Déontologie
Informations sur la décision
Le 10 janvier 2023, un Avis d’audience disciplinaire daté du 9 décembre 2022 a été signifié au membre visé. Il contenait une allégation en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Le membre visé est accusé d’avoir adopté un comportement discourtois ou irrespectueux et d’avoir commis des actes de harcèlement et de harcèlement sexuel, à la fois pendant ses heures de service et en dehors de celles-ci. L’Avis d’audience disciplinaire original contenait 44 détails.
Le 31 juillet 2023, les parties ont remis au comité de déontologie un Exposé conjoint des faits et une proposition commune sur les mesures disciplinaires.
Le 6 septembre 2023, l’autorité disciplinaire a signé un Avis d’audience disciplinaire modifié. La seule allégation au titre de l’article 2.1 du Code de déontologie contenait 19 détails connexes.
L’audience disciplinaire a eu lieu le 22 septembre 2023. Le membre visé a admis l’allégation. De plus, le comité de déontologie a accepté la proposition conjointe des parties concernant les mesures disciplinaires et a imposé les mesures suivantes :
a. le retour au taux de rémunération inférieur précédent pour une période de un an;
b. l’interdiction, pour le membre visé, d’agir à titre de formateur sur le terrain dans le cadre du Programme de formation pratique de la GRC pendant une période de deux ans;
c. une directive enjoignant au membre visé de suivre les deux cours suivants, à ses frais et pendant son temps libre (c’est-à-dire en dehors des heures de travail), et de les terminer dans les trois semaines suivant son retour au travail :
i. Éliminer le harcèlement sexuel en milieu de travail, offert par le Réseau canadien du savoir policier;
ii. Équité, diversité et inclusion en action sur le lieu de travail, offert par l’École de la fonction publique du Canada;
d. l’ordre au membre visé d’écrire une lettre d’excuses officielle à la plaignante.
Contenu de la décision
Protégé A
Dossier no 202233823
2025 DAD 12
Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante.
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Dans l’affaire d’une
audience disciplinaire tenue au titre de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10
Entre :
l’autorité disciplinaire désignée pour la Division E
(Autorité disciplinaire)
et
Constable Kalan Gillmann
matricule 64133
(Membre visé)
|
DÉCISION DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE |
Stéphanie Côté et Eric Blenkarn
(Représentants de l’autorité disciplinaire)
Anita Atwal et Rosie Schlaginweit
(Représentantes du membre visé)
COMITÉ DE DÉONTOLOGIE : Kevin L. Harrison
DATE : 23 juillet 2025
TABLE DES MATIÈRES
Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires
Principes de common law en matière de propositions conjointes
Application des cinq principes fondamentaux
Conformité aux objectifs de la partie IV de la Loi sur la GRC
Prévalence des mesures disciplinaires éducatives et correctives
Présomption de la mesure disciplinaire la moins sévère
Normes de conduite plus élevées pour les policiers
Décision relative aux mesures disciplinaires
SYNOPSIS
Le 10 janvier 2023, un Avis d’audience disciplinaire daté du 9 décembre 2022 a été signifié au membre visé. Il contenait une allégation en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Le membre visé est accusé d’avoir adopté un comportement discourtois ou irrespectueux et d’avoir commis des actes de harcèlement et de harcèlement sexuel, à la fois pendant ses heures de service et en dehors de celles-ci. L’Avis d’audience disciplinaire original contenait 44 détails.
Le 31 juillet 2023, les parties ont remis au comité de déontologie un Exposé conjoint des faits et une proposition commune sur les mesures disciplinaires.
Le 6 septembre 2023, l’autorité disciplinaire a signé un Avis d’audience disciplinaire modifié. La seule allégation au titre de l’article 2.1 du Code de déontologie contenait 19 détails connexes.
L’audience disciplinaire a eu lieu le 22 septembre 2023. Le membre visé a admis l’allégation. De plus, le comité de déontologie a accepté la proposition conjointe des parties concernant les mesures disciplinaires et a imposé les mesures suivantes :
-
le retour au taux de rémunération inférieur précédent pour une période de un an;
-
l’interdiction, pour le membre visé, d’agir à titre de formateur sur le terrain dans le cadre du Programme de formation pratique de la GRC pendant une période de deux ans;
-
une directive enjoignant au membre visé de suivre les deux cours suivants, à ses frais et pendant son temps libre (c’est-à-dire en dehors des heures de travail), et de les terminer dans les trois semaines suivant son retour au travail :
-
Éliminer le harcèlement sexuel en milieu de travail, offert par le Réseau canadien du savoir policier;
-
Équité, diversité et inclusion en action sur le lieu de travail, offert par l’École de la fonction publique du Canada;
-
l’ordre au membre visé d’écrire une lettre d’excuses officielle à la plaignante.
INTRODUCTION
[1] Le membre visé fait face à une allégation d’infraction à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.
[2] Le 14 juillet 2022, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 20 juillet 2022, l’officier désigné m’a nommé au comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 [Loi sur la GRC].
