période d’un an, il ne s’agissait pas d’un événement isolé, mais d’un comportement répété sur une longue période, ce qui augmente sa gravité.
[203] L’inconduite a également eu des répercussions psychologiques et émotionnelles durables sur la gendarme T.D. J’ai entendu le témoignage de cette dernière à ce sujet pendant la phase des allégations et j’ai examiné sa déclaration écrite sur les répercussions des incidents, qui décrit de manière plus approfondie la détérioration de sa santé mentale à la suite des incidents en question.
[204] En raison de ces incidents, la perception qu’a la gendarme T.D. des membres de la GRC a été négativement affectée. Elle s’est sentie blessée, humiliée et méprisée par les commentaires à caractère sexuel du gendarme Sanford. Cet impact est directement attribuable aux actions du gendarme Sanford. Elle doute d’elle-même et de ses propres sentiments et continue d’éprouver des difficultés psychologiques au quotidien. Je considère que cela constitue une circonstance aggravante importante.
Décision
[205] En évaluant les facteurs de proportionnalité, je reconnais qu’il existe une présomption voulant que l’on impose la mesure la moins sévère possible, à moins qu’elle ne soit réfutée par l’intérêt public.
[206] En outre, je note que la dissuasion est particulièrement importante dans ce cas, non seulement pour servir d’avertissement aux autres membres, mais aussi pour garantir que ce comportement inapproprié et inacceptable ne se reproduise pas.
[207] L’inconduite du gendarme Sanford est grave et affecte directement la relation employeur-employé ainsi que les attentes du public à l’égard des policiers dans leurs relations avec les membres de la société et entre eux. Comme l’ont souligné les comités de déontologie dans les affaires Reid et Nguyen fournies par les représentants, ce type d’inconduite enfreint et compromet les efforts déployés par la GRC pour garantir un environnement sûr, sécuritaire et exempt de harcèlement à ses employés.
[208] En ce qui concerne la jurisprudence et les décisions antérieures du comité de déontologie, je constate qu’aucune n’est directement pertinente, comme c’est souvent le cas. Cependant, elles peuvent tout de même constituer un guide utile. À ce titre, je partage les conclusions dans l’affaire Brudlo selon lesquelles l’exhibition des parties génitales ne devrait jamais se produire sur le lieu de travail.
[209] Je trouve que des décisions comme Fulcher, où une proposition conjointe a été présentée sur les mesures à prendre, ne m’aident pas à déterminer les mesures appropriées en l’espèce. De même, je ne tire guère d’enseignement de l’affaire Caram, où de nombreuses preuves médicales ont été présentées pour établir un lien de causalité avec le comportement du membre visé.
[210] Je considère que des mesures importantes sont nécessaires, compte tenu de la gravité des infractions, de leur nature sexuelle et de l’impact profond que les commentaires et les actes ont eu sur la gendarme T.D. Je juge que les éléments aggravants dans cette affaire sont très importants.
[211] En ce qui concerne la culture du milieu de travail, le gendarme Sanford a reçu toute la formation nécessaire pour évoluer dans un milieu de travail respectueux et sécuritaire. Chaque employé a un rôle à jouer dans le maintien d’un environnement respectueux. Bien que certains éléments de preuve suggèrent que l’humour est courant au détachement, rien n’indique que cet humour soit principalement de nature sexuelle et que le fait d’exposer ses parties génitales soit une pratique acceptable.
[212] La représentante du membre visé a beaucoup insisté sur la façon dont le gendarme Sanford évolue dans le monde et sur le fait qu’il devrait avoir la possibilité de suivre une formation et de faire ses preuves. Les représentants de l’autorité disciplinaire, pour leur part, ont fait valoir que la gravité des actes du gendarme Sanford ne devrait pas donner lieu à des mesures correctives, car cela entraînerait une perte de confiance du public envers la GRC.
[213] Je considère que le gendarme Sanford aurait pu choisir de ne pas faire ce qu’il a fait. Je ne dispose d’aucune preuve me permettant de conclure que ses problèmes de santé mentale et ses difficultés sociales ont été à l’origine de ses actes, de ses propos et de son comportement. Même s’il a agi « sous l’impulsion », comme cela a été suggéré, il ne semble pas manquer de maîtrise de soi ni de discernement quant à ce qui constitue un comportement approprié ou inapproprié. Le gendarme Sanford était tout à fait conscient de la nature et de la gravité de ses actes. Rien n’indique qu’il n’avait pas la capacité de savoir qu’ils étaient répréhensibles. Même si la question de la santé mentale du gendarme Sanford est un facteur atténuant, elle n’est pas à l’origine de son inconduite. Je considère que ses actions ont été bien en deçà de la norme élevée requise des policiers, conformément au cinquième principe fondamental.