[3] L’Avis d’audience disciplinaire original contenait 44 détails, expliquant que le membre visé aurait eu un comportement impoli ou irrespectueux, et se serait livré à du harcèlement et à du harcèlement sexuel, tant pendant ses heures de travail qu’en dehors. Le 31 juillet 2023, les parties m’ont remis un Exposé conjoint des faits et une proposition commune sur les mesures disciplinaires. Après discussion avec les parties, on m’a présenté, le 6 septembre 2023, un Avis d’audience disciplinaire modifié signé par l’autorité disciplinaire. L’allégation est restée une allégation en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie contenant 19 détails connexes.
[4] L’audience disciplinaire a eu lieu le 22 septembre 2023. Le membre visé a admis l’allégation. De plus, j’ai accepté la proposition conjointe des parties concernant les mesures disciplinaires et j’ai imposé les mesures suivantes :
-
le retour au taux de rémunération inférieur précédent pour une période de un an;
-
l’interdiction d’agir à titre de formateur sur le terrain dans le cadre du Programme de formation pratique de la GRC pendant une période de deux ans;
-
l’obligation de suivre deux cours;
-
l’ordre d’écrire une lettre d’excuses à la plaignante.
Ordonnance de non-publication
[5] Les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont demandé de rendre une ordonnance de non‑publication en vertu de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC. Cette disposition permet à un comité de déontologie d’interdire la publication de renseignements qui permettraient d’établir l’identité d’un plaignant, d’un témoin ou d’une personne âgée de moins de 18 ans. Le membre visé ne s’y est pas opposé. Par conséquent, j’ai ordonné que soit interdite la publication ou la diffusion, de quelque façon que ce soit, de tout renseignement qui pourrait révéler l’identité de la plaignante.
ALLÉGATION
[6] L’Avis d’audience disciplinaire modifié lu au membre concerné pendant l’audience disciplinaire contenait l’allégation et les détails suivants :
Allégation 1 :
Entre le 26 mars 2021 et le 12 septembre 2021, à Kitimat ou dans les environs, en Colombie-Britannique, le gendarme Kalan Gillmann a omis de traiter toute personne avec respect et courtoisie et s’est livré au harcèlement et au harcèlement sexuel visant et offensant précisément et de manière répétée une autre personne, contrairement à l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.
1. Durant la période en question, [le gendarme] Gillmann était membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en poste au Détachement de Kitimat, Division E, en Colombie-Britannique.
2. [Le gendarme] Gillmann était formateur sur le terrain dans le cadre du Programme de formation pratique (PFP).
3. Le PFP est un programme de six mois au cours duquel les nouveaux membres de la GRC mettent en pratique, dans un contexte opérationnel, les connaissances et les compétences acquises à la Division Dépôt, sous la supervision d’un formateur sur le terrain qui est un policier d’expérience de la GRC.
4. Le 26 mars 2021, [la plaignante], une nouvelle membre de la GRC, a commencé le PFP sous la supervision [du gendarme] Gillmann, qui avait été désigné comme son formateur sur le terrain.
5. [Le gendarme] Gillmann était en position d’autorité vis-à-vis de [la plaignante]; à titre de formateur sur le terrain, il évaluait son rendement en tant que recrue, et ses recommandations à la fin du PFP allaient avoir une incidence importante sur sa carrière. Si elle ne réussissait pas le PFP, cela pourrait entraîner la cessation de son emploi à titre de membre de la GRC.
6. Entre le 26 mars 2021 et le 13 septembre 2021, [le gendarme] Gillmann a fait des commentaires discourtois et inappropriés à [la plaignante] et en sa présence. Au cours de la même période, [le gendarme] Gillmann s’est également livré à du harcèlement et à du harcèlement sexuel envers [la plaignante].
7. En raison des commentaires et du comportement [du gendarme] Gillmann, [la plaignante] s’est sentie offensée, rabaissée et humiliée.
8. Tous les commentaires et comportements décrits ci-après ont eu lieu en présence de [la plaignante].
9. Le 26 mars 2021 ou vers cette date, [le gendarme] Gillmann a dit à [la plaignante] que son épouse s’appelait également [B.] et qu’il allait essayer de ne pas l’appeler [la plaignante] [traduction] « bébé » par inadvertance.
10. Le ou vers le 15 juin 2021, [la plaignante] et son partenaire sont allés dîner au domicile [du gendarme] Gillmann. À cette occasion, [le gendarme] Gillmann a parlé des inégalités dans les métiers et de la manière dont les femmes et les personnes de couleur obtiennent davantage d’occasions, de subventions et de bourses. C’étaient les observations [du gendarme] Gillmann sur la base de son expérience.
11. Vers le 16 juillet 2021, [la plaignante] montait les escaliers au détachement. Lorsqu’elle est arrivée en haut, [le gendarme] Gillmann était là et lui a dit qu’il savait que c’était elle qui montait les escaliers parce que les pas étaient [TRADUCTION] « lourds, lents et déprimés ».
12. Le ou vers le 19 juillet 2021, [la plaignante] participait à une séance de remue-méninges sur un projet CAPRA (Clients, acquisitions et analyse de renseignements, partenariats, réponses, auto-évaluation).
a. Elle a suggéré [au gendarme] Gillmann la sensibilisation LGBTQ2S+.
b. [Le gendarme] Gillmann lui a répondu qu’elle ne le pouvait pas, car elle n’appartenait pas à cette communauté. Il a fait cette suggestion, car le suicide récent d’une jeune personne transgenre autochtone à Kitimat avait fait de la question LGBTQ2S+ un sujet très délicat dans la communauté de Kitimat.
c. Lorsque [la plaignante] a déclaré faire partie de « cette communauté », [le gendarme] Gillmann lui a demandé comment elle s’identifiait.
d. Cette question a offensé et dégoûté [la plaignante], car elle sentait, dans le ton du [gendarme] Gillmann, qu’il se « moquait » de la situation. Elle a répondu qu’elle n’avait pas à lui dire comment elle s’identifiait.
13. Le 19 juillet 2021 ou vers cette date, [le gendarme L.B.], l’un des membres de l’équipe de veille de [la plaignante], s’était fait extraire les dents de sagesse et avait du mal à manger.
a. Les membres, dont certains appartenant à l’équipe de veille D, ont commencé à plaisanter sur le fait qu’il était comme un oisillon qui avait besoin que sa nourriture soit écrasée pour lui.
b. La conversation s’est alors orientée vers la série télévisée « The Boys », que [le gendarme] Gillmann et plusieurs autres membres regardaient pendant leur temps libre. Il y avait une scène dans laquelle une femme mutante, durant un rapport bucco-génital, écrasait la tête d’un homme avec ses cuisses comme un melon d’eau. [Le gendarme] Gillmann et les autres membres ont discuté de cette scène en mimant des comportements sexuellement explicites.
14. Le ou vers le 3 août 2021, [le gendarme] Gillmann faisait partie d’une équipe chargée d’exécuter un mandat de perquisition dans une résidence privée. Il était chargé d’apporter le bélier pour enfoncer la porte. Plus tard ce jour là, [le gendarme] Gillmann se trouvait dans le bureau principal et faisait des blagues devant les membres de l’équipe de veille au sujet de ses parties génitales et de l’utilisation de son « pénis » et de son entrejambe pour enfoncer les portes, appelant ses parties génitales « le bélier », car il avait oublié le véritable bélier au détachement ce jour-là.
15. Vers le 4 août 2021, [la plaignante] travaillait à des dossiers liés à des fraudes sur Facebook. Cette activité était importante pour elle, car elle lui permettait d’enrichir son expérience en matière d’enquête, et elle a demandé conseil [au gendarme] Gillmann, puisqu’il était son formateur sur le terrain. [Le gendarme] Gillmann a dit à [la plaignante] que ce sur quoi elle travaillait représentait [TRADUCTION] « le fond du baril » et était [TRADUCTION] « sans importance ».
16. Le ou vers le 4 août 2021, [le gendarme] Gillmann se trouvait dans le bureau principal. Lui et d’autres membres de l’équipe de veille, dont [le gendarme A.G.], blaguaient sur la meilleure façon de prendre des photos de leurs testicules au coucher du soleil. [Le gendarme] Gillmann a montré comment prendre une telle photo en se penchant et en passant la main entre ses jambes, faisant semblant de prendre des photos par-derrière.
17. Le 3 septembre 2021, [la plaignante] était en congé et passait du temps avec son partenaire lorsque [le gendarme] Gillmann lui a demandé de passer au bureau pour signer des formulaires pour le PFP.
a. [La plaignante] s’est rendue au détachement avec son partenaire.
b. [Le gendarme] Gillmann lui a alors dit qu’elle allait devoir recommencer le PFP et lui a donné de nombreux formulaires à signer.
c. Sur l’un des formulaires, [le gendarme] Gillmann avait indiqué que [la plaignante] avait des [TRADUCTION] « difficultés psychologiques ».
i. Lorsque [la plaignante] a demandé ce que cela signifiait, [le gendarme] Gillmann lui a expliqué qu’il avait l’impression qu’elle éprouvait des difficultés parce qu’elle n’aimait pas Kitimat et son climat, que son petit ami n’avait pas d’emploi, qu’elle était stressée en raison de ses dossiers opérationnels et que son piano ne rentrait pas dans sa maison.
ii. [La plaignante] estimait que cela ne correspondait pas à la définition de « difficultés psychologiques » et s’est sentie offensée par cette suggestion.
iii. [La plaignante] a suggéré au [gendarme] Gillmann de modifier la formulation et de parler plutôt de [TRADUCTION] « problèmes liés au stress ».
iv. [Le gendarme] Gillmann a modifié la formulation comme suit : [TRADUCTION] « son mode de vie et sa condition physique posent problème en raison de blessures et de stress supplémentaire ».
v. [La plaignante] était bouleversée lors de la réunion et n’arrivait pas à exprimer ce qu’elle ressentait, mais elle s’est sentie obligée de signer les formulaires.
d. [Le gendarme] Gillmann n’a pas remis à [la plaignante] des copies des documents qu’elle avait signés.
e. Le même jour, après la réunion, [la plaignante] a demandé [au gendarme] Gillmann de déchiqueter les documents qu’elle avait signés, car elle regrettait de les avoir signés.
i. Elle a également demandé des copies non signées des documents afin de pouvoir les passer en revue.
ii. Une discussion a suivi, au cours de laquelle [le gendarme] Gillmann a réprimandé [la plaignante] pour ne pas avoir fait part de son malaise lors de la réunion et lui a dit que c’était là un excellent exemple de ses difficultés à communiquer.
iii. Au bout du compte, les copies signées n’ont pas été déchiquetées.
f. Le 7 septembre 2021, [la plaignante] a trouvé ce qui semblait être des copies non signées des formulaires qui lui avaient été présentés le 3 septembre 2021.
g. Les copies signées avaient été remises au sergent d’état-major Morgan, qui a demandé [au gendarme] Gillmann de ne pas les soumettre au Programme de formation sur le terrain.
h. Le sergent d’état-major Morgan a également demandé au gendarme Gillmann de ne pas avoir de contacts avec la plaignante.