[214] Ainsi, au moment de soupeser les facteurs de proportionnalité, je conclus que les facteurs aggravants l’emportent sur les facteurs atténuants et que la gravité de l’inconduite l’emporte sur la présomption d’imposer la disposition la moins sévère.
[215] Afin de maintenir la confiance du public et de bien tenir compte des intérêts de la gendarme T.D., je conclus que des mesures à l’extrémité supérieure de la gamme sont justifiées.
[216] L’intérêt public exige aussi que j’impose des mesures qui envoient un message clair et sans équivoque en matière de dissuasion générale et précise dans les affaires concernant l’inconduite de nature sexuelle. Je dois situer les faits particuliers de cette affaire dans le spectre des comportements déshonorants. Les comportements de nature sexuelle se situent à l’extrémité supérieure de ce spectre, et je dois garder à l’esprit que ce type d’inconduite ne peut plus être accepté ni toléré.
[217] La confiance du public serait ébranlée si le fait de s’exhiber dans un détachement et les commentaires à caractère sexuel n’étaient pas pris très au sérieux et n’entraînaient pas les sanctions les plus sévères possibles. À ce titre, je considère que la présomption selon laquelle les mesures éducatives et correctives devraient prévaloir est supplantée par l’intérêt public.
[218] Les membres de la GRC sont tenus de respecter des normes plus élevées, et le gendarme Sanford n’a pas respecté ces normes en agissant comme il l’a fait. Il a enfreint les valeurs fondamentales de la GRC et porté atteinte à l’intérêt de la GRC de maintenir un milieu de travail sain. La conduite répréhensible du gendarme Sanford compromet tous les efforts déployés par la GRC pour assurer un environnement sûr et exempt de harcèlement à ses employés.
[219] Ayant conclu que les allégations sont fondées et après avoir évalué les cinq principes fondamentaux, je ne peux tout simplement pas justifier le maintien en poste du gendarme Sanford à la GRC.
CONCLUSION
[220] Les allégations 1 et 2 sont établies. De plus, conformément à l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC, j’ordonne au gendarme Sanford de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi il sera congédié.
[221] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente au gendarme Sanford, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.
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17 juillet 2025 |
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Sandra Weyand Comité de déontologie |
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Date |
[1] McDougall, paragraphe 86.
[2] Transcription de l’audience disciplinaire, volume 3, page 445, ligne 16.
[3] McDougall, paragraphe 46.
[4] Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 1 RCS 1252 [Janzen], partie V.
[5] Foerderer v Nova Chemicals Corporation, 2007 ABQB 349 (CanLII) [Foerderer], paragraphe 94.
[6] Calgary City and CUPE, Local 709 (Schmaltz), 2017 CarswellAlta 308 [CUPE].
[7] Foerderer, paragraphe 108.
[8] Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, paragraphe 53.
[9] Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), [2008] 2 R.C.S. 698, 2008 CSC 48, paragraphe 86.
[10] Hucsko v A.O. Smith Enterprises Limited, 2021 ONCA 728, paragraphe 44.
[11] Constable Christian Brudlo and The Toronto Police Service, 2005 CanLII 81117 (Ontario Civilian Police Commission) [Brudlo].
[12] Autorité disciplinaire de niveau III, Division E et Fulcher, 2021 DAD 4 [Fulcher].
[13] Le commandant de la Division nationale et Reid, 2023 DAD 13 [Reid].
[14] La commandante de la Division E et Caram, 2021 DAD 5 [Caram].
[15] Autorité disciplinaire de niveau III désignée, Division E et Flodell, 2023 DAD 05 [Flodell].
[16] Le commandant de la Division H et Pulsifer, 2022 DAD 06, [Pulsifer].
[17] Caram, paragraphes 60 à 66.
[18] Le commandant de la Division D et Shewchuk, 2023 DAD 07 [Shewchuk]; Commandant de la Division E et Little, 2020 DAD 1 [Little].
[19] Caram, paragraphes 72 à 73.