18. Le ou vers le 13 septembre 2021, la plaignante était assise devant un ordinateur dans la salle informatique du détachement.
a. [Le gendarme] Gillmann est entré et a demandé à un autre gendarme qui utilisait l’ordinateur juste en face d’elle s’il pouvait consulter quelque chose sur cet ordinateur.
b. [La plaignante] a estimé qu’il y avait d’autres ordinateurs que [le gendarme] Gillmann aurait pu utiliser et qu’il essayait de l’intimider. Elle s’est levée et s’est rendue dans la salle des archives jusqu’à ce que [le gendarme] Gillmann quitte les lieux.
Résumé
19. Les incidents décrits ci-dessus montrent que [le gendarme] Gillmann a omis de traiter toute personne avec respect et courtoisie et s’est livré au harcèlement et au harcèlement sexuel à l’égard de [la plaignante].
Analyse
[7] Selon le paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC, mon rôle en tant que comité de déontologie est de décider si chaque allégation formulée au titre du Code de déontologie sont établies. Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir les allégations selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire que je dois conclure qu’il est plus probable que le contraire que le membre visé a contrevenu au Code de déontologie. L’autorité disciplinaire s’est acquittée de ce fardeau en présentant des éléments de preuve suffisamment clairs et convaincants.
[8] L’autorité disciplinaire n’a pas à prouver chacun des détails figurant dans l’Avis d’audience disciplinaire puisque certains n’ont été mentionnés que pour donner un contexte à l’allégation.
[9] Pour établir une allégation de conduite discourtoise ou irrespectueuse en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :
-
l’identité du membre visé;
-
l’action, le commentaire ou le comportement que le membre visé est censé avoir fait ou adopté;
-
qu’une personne objective et raisonnable au fait de toutes les circonstances pertinentes considérerait ce comportement comme étant discourtois ou irrespectueux.
[10] Pour établir une allégation de harcèlement en vertu de l’article 2.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :
-
l’identité du membre visé;
-
l’action, le commentaire ou le comportement que le membre visé est censé avoir fait ou adopté;
-
que les actions, les commentaires ou les activités reprochés sont liés au milieu de travail ou à l’emploi;
-
qu’une personne raisonnable, après une analyse contextuelle complète de toutes les circonstances, se serait sentie offensée ou humiliée ou aurait subi un préjudice ou une indisposition à la suite des actions, commentaires ou comportements.
[11] Le critère permettant de déterminer s’il y a eu harcèlement sexuel est le même que celui permettant de déterminer s’il y a eu harcèlement; toutefois, les actes, commentaires ou comportements doivent être de nature sexuelle. Pour déterminer s’il y a eu harcèlement sexuel, il faut se demander si une personne raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances, conclurait que l’acte était de nature sexuelle.
[12] Les détails exposés dans l’avis d’audience disciplinaire modifié reflètent fidèlement les preuves contenues dans le rapport d’enquête et les pièces justificatives. Le membre visé a reconnu le bien-fondé de l’allégation et des 19 détails. En reconnaissant pleinement ces faits, le membre visé n’a pas simplement admis les faits, il a reconnu que sa conduite répondait à tous les critères susmentionnés. Par conséquent, je n’ai pas besoin de procéder à une analyse approfondie des détails ou des éléments constitutifs de l’inconduite.
[13] Je note que toutes les actions du membre visé n’étaient pas dirigées contre la plaignante. Plusieurs des incidents les plus troublants, comme la conversation au sujet de l’émission télévisée « The Boys » (détail 13.b), les agissements du membre visé concernant le bélier (détail 14) et la discussion sur la façon de prendre en photo ses parties génitales (détail 16), ont eu lieu en présence d’autres membres, et pas seulement de la plaignante. Cela dit, comme le note le point 7, le résultat cumulé des commentaires et du comportement du membre visé a été que la plaignante s’est sentie offensée, rabaissée et humiliée.
[14] Je conclus que le membre visé a adopté, tant au travail qu’en dehors du travail, un comportement général qui relève de l’article 2.1 du Code de déontologie en ce qui concerne les trois aspects de cet article, à savoir la conduite discourtoise ou irrespectueuse, le harcèlement et le harcèlement sexuel.
[15] Pour les raisons susmentionnées, j’estime que l’allégation 1 est établie selon la prépondérance des probabilités.
MESURES DISCIPLINAIRES
[16] Ayant conclu que l’allégation 1 est fondée, je suis tenu d’imposer, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, au moins une des mesures disciplinaires prévues à ce paragraphe. Ces mesures comprennent le congédiement, l’ordre de démissionner ou l’imposition « [d’]une ou [de] plusieurs des mesures disciplinaires prévues dans les règles »
. Les mesures disciplinaires « prévues dans les règles »
se trouvent aux articles 3, 4 et 5 des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, DORS/2014-291 [CC (déontologie)].
Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires
[17] La proposition conjointe sur les mesures disciplinaires présentée par les parties comprenait les mesures suivantes :
-
le retour au taux de rémunération inférieur précédent pour une période d’un an;
-
l’interdiction, pour le membre visé, d’agir à titre de formateur sur le terrain dans le cadre du Programme de formation pratique de la GRC pendant une période de deux ans;
-
une directive enjoignant au membre visé de suivre les deux cours suivants, à ses frais et pendant son temps libre (c’est-à-dire en dehors des heures de travail), et de les terminer dans les trois semaines suivant son retour au travail :
-
l’ordre au membre visé d’écrire une lettre d’excuses officielle à la plaignante.
i. Éliminer le harcèlement sexuel en milieu de travail, offert par le Réseau canadien du savoir policier;
ii. Équité, diversité et inclusion en action sur le lieu de travail, offert par l’École de la fonction publique du Canada;
[18] La proposition conjointe comprenait un raisonnement mûrement réfléchi intégrant les cinq principes fondamentaux que les comités de déontologie de la GRC appliquent pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées à imposer. J’ai pris en compte l’ensemble de la proposition en ce qui concerne les mesures disciplinaires proposées. Les parties n’ont présenté aucune autre observation relative aux mesures disciplinaires pendant l’audience disciplinaire.
Principes de common law en matière de propositions conjointes
[19] La Cour suprême du Canada reconnaît que les propositions conjointes visant des sanctions criminelles sont non seulement une pratique acceptée et souhaitable, mais qu’elles sont « essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale et de notre système de justice en général »
[1]. Elle a ajouté que la plupart des ententes de ce genre « sont monnaie courante » et acceptées d’emblée par les juges. Cependant, ceux-ci ne sont pas tenus de les suivre pour diverses raisons. Ces notions s’appliquent également aux arbitres en matière de déontologie dans le cadre du régime disciplinaire de la GRC[2].
[20] La Cour suprême a déclaré que le critère de « l’intérêt public » est celui que doit appliquer le décideur lorsqu’il examine une proposition conjointe. La question à laquelle il faut répondre consiste à « savoir si la peine proposée serait susceptible de déconsidérer l’administration de la justice, ou serait par ailleurs contraire à l’intérêt public »
[3]. De plus, la Cour suprême note que les déclarations suivantes de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador saisissent bien l’essence du critère de « l’intérêt public » :
[33] […] malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [TRADUCTION]
« correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». […] les juges du procès devraient [traduction]« éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux »[4]. [Je souligne.]
[21] Par conséquent, en l’espèce, je dois déterminer si la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires s’écarte tellement des attentes d’une personne raisonnable au fait des circonstances de l’affaire qu’elle serait considérée comme faisant échec au bon fonctionnement du processus disciplinaire de la GRC.
Application des cinq principes fondamentaux
[22] Le processus actuellement utilisé par les comités de déontologie pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées repose sur cinq principes généraux énoncés dans deux rapports distincts préparés pour la GRC[5].
Conformité aux objectifs de la partie IV de la Loi sur la GRC
[23] les mesures disciplinaires doivent obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires de la GRC, qui figurent à la partie IV de la Loi sur la GRC. L’article 36.2 de la Loi sur la GRC énonce les objectifs de la partie IV qui, de manière générale, porte sur quatre intérêts particuliers :
-
l’intérêt du public;
-
les intérêts de la GRC à titre d’employeur et d’organisme public;
-
l’intérêt du membre visé à être traité de manière équitable;
-
les intérêts des personnes touchées.
[24] Mon rôle consiste à trouver un équilibre entre ces intérêts concurrents afin d’établir des mesures disciplinaires appropriées.

Intérêt public
[25] Les parties reconnaissent que les policiers, y compris les membres de la GRC, sont tenus de respecter des normes plus élevées que les employés en général, car ils occupent un poste de confiance et d’autorité. Or, les actes du membre visé sont susceptibles d’avoir une incidence sur la confiance du public envers la GRC.
[26] Les parties soutiennent que les mesures disciplinaires proposées servent l’intérêt public, car le membre visé est tenu responsable de ses actes. Les mesures disciplinaires proposées comprennent une pénalité financière importante, à savoir une réduction du salaire au niveau inférieur précédent pour une période de un an. Cette sanction financière importante envoie un message clair indiquant que la GRC ne tolérera aucune forme de harcèlement. La formation supplémentaire proposée protège l’intérêt public, car elle fera en sorte que le membre visé soit pleinement conscient de ses obligations en matière de maintien d’un milieu de travail respectueux à l’avenir. Je souscris à la proposition conjointe et j’accepte que les mesures disciplinaires proposées répondent adéquatement à l’intérêt public.
Intérêt de la GRC
[27] La GRC a intérêt à veiller à ce que les membres qui enfreignent le Code de déontologie soient traités de manière appropriée afin de maintenir la confiance du public.
[28] Les parties estiment que la formation supplémentaire que le membre visé recevra et l’interdiction qui lui est faite d’agir à titre de formateur sur le terrain dans le cadre du PFC servent les intérêts de la GRC en atténuant le risque de voir se reproduire un comportement similaire. Je suis du même avis et j’accepte que les mesures disciplinaires proposées répondent adéquatement aux intérêts de la GRC en tant qu’employeur et institution publique.
Intérêt du membre en tant que membre visé
[29] Le membre visé a intérêt à être traité équitablement. Bien que cette affaire n’ait pas donné lieu à une audience disciplinaire complète, le membre visé a bénéficié jusqu’à présent de toutes les garanties d’équité procédurale prévues dans le processus disciplinaire de la GRC.
[30] Les parties conviennent que le membre en cause est traité équitablement par l’imposition des mesures disciplinaires proposées. Il recevra une formation supplémentaire, ce qui est important pour lui éviter de reproduire le type de comportement dont il a fait preuve en l’espèce. La sanction financière est proportionnelle à ses actes. Je suis d’accord et j’accepte que les mesures disciplinaires proposées répondent adéquatement à son intérêt à être traité équitablement.
Intérêt de la plaignante en tant que personne touchée
[31] Je dois également tenir compte des intérêts de la plaignante en tant que personne touchée. Les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont informé que la plaignante avait participé au processus de résolution de cette affaire et qu’elle avait précisément demandé une lettre d’excuses, ce qui fait partie des mesures disciplinaires proposées. Bien que la plaignante ne se soit pas exprimée directement devant moi, je suis convaincu que ses intérêts et ses points de vue ont été pris en compte dans la proposition conjointe.
Prévalence des mesures disciplinaires éducatives et correctives
[32] Au titre de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, j’ai l’obligation d’imposer « des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives »
.
[33] Les parties soutiennent que les mesures disciplinaires proposées sont réparatrices et correctives. L’interdiction d’exercer les fonctions de formateur sur le terrain pendant une période prolongée et la formation que devra suivre le membre visé donneront à celui-ci l’occasion de réfléchir à ses actes, de tirer des leçons de la présente procédure et de corriger son comportement. La sanction financière est importante, mais le membre visé sera autorisé à conserver son emploi à la GRC. J’appuie la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires et je considère que celles-ci sont appropriées dans les circonstances de la présente affaire.
Présomption de la mesure disciplinaire la moins sévère
[34] Lorsque plusieurs mesures disciplinaires sont appropriées, la présomption de la mesure la moins sévère doit prévaloir. Toutefois, cette présomption peut être écartée si la confiance du public dans l’administration du processus disciplinaire de la GRC et/ou dans l’efficacité organisationnelle de la GRC est compromise.
[35] Les parties soutiennent que la présomption n’est pas écartée par l’intérêt public en l’espèce. Les parties conviennent que la conduite du membre visé ne justifie pas son renvoi. Les mesures disciplinaires proposées sont suffisantes pour dissuader le membre visé de répéter son comportement et pour maintenir la confiance dans l’administration du processus disciplinaire de la GRC. Je suis d’accord et j’accepte les observations des parties à l’égard de ce principe.
Proportionnalité
[36] L’analyse de la proportionnalité est l’aspect le plus technique et le plus complexe de l’application des cinq principes fondamentaux.
[37] L’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC et le paragraphe 24(2) des CC (déontologie) prévoient que les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances de la contravention aux dispositions du code de déontologie.
[38] Les comités de déontologie doivent d’abord recenser les facteurs de proportionnalité pertinents, puis déterminer si chaque facteur est atténuant, aggravant ou neutre. Enfin, ils doivent soupeser ces facteurs pour déterminer quelles mesures disciplinaires sont adaptées.
[39] Le Rapport final de la phase 1 énumère 15 facteurs de proportionnalité. Cette liste n’est pas exhaustive. J’examinerai chacun des facteurs d’une manière ou d’une autre.
Intérêt public
[40] J’ai déjà abordé dans une certaine mesure l’intérêt public, mais j’ajouterai que l’incidence des actes du membre visé sur la réputation de la GRC et sur les attentes du public, qui estime que les policiers, qu’ils soient en service ou non, doivent respecter des normes plus élevées, constitue un facteur de proportionnalité aggravant.
Gravité de l’inconduite
[41] L’allégation est grave. Elle comprend du harcèlement et du harcèlement sexuel. Le harcèlement sexuel relève de la catégorie plus large de l’inconduite sexuelle. La GRC a adopté une politique de congédiement par présomption en cas d’inconduite sexuelle, ce qui démontre qu’elle prend très au sérieux les cas d’inconduite sexuelle.
[42] La gravité de l’inconduite du membre visé est exacerbée par le fait que, comme l’ont souligné les parties, il occupait un poste d’autorité par rapport à la plaignante et exerçait un rôle de supervision. Il s’agit là d’un facteur de proportionnalité aggravant.
Reconnaissance de la gravité de l’inconduite (remords)
[43] Le membre visé reconnaît la gravité de son inconduite. Il a accepté la responsabilité de ses actes en admettant l’allégation. Il a rédigé une lettre d’excuses, ce qui est l’une des mesures disciplinaires expressément demandées par la plaignante. Bien que je n’aie pas vu cette lettre, les représentants de l’autorité disciplinaire m’ont assuré qu’ils l’avaient lue et qu’elle démontrait de manière adéquate que le membre concerné reconnaissait la gravité de ses actes et que ses excuses étaient sincères.
[44] Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité atténuant.
Antécédents professionnels
[45] Je ne dispose d’aucune information sur les antécédents professionnels du membre visé, à l’exception de celles que les parties m’ont fournies dans leur analyse de la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. En l’absence de preuve contraire, j’accepte les informations fournies par les parties, qui sont les suivantes :
[46] Le membre visé est membre de la GRC depuis 2018. Au cours de sa carrière, il a reçu des évaluations de rendement et des plans d’apprentissage positifs. Il a fait preuve d’esprit d’équipe et a dépassé les attentes, notamment en aidant d’autres membres dans le traitement de dossiers et en encadrant des membres juniors. Le membre visé a assumé des responsabilités qui dépassaient ses années de service. Par exemple, après une année de service, il a été muté aux services de police des Premières Nations en raison des bonnes relations qu’il avait établies avec la communauté autochtone locale. Il a commencé à travailler comme chef de veille, un poste de caporal, après seulement deux années et demie de service. Il continue d’être disposé à assumer ce niveau de responsabilité.
[47] Le membre visé a passé toute sa carrière dans une communauté du Nord. Il est très impliqué dans cette communauté. Par exemple, au cours des deux années précédant l’audience disciplinaire, il a organisé un match de hockey de charité entre les pompiers et les policiers de la communauté. Il a également été désigné agent de liaison dans une école locale. De plus, il a participé à un programme dans le cadre duquel les membres prennent un café avec des personnes âgées au centre local pour personnes âgées.
[48] J’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité atténuant.
Perspectives de réadaptation
[49] En ce qui concerne les perspectives de réadaptation, le membre en question a accepté la responsabilité de ses actes. Il a cherché à régler rapidement cette affaire afin de pouvoir reprendre ses fonctions plus tôt, dans l’espoir de pouvoir expier son comportement. Il a exprimé des remords pour ses actes. Je n’ai aucune raison de croire que sa conduite future ne sera pas conforme aux valeurs fondamentales de la GRC et aux attentes élevées qui pèsent sur un membre de la GRC.
[50] J’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité atténuant.
Parité des sanctions
[51] Les parties ne m’ont fourni aucun cas d’inconduite de la GRC ayant déjà fait l’objet d’une décision. D’après mon expérience, les mesures disciplinaires proposées sont conformes à celles prises dans des cas similaires. Toutefois, en l’absence de cas ayant déjà fait l’objet d’une décision, je considère qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité neutre.
Dissuasion spécifique et générale
[52] En matière de dissuasion, les mesures disciplinaires proposées constituent une dissuasion spécifique importante pour le membre visé. Les représentantes du membre visé ont indiqué que la procédure disciplinaire avait eu des répercussions négatives sur lui à titre personnel. Ainsi, je suis convaincu qu’il ne souhaitera pas faire l’objet d’une autre procédure disciplinaire. J’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité atténuant.
[53] En ce qui concerne la dissuasion générale, la haute direction de la GRC a déclaré à plusieurs reprises que le harcèlement et le harcèlement sexuel ne seraient pas tolérés à la GRC. Par conséquent, il est impératif que les comités de déontologie imposent des sanctions importantes lorsque des cas d’inconduite de cette nature leur sont soumis. Néanmoins, les mesures disciplinaires proposées sont d’une sévérité suffisante pour informer tous les membres de la GRC que les comportements comme celui-là seront traités avec sévérité.
[54] La nécessité d’une dissuasion générale dans les cas de harcèlement et de harcèlement sexuel est habituellement un facteur de proportionnalité aggravant. La présente affaire ne fait pas exception.
Défaillance systémique et contexte organisationnel/institutionnel
[55] En ce qui concerne le contexte organisationnel, la réputation de la GRC a été considérablement ternie ces dernières années par des allégations de culture toxique. La direction de la GRC déploie des efforts considérables pour transformer la culture de la GRC et communiquer avec tous les employés à cet égard; pourtant, des comportements comme ceux dont a fait preuve le membre visé continuent d’être trop fréquemment portés devant les comités de déontologie. Je considère que la GRC a suffisamment averti le membre visé que ce type de comportement ne serait pas toléré à la GRC, mais qu’il a néanmoins choisi d’agir comme il l’a fait.
[56] J’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité aggravant.
Atteinte à la réputation de la GRC
[57] Je ne dispose d’aucun élément de preuve à l’appui de conclusions concernant une quelconque atteinte à la réputation de la GRC. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité neutre.
Effet de la publicité
[58] Je n’ai pas été informé que cette affaire avait attiré l’attention des médias. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur de proportionnalité neutre.
Mise en équilibre des facteurs de proportionnalité
[59] J’ai conclu que les facteurs de proportionnalité suivants constituent des facteurs aggravants : l’intérêt public, la gravité de l’inconduite, la dissuasion générale et le contexte organisationnel. Par contre, j’ai conclu que les facteurs suivants sont des facteurs atténuants : le remords, les antécédents professionnels, la dissuasion spécifique et les perspectives de réadaptation. Enfin, j’ai conclu que les facteurs suivants sont neutres : la parité des sanctions, l’atteinte à la réputation de la GRC et l’effet de la publicité.
[60] Les facteurs de proportionnalité liés à la provocation, à l’invalidité ou à d’autres circonstances personnelles pertinentes, les considérations d’équité procédurale et les pertes résultant de la suspension administrative provisoire non rémunérée ne sont pas applicables dans le cadre de la présente procédure.
[61] Je conclus que les facteurs aggravants l’emportent sur les facteurs atténuants. Chacun des facteurs aggravants est important et justifie des mesures disciplinaires importantes. Les trois facteurs atténuants sont quelque peu liés, mais ils justifient suffisamment le maintien en poste du membre visé à la GRC. Toutefois, son inconduite nécessite tout de même des mesures disciplinaires importantes.
Normes de conduite plus élevées pour les policiers
[62] Le dernier principe fondamental est que les policiers sont soumis à des normes de conduite plus élevées que les employés en général, car ils occupent un poste de confiance. Selon l’alinéa 36.2b) de la Loi sur la GRC, l’un des objectifs du régime disciplinaire de la GRC est de « prévoir l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et renforce les normes de conduite élevées que les membres sont censés observer »
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[63] Les tribunaux et les comités de déontologie de la GRC reconnaissent depuis longtemps que les policiers sont assujettis à des normes de conduite plus élevées que le grand public. Les membres du public sont en droit de s’attendre à ce que les membres de la GRC, à qui ils font confiance pour faire respecter et appliquer la loi, fassent toujours preuve de courtoisie et de respect envers les autres et s’abstiennent de harceler leurs collègues. Le comportement du membre visé a considérablement porté atteinte à cette confiance.
Décision relative aux mesures disciplinaires
[64] Combinés, les facteurs de proportionnalité placent la conduite du membre visé à l’extrémité supérieure de l’éventail des comportements graves. Deux des quatre mesures disciplinaires proposées relèvent de la section 5, Mesures disciplinaires graves, des CC (déontologie). Une réduction du salaire au niveau inférieur précédent pour une période de un an constitue une sanction financière importante. L’obligation de suivre deux cours répond aux objectifs de correction et d’éducation des mesures disciplinaires. L’obligation de rédiger une lettre d’excuses répond à la demande expresse de la plaignante comme l’un des résultats de cette mesure disciplinaire.
[65] Compte tenu de ce qui précède, je ne considère pas que les mesures disciplinaires proposées conjointement porteraient atteinte à l’administration de la justice ou au processus disciplinaire de la GRC, ni qu’elles soient contraires à l’intérêt public. Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe des parties sur les mesures disciplinaires.
DÉCISION
[66] Ayant conclu que l’allégation 1 était fondée et conformément à la proposition conjointe présentée par les parties, j’impose les mesures disciplinaires suivantes :
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le retour au taux de rémunération inférieur précédent pour une période de un an, conformément à l’alinéa 5(1)d) des CC (déontologie);
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une directive interdisant au membre visé d’agir à titre de formateur sur le terrain dans le cadre du PFP de la GRC pendant une période de deux ans, conformément à l’alinéa 5(1)a) des CC (déontologie);
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une directive enjoignant au membre visé de suivre les deux cours suivants à ses frais et pendant son temps libre (c’est-à-dire en dehors des heures de travail) et de les terminer dans les trois semaines suivant son retour au travail, conformément à l’alinéa 3(1)c) des CC (déontologie) :
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Éliminer le harcèlement sexuel en milieu de travail, offert par le Réseau canadien du savoir policier;
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Équité, diversité et inclusion en action sur le lieu de travail, offert par l’École de la fonction publique du Canada;
Le membre visé fournira à son supérieur immédiat la preuve qu’il a suivi ces cours avec succès.
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une directive enjoignant au membre visé de rédiger une lettre d’excuses officielle à l’intention de la plaignante, conformément au paragraphe 3(2) des CC (déontologie).
[67] En acceptant la proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, je donne au membre visé la chance de poursuivre sa carrière à la GRC. Ses superviseurs et toute autorité disciplinaire compétente examineront de près toute infraction future au code de déontologie, qui pourrait entraîner son congédiement de la GRC.
[68] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de la présente décision au membre visé, comme il est indiqué à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.
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23 juillet 2025 |
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Kevin L. Harrison Comité de déontologie |
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Date |
[1] R. v Anthony-Cook, 2016 SCC 43 [Anthony-Cook], paragraphe 25.
[2] Rault v Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81, paragraphe 17; Constable Coleman v Appropriate Officer, “F” Division, (2018) 18 AD (4th) 270.
[3] Anthony-Cook, paragraphe 5.
[4] Anthony-Cook, au paragraphe 33, citant R. v Druken, 2006 NLCA 67, au paragraphe 29; R. v B.O.2, 2010 NLCA 19 (CanLII), paragraphe 56.
[5] Paul Ceyssens and W. Scott Childs, Phase I – rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, Rapport à la Gendarmerie royale du Canada (24 février 2022) (Phase I – rapport final à la GRC); Paul Ceyssens et W. Scott Childs, Rapport final de « Phase 2 » concernant les mesures disciplinaires et les questions connexes en vertu de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, Rapport à la Gendarmerie royale du Canada (31 janvier 2023